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Belle-Ile-en-Mer. Les enfants « bagnards »

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Message par Admin Lun 17 Déc - 21:50

Publié le 16 décembre 2018 à 09h00 le telegramme Anna Quéré

Belle-Ile-en-Mer. Les enfants « bagnards »  Sans1111
Un jeune pupille en habit de marin lors d’un conseil disciplinaire. Les sanctions pouvaient aller de l’isolement aux travaux plus durs, et éventuellement à l’exclusion vers une colonie correctionnelle.

Créée en 1880 à Belle-Ile-en-Mer, l’ancienne prison accueillait des mineurs délinquants au sein d’une colonie maritime et agricole. En 1934, une révolte provoque une campagne de presse qui s’émeut de leurs conditions d’existence. Aujourd’hui, un projet muséographique est en cours, afin de faire revivre la mémoire des lieux.

En 1934, Belle-Ile-en-Mer fait les gros titres de la presse régionale et nationale. La plus grande île de Bretagne accueille depuis 1880 une colonie pénitentiaire pour mineurs. Le 27 août 1934, 56 pupilles s’évadent de l’établissement. « Depuis plusieurs mois, le climat est médiocre à l’intérieur de l’institution. Un soir d’août 1934 éclate un incident au réfectoire, un incident apparemment bénin. Contrairement au règlement, un colon a mangé son fromage sans avoir bu sa soupe. Il est puni, ses camarades du réfectoire se solidarisent avec lui, c’est le début d’une révolte que les personnels n’arrivent pas à contenir », raconte Jacques Bourquin dans un article consacré à l’histoire de l’établissement.

Les jeunes garçons franchissent les murs de la colonie et se cachent dans toute l’île. En cette période estivale, de nombreux vacanciers y séjournent. Pour retrouver les jeunes fuyards, on fait appel à des gardes mobiles mais aussi à la population locale et aux estivants. Tous les enfants sont finalement retrouvés et subissent une sévère correction. Cette mutinerie inspira à Jacques Prévert le poème « La chasse à l’enfant » : « Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! […] C’est la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l’enfant ». Cet événement provoque aussi une grande campagne de presse, menée par le journaliste Alexis Danan, qui vient alors de réaliser une enquête sur le bagne de Cayenne. Le reporter lance des appels à témoignages et met en cause d’autres colonies, comme celle de Mettray, en Indre-et-Loire.

440 jeunes en 1897

Belle-Ile-en-Mer n’est, en effet, pas un cas isolé. Les premiers établissements pénitentiaires pour mineurs ont été créés après la Révolution française : en 1791, une loi fixe la minorité pénale à 16 ans. Ces jeunes sont alors enfermés dans des maisons de détention avec les adultes. La loi du 5 août 1850 sur « l’éducation et le patronage des jeunes détenus » officialise et généralise les colonies pénitentiaires et permet de séparer les mineurs des adultes. « Ces colonies pénitentiaires ont été fondées par des humanistes qui cherchaient à sortir les gamins des prisons », rappelle l’historien Mathias Gardet

À Belle-Ile-en-Mer, des baraquements, qui avaient d’abord reçu 600 prisonniers politiques après la révolution de 1848, accueillent de nombreux mineurs. En 1890, le bagne compte déjà une centaine de colons. En 1897, ce sont 440 mineurs, de 8 à 21 ans, qui y sont détenus. Du fait de son insularité, la colonie a une vocation maritime très marquée. « Elle prétend moraliser les jeunes délinquants par la mer, comme Frédéric-Auguste Demetz avait voulu le faire dans la colonie de Mettray », écrit Mathias Gardet. Les enfants reçoivent une formation pour devenir mousse ou marin, au sein de quatre ateliers : matelotage et timonerie, voilerie et filets, garniture et corderie. En 1900, une usine de sardines est même créée. L’activité agricole prend aussi de l’ampleur à partir de 1902, lorsque l’Administration pénitentiaire acquiert le domaine de Bruté-Souverain. Les jeunes s’occupent des travaux des champs et du jardin potager, ainsi que de l’élevage d’animaux.

« L’école du bagne ! »

Les conditions de vie sont difficiles. En 1924, Louis Roubaud, journaliste au Quotidien de Paris, visite la colonie de Belle-Ile-en-Mer. Dans son enquête, intitulée « Les enfants de Caïn », Il dénonce les excès d’un système où « les enfants sont directement confiés à des surveillants à peu près illettrés, dont toute la connaissance professionnelle est de fermer une porte, ou de passer à tabac les mauvaises têtes ». Avant de conclure : « Ces écoles professionnelles sont tout simplement l’école du bagne ! ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’établissement est évacué. 1945 marque un tournant majeur. « C’est en 1945 que l’ordonnance relative à l’enfance délinquante prévoit la mise en place d’une justice spécifique pour les enfants ainsi que des "sanctions éducatives" prononcées par les tribunaux pour mineurs », explique Jean-Claude Vimont, historien spécialiste de l’histoire judiciaire. Le service de l’Éducation surveillée devient une direction autonome au sein du ministère de la Justice et ne dépend donc plus de l’Administration pénitentiaire : six Institutions Publiques d’Éducation Surveillée sont créées, parmi lesquelles celle de Belle-Ile-en-Mer qui ouvre ses portes en 1947 avec un régime moins répressif. L’établissement ferme définitivement en 1977.

Aujourd’hui, un projet muséographique, lancé par la PJJ et la commune de Palais, à Belle-Ile-en-Mer, est en cours afin de faire revivre la mémoire de la colonie. Ce nouveau lieu accueillera notamment un rendez-vous annuel consacré à la justice des mineurs et remplira une mission historique et mémorielle, en faisant découvrir la vie de ces pensionnaires. Il a aussi pour vocation de développer des projets culturels, artistiques et associatifs, en relation avec la thématique Justice et jeunesse.

Pour en savoir plus

« La rééducation en Bretagne dans les années 1940 », Mathias Gardet, Musée de Bretagne, Rennes, 1990.« Une maison de correction. La colonie de Belle-Ile en-Mer 1880-1945 », Jacques Bourquin, revue de l’histoire et de l’enfance irrégulière, PUR, 2007.« Les colonies pénitentiaires pour mineurs : des "bagnes" » pour enfants. L’exemple de Belle-Ile-en-Mer (1880-1977) », Jean-Claude Vimont, site Criminocorpus.« Enfants de justice », un film documentaire de Pierrick Guinard, 2000.




L’accueil des mineurs délinquants en Bretagne

Outre la colonie pénitentiaire publique de Belle-Ile-en-Mer, des initiatives privées ont accueilli des mineurs délinquants en Bretagne. Qu’il soit privé ou public, ce secteur « prend en charge des pupilles, qu’ils soient "coupables", "victimes", "en danger moral", "déficients", "caractériels", "irréguliers"... des enfants sous le sceau de la justice », écrit l’historien Mathias Gardet dans un ouvrage publié à l’occasion d’une exposition consacrée au sujet au Musée de Bretagne en 1990.

Parmi ces établissements, le refuge Saint-Cyr à Rennes, créé au XVIIIe siècle, est le plus ancien en Bretagne. Il est fondé par les sœurs de la congrégation Notre-Dame de Charité et se consacre alors à la « correction » et à l’éducation des « femmes de mauvaise vie » : parmi elles, des fillettes et des jeunes femmes orphelines, abandonnées, fugueuses, voleuses ou prostituées.

Une colonie à vocation agricole, dirigée par les Pères du Saint-Esprit, est par ailleurs créée à Saint-Ilan, à Langeux (22), dès 1885. Leur travail transforme progressivement le paysage rural des environs. Les pères fondent ensuite deux autres établissements à Langonnet (56) et Meslin (22). Ceux-ci sont transformés en orphelinats au début du XXe siècle.

Enfin, en 1940, naît la colonie de Ker Goat, non loin de Dinan : « Mythe fondateur dans une nouvelle façon d’appréhender le mineur de justice, la fameuse idée de rééducation », écrit Mathias Gardet. Le centre a été fondé par Marie-Anne de la Morlais, infirmière et assistante sociale, entourée d’éducateurs issus du scoutisme. Une expérience qui fut fortement médiatisée, notamment à travers sa chorale qui inspira le film « La cage aux rossignols », en 1945.

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