Nationale 7, Plagny (Nièvre), Jeudi 26 septembre 1935, 5 heures du matin, Il y a pile 86 ans…

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Deux phares blêmes peinent à percer le brouillard de cette fin de nuit nivernaise. En venant de Magny-Cours, la pente est raide en direction de Nevers… Le Berliet avance à peine plus vite qu’un homme au pas. « Quelle merde, ce gazo » soupire Jean qui le conduit depuis St-Etienne. Toujours soucieuse de son indépendance énergétique, la France propose des aides et des abattements de taxes pour les véhicules équipés de gazogène. Avantage, le combustible, du bois de chauffage, ne risque pas de manquer. Inconvénients, la mise en route est longue et fastidieuse et les performances des camions sont quasiment réduites de moitié.

Mais Monsieur Rivière, le patron de Jean cherche toujours à faire des économies, au détriment de la vitesse. Il était presque minuit quand Jean a quitté le garage des « Fourgons Stéphanois » pour Paris avec Francisco, un jeune chauffeur espagnol qui alimente de temps en temps la chaudière située derrière la cabine. Pour l’instant, il dort sur son siège. Jean pique parfois du nez sur son volant, le petit matin est le pire moment pour les conducteurs fatigués. Dès qu’ils auront passé Nevers, ils seront à mi-parcours et Francisco prendra le volant.

Le camion arrive enfin à la Chaume des Pendus, en haut de la côte. Ce nom résonne toujours comme une malédiction pour Jean qui ne s’est jamais attardé dans le hameau, d’autant que la route commence à redescendre et que le Berliet prend de la vitesse. Le brouillard est de plus en plus épais. Jean essuie le pare-brise avec son mouchoir mais l’eau dégouline à l’intérieur des vitres. C’est à cause du canal, un peu plus bas, qu’il y a tant de condensation. Jean devine qu’il y arrive en apercevant les deux trois maisons qui précèdent le pont… Ça y est, un brusque dos d’âne indique l’arrivée sur le Pont de Plagny où la Nationale 7 franchit le canal latéral à la Loire.


Soudain, Jean voit déboucher un tracteur qui recule sur la route. À peine éclairé, c’est un Latil qui tracte les péniches par le chemin de halage. Il se jette sur les freins, donne un brusque coup de volant pour l’éviter mais c’est trop tard, le Berliet heurte le tracteur qui effectue un tour complet sur lui-même avant de se coucher sur le côté. Le camion, déséquilibré, se fracasse violemment sur un platane bordant la chaussée… Francisco Guerrero, 21 ans, ne s’est pas réveillé. Il est mort sur le coup, écrasé contre l’arbre. Edward Malysko, 25 ans, qui conduisait le tracteur git, assommé à côté de l’épave de son véhicule.

Quand à Jean, groggy, il est resté coincé dans la cabine du Berliet, avec une jambe et un bras cassés… Des riverains, alertés par le choc se précipitent vers les blessés. Si l’on ne peut plus rien faire pour Francisco, il faut absolument extraire Jean du camion : la chaudière du gazogène s’est éventrée et le camion commence à bruler. Hurlant de douleur, on l’allonge sur le côté de la route en attendant les secours qui vont arriver de Nevers, à moins de cinq kilomètres. En dépit des soins prodigués, son état va brusquement se dégrader et Jean Thévenon, 31 ans, décèdera la nuit suivante à l’hôpital de Nevers. Quand à la responsabilité de l’accident, elle incombe au tracteur de péniche qui a reculé sur la Nationale sans précaution ni éclairage…




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