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Bretonnes à Paris. Sauvées sur le quai de gare

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Bretonnes à Paris. Sauvées sur le quai de gare  Empty Bretonnes à Paris. Sauvées sur le quai de gare

Message par Admin Dim 10 Mar - 21:00

Publié le 03 mars 2019 à 07h00 telegramme

Bretonnes à Paris. Sauvées sur le quai de gare  Sans1655

Deux ans après sa création en 1958, le Service social breton, installé dans un local de la gare Montparnasse, reçoit plus de 6 700 jeunes femmes par an

À partir du milieu du XIXe siècle, plusieurs milliers de Bretons quittent leur région pour la capitale afin de fuir la misère. Parmi eux, de nombreuses femmes qui sombrent dans la prostitution. Pour pallier ce phénomène, des structures se mettent en place et viennent recueillir ces filles dès leur descente du train, à la gare Montparnasse.

La révolution industrielle des années 1850 - avec l’invention de la machine à vapeur - entraîne une crise économique qui touche une partie des provinces françaises. La société à dominante agraire et artisanale laisse peu à peu place à une société industrielle. Dans les campagnes bretonnes, l’effondrement de l’industrie textile du lin et du chanvre (fonctionnant avec des métiers à tisser manuels) entraîne la fermeture de nombreux ateliers. Le chômage et la misère touchent de plein fouet les habitants.

Sous la pression démographique, la terre natale ne fournit plus de possibilité de travail, et le départ de la région devient une nécessité pour des milliers de Bretons. Une grande majorité de ces émigrés choisissent Paris pour destination. Il faut dire que l’ouverture des lignes de chemin de fer Paris-Nantes-Quimper (inaugurée en 1863) et Paris-Brest (en 1865) facilitent ces déplacements de populations vers la capitale… En 1883, Paris compte déjà plus de 12 000 Bretons ; ils sont près de 150 000 vingt ans plus tard. Arrivant par la gare Montparnasse, beaucoup d’entre eux s’installent dans ce quartier du XIVe arrondissement.

Sur les trottoirs de la capitale


Si les hommes forment une main-d’œuvre idéale pour les travaux les plus pénibles, la majorité des arrivants sont des femmes, souvent jeunes et célibataires. Leur sort n’est guère enviable à celui de leurs compatriotes. Elles se placent au mieux comme nourrices ou concierges mais, le plus souvent, comme bonnes à tout faire, acceptant des conditions de travail difficiles et des gages peu élevés. D’autres migrantes, moins « chanceuses », se retrouvent sur les trottoirs de la capitale. Ces jeunes filles un peu naïves sont parfois directement recrutées à leur descente du train par des proxénètes sans scrupule.

Face à ce phénomène, le premier à réagir est l’abbé François Cadic, recteur de l’église Notre-Dame des Champs, située à deux pas de Montparnasse. Ce prêtre morbihannais, influencé par les idées chrétiennes-démocrates qui se développent à la fin du XIXe siècle à la suite de l’encyclique Rerum novarum (1891) du pape Léon XIII sur la condition ouvrière, crée en 1897 la Paroisse bretonne de Paris. Face à la misère de ses ouailles, il les aide à trouver un logement et un emploi, à se faire soigner…

30 à 40 % des détenues d’origine bretonne

En plus de ces premiers bureaux de placement, l’abbé Cadic met en place, à partir de 1905, l’Œuvre des gares pour lutter contre les racoleurs qui se font passer désormais pour des employés des centres de placement. Celle-ci envoie ainsi des personnes accueillir les jeunes filles à leur descente du train, portant, pour être reconnues, un ruban jaune et rouge à l’épaule. Elles leur éviteront de se faire accoster et mettront à leur disposition un lieu sûr où loger. Parmi ces bénévoles, Geneviève de Blignières, une jeune femme originaire d’Ille-et-Vilaine, arrivée à Paris afin de poursuivre ses études à l’Institut supérieur d’économie sociale et familiale. Nous sommes en 1926 et l’abbé Cadic porte à bout de bras son association, qui ne survivra pas à sa mort, trois ans plus tard.

La situation se dégrade encore car, en plus de la prostitution, de nombreuses jeunes Bretonnes issues des classes populaires se retrouvent mêlées à des affaires de drogue. Geneviève Blignières fait ce constat en 1933 en visitant la prison Saint-Lazare, où elle s’aperçoit que 30 à 40 % des détenues sont d’origine bretonne. Elle décide alors de créer une maison d’accueil au sein même de la gare Montparnasse. Après la Seconde Guerre mondiale, l’afflux de Bretonnes est toujours plus important à Paris, et la jeune femme prend rapidement conscience de l’urgence de proposer un service spécialisé.

Naissance d’un véritable service social

Geneviève de Blignières décide donc de créer une véritable institution. Le Service social breton, c’est son nom, voit le jour en 1958. Dans un premier temps, il prend la forme d’une permanence dans un local de la gare Montparnasse. Sur place on reçoit, oriente et règle les problèmes. Deux ans après sa création, la structure reçoit plus de 6 700 jeunes femmes par an. Face à ce succès, Geneviève de Blignières souhaite offrir à ses jeunes compatriotes un refuge, proposant foyer, restauration et dispensaire.

Ce dernier voit le jour en 1970, grâce au financement des cinq départements bretons et de la ville de Paris. L’année suivante, le Service social breton est reconnu d’utilité publique, son centre d’hébergement et de réinsertion sociale est pris en charge par la DDASS (aujourd’hui remplacée par l’Aide sociale à l’enfance). Une quarantaine de personnes - médecins, éducateurs et assistantes sociales - accueillent ces jeunes Bretonnes en grande difficulté. Le centre bénéficie également d’un service de radiologie et de psychiatrie, pour faire face aux épreuves et difficultés que ses pensionnaires ont pu affronter dans les rues de la capitale.



Pour en savoir plus

« Les Bretonnes de Paris face à la prostitution : entre réalité et fantasmes » de Thomas Perrono, sur la revue en ligne En Envor.« L’émigration bretonne de Marcel Le Moal », éditions Coop Breiz, 2013.Le site internet du Service social breton : www.service-social-breton.org
https://www.service-social-breton.org/






Des structures qui existent encore aujourd’hui


Le Service social breton existe toujours aujourd’hui, même si sa mission a bien évidemment changé depuis la fin des années 1960.

L’institution stoppe en 1992 son activité purement sociale et abrite dorénavant un foyer de jeunes travailleuses. En effet, depuis la création de la structure à la fin des années 1950, le profil des résidentes a évolué, tendant de plus en plus vers une mixité sociale. Les Bretonnes débarquant à Paris parlent toutes aujourd’hui le français, ce qui n’était pas le cas à l’époque. Elles ont également un niveau scolaire plus élevé, et viennent souvent dans la capitale afin de poursuivre leurs études. Les pensionnaires, âgées de 18 à 28 ans, ne sont plus exclusivement des Bretonnes, même si celles-ci restent majoritaires.

De son côté, la Paroisse bretonne de Paris, créée en 1897 par l’abbé Cadic, revient sous le nom de Mission bretonne en 1947. Cette association est aussi une initiative catholique, celle de l’abbé costarmoricain, Élie Gautier. Fondée dès le départ pour accueillir et aider les Bretons venant chercher du travail à Paris, et notamment les jeunes femmes tombées dans la prostitution, la Mission bretonne favorise les rencontres entre les jeunes immigrés et propose un accompagnement social. Mais rapidement, l’association s’éloigne de ses premiers objectifs et organise des événements festifs et culturels afin de faire vivre la culture bretonne dans la capitale, encore aujourd’hui avec des festoù-noz, un salon du livre ou encore la Fête de la Bretagne à Paris…
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