Alors celle-là, on ne me l'avait jamais faite

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Cela fait 13 ans que je suis nomade. Je me déplace presque chaque jour et c'est parfois fatigant. Alors, dès que je sens qu'un bivouac est propice à rester, j'en profite

Ce matin, le pantalon autour des chevilles dans un fossé, j'entends une voiture approcher de l'aire des gens du voyage sur laquelle je dors depuis 3 nuits. Au son du moteur qui ralentit, je sais déjà que c'est pour ma pomme

Je me lave les fesses en vitesse et, la pelle à caca dans une main et la bouteille d'eau dans l'autre, je retourne à ma tente, je jette mes ustensiles WC dans celle-ci, avant d'aller franco vers l'homme qui s'est garé devant chez moi !

- Bonjour.
- Bonjour, répond l'homme. Vous n'avez pas le droit d'être là.
- Comment ça ?
- C'est une aire pour les gens du voyage.
- Ben je suis un "gens du voyage". 🤨
- Vous ne pouvez pas rester sans véhicule.
- Quoi !? Vous êtes sérieux ? (j'ai un vélo, c'est un véhicule, mais je le garde pour moi)
- Oui.
Je ris en moi.
- Sous prétexte que je n'ai pas de voiture ni de caravane, je n'ai pas le droit de m'installer là ?
- C'est ça !
Je ris encore intérieurement.
- Vous voyez bien que je ne dérange personne.
- Ce n'est pas la question. C'est une histoire de règlement.
- De règlement ? dis-je en riant nerveusement le plus discrètement possible.
- Oui.
- Alors là il faut que vous m'expliquiez. Je ne cherche pas des noises, juste à comprendre.
- C'est une question de sécurité.
Là, je ne peux plus me retenir, j'éclate de rire
- De sécurité ? Où est-ce que, parce que je n'ai pas de voiture, je suis en danger ?
- Au cas où il y aurait une inondation par exemple. C'est une zone inondable. Le temps que vous rangiez toutes vos affaires et partez. Alors qu'en voiture ils peuvent partir vite.

Je ne prends même pas la peine d'argumenter que le chemin d'accès, caillouteux et plein de nids de poule, est tellement étroit que 20 ou 30 caravanes créeraient un embouteillage monstre, alors qu'à vélo je serais partie en 10 secondes en abandonnant ma tente.

- Je suis désolé, vous devez partir. Je ne dis pas dans la minute, mais dans la journée...
- Ne vous inquiétez pas, je serai partie aujourd'hui. Le temps de boire un café et de ranger. Je ne cherche pas les ennuis.
- Je vois que vous êtes raisonnable.
- De toute façon, vous reviendrez et la prochaine fois je n'aurai pas le choix.
- C'est ça !
- Au fait, vous êtes ?
- Le responsable de cette aire.
- Et alors, vu qu'on est au milieu de rien, et que je n'ai vu que 2 passants ce week-end, comment savez-vous que je suis là ?
- On m'a téléphoné.
- Hum. Je vois...

Je n'ai pas voulu entrer dans la polémique, cet homme ne faisant que son travail. Mais je n'ai pas pu m'empêcher de penser que, si ce lieu inondable, construit sur une butte, est dangereux pour ma sécurité, je ne comprends pas pourquoi on a autorisé des sédentaires à bâtir leur maison en contrebas...

Alors que l'homme s'apprêtait à remonter dans sa voiture, je n'ai en revanche pas pu m'empêcher de lui dire :
- Cela fait 13 ans que je vis comme ça, et cette raison-là, pour me faire partir, on ne me l'avait encore jamais avancée...

Comme si je n'étais pas assez grand, expérimenté et responsable pour réfléchir et assurer ma propre sécurité, en considérant l'environnement dans lequel je m'installe...

J'ai bien fait de me reposer ce week-end. Le nomade est partout bien accepté, en général. Mais j'ai depuis longtemps appris qu'on finit toujours par déranger.

Aujourd'hui je vais donc ajouter une vingtaine de kilomètres à mes 68 000, pour trouver un autre campement, en me dirigeant vers Bressuire, tranquillement !

Le nomadisme appelle le nomadisme. Et souvent, la fatigue s'accumule...

C'est pourquoi dans (Re)naissance d'un nomade j'ai vécu plusieurs mois dans une maison abandonnée ️


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