Côtes-d'Armor. La mue des paysages photographiée depuis 20 ans

11 juin 2015 à 07h00 / Frédéric Jacq / Depuis 1994, 42 paysages des Côtes-d’Armor sont photographiés une fois l’an par le Centre d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement. À la clé, des diaporamas souvent saisissants à découvrir lors d’une exposition qui a débuté jeudi 4 juin. Et sur notre carte interactive exclusive !

VOIR ICI SUR L'ARTICLE LA CARTE

http://www.letelegramme.fr/cultures/cotes-d-armor-la-mue-des-paysages-photographiee-depuis-20-ans-11-06-2015-10652239.php

Depuis deux décennies, un photographe se présente, chaque année, même jour, même heure, même lieu.

Ou presque. Plante un trépied au caillou près, y enclenche un appareil identique, argentique. Il déclenche. L’Observatoire photographique du paysage (OPP) des Côtes-d’Armor s’est construit ainsi, guidé par une rigueur quasi-scientifique, nécessaire pour immortaliser l’air du temps. Nimbant ces végétaux qui s’étoffent et ces bâtisses ancestrales qui ploient sous les ans. À la manœuvre, l’impalpable dame nature ou l’homme. Sur 42 sites du département, plus de 800 photographies ont été prises sous l’égide du Centre d'architecture, d'urbanisme et de l’environnement (CAUE 22) basé à Saint-Brieuc.

Un trésor de documentaliste resté dans les tiroirs de cette institution. Jusqu’à jeudi, jour de vernissage d’une exposition publique qui lui est consacrée. Pas de cartes postales Tout remonte au début des années 90. Le CAUE est approché pour s’emparer de ce projet initié par le ministère de l’Environnement. «Nous avons dit "oui" et souhaité confier la réalisation des premières images à un artiste», se remémore Henri Le Pesq, directeur du CAUE 22.

Le photographe Thibaut Cuisset est choisi et prend la route. Il revient avec un résultat qui décevra les élus d’alors. «Ils imaginaient un panégyrique du département, Thibaut Cuisset a préféré des lieux banals. Ceux du quotidien sur lesquels il a posé son regard, tel un peintre paysagiste», poursuit-il. L’artiste réalise les premières séries, vend son appareil et transmet ses savoirs à Max Grammare, architecte du CAUE. Sophie Riguel, documentaliste, sera son héritière à partir de 2011.

Avec quelques anecdotes cocasses qu’elle conte : «À Plouagat, les premières photos ont été prises depuis un délaissé de voirie qui est aujourd’hui une route passante. Ce qui complique les choses, puisqu’il faut 15 à 20 minutes pour prendre une photo avec notre appareil !», sourit la jeune femme. «À Pléneuf, une maison a été construite plein cadre, on se pose la question d’arrêter la série...», s’amuse-t-elle aussi. Les petites histoires fusent dans ces paysages. «À Sainte-Tréphine, un homme s’était installé avec une Anglaise. Ils avaient rénové la maison. Après leur séparation, elle a été abandonnée et plus entretenue», constate Henri Le Pesq. Un portail des observatoires régionaux en projet Le CAUE imagine d’ailleurs avoir des correspondants sur chaque site, afin d’en expliquer l’évolution. Doctorante en géographie sociale au laboratoire ESO-Rennes, Caroline Guittet en a lancé les prémices.


Rencontrant les riverains et enregistrant leurs récits dans le cadre de sa thèse. «J’ai choisi l’Observatoire photographique du paysage des Côtes-d’Armor, puisque c’est un des plus anciens parmi les 60 existants en France (sept en Bretagne, mais un seul à l’échelle de tout un département, ndlr)», renseigne la thésarde. C’est elle qui est à l’initiative de l’exposition. Elle y propose sur trois écrans blancs, des diaporamas commentés des photos qui ont été numérisées. Avant de lancer un projet plus ambitieux, mené avec le conseil régional : la création d’une plateforme web, POPP-Breizh, espérée à la rentrée. Ou comment, en quelques clics, voyager dans le temps breton.

Exposition «Écoute voir des paysages racontés». Au CAUE 22, au 29, avenue des Promenades, à Saint-Brieuc, jusqu'au 31 juillet, du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h.