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LA FONCTION PUBLIQUE SINGAPOURIENNE

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LA FONCTION PUBLIQUE SINGAPOURIENNE Empty LA FONCTION PUBLIQUE SINGAPOURIENNE

Message par Admin Mar 25 Avr - 17:30

La fonction publique singapourienne est-elle la meilleure du monde? Publié le 24/04/2017 à 20:42

Le secteur public de la ville-État caracole en tête des plus disciplinés et des plus performants; avec seulement deux fonctionnaires par centaine d'habitants, quatre fois moins qu'en France, comment font-ils?

ARTICLE SLATE


LA FONCTION PUBLIQUE SINGAPOURIENNE 429
Pompiers de la Singapore Civll Defence Force (SCDF) le 23 février 2017. Roslan RAHMAN / AFP


Une étude menée par le cabinet de conseil McKinsey a désigné Singapour en 2016 comme nation la plus connectée au monde. Pourtant, d'ici quelques mois, quelque 100.000 fonctionnaires sur les 145.000 que compte le «Little Red Dot» devront se passer de connexion Internet.

L'annonce de la mise en place de la mesure, imaginée pour contrer les tentatives de cyber attaques, a provoqué la stupéfaction. Rapidement, le Premier ministre Lee Hsien Loong a expliqué s'être porté lui-même volontaire et confié à la presse son sentiment sur l'expérience. Sa boîte email professionnelle est installée sur un ordinateur, un accès à Internet sur un autre.


«C'est pénible, cela demande un certain temps pour s''habituer, mais c'est faisable.»


Si le chef du gouvernement de la République de Singapour s'est porté volontaire, c'est qu'il pensait que, si lui pouvait le faire, ce «serait alors une option envisageable. Cas contraire, il aurait fallu en trouver une autre. Personne ne pourra nous infiltrer, dérober nos informations, personne ne peut les effacer ni commettre d'autre méfait.» Il continue en précisant ne pas être ravi de la mesure, qui ralentit la productivité, mais souligne l'absolue nécessité de la chose.



Car on ne badine pas avec la sécurité, à Singapour, ville parmi les trois plus sûres au monde.


Et ce sera justement l'occasion d'augmenter le nombre de fonctionnaires pour renforcer les secteurs de la santé et de la sécurité, afin d'implémenter de nouvelles stratégies. Avec le Japon et Taiwan, Singapour est l'un des rares pays à compter moins de 10% d'employés du Service public dans sa population active (pour une population totale d'environ 5,4 millions - un peu moins importante que le nombre de fonctionnaires en France).

Pourtant, on loue volontiers la «performance et la qualité» de la fonction publique singapourienne. En un demi-siècle d'existence, Singapour s'est hissé au rang du 3e pays du monde pour le revenu par habitant, derrière le Qatar et le Luxembourg.

L'intégration au Commonwealth

S'il faut ignorer le cliché simpliste d'une nation partie «de rien» en territoire hostile, voire sauvage, trop aisément brandi (le port de Singapour fut doté d'un éclairage public dès 1878afin de permettre à l'activité de battre son plein sans contrainte horaire), l'absence de ressources naturelles, le fort taux de chômage, un niveau d'éducation assez bas et une certaine instabilité politique n'en faisaient pas le candidat idéal à la prospérité.

L'année de sa naissance, en 1965, Singapour est devenu membre officiel des Nations Unies, puis du Commonwealth. Cela influencera l'histoire de la fonction publique singapourienne, et la remarquable réussite du pays.

Un siècle plus tôt, sous l'occupation britannique, la Civil Service Commission avait vu le jour, ensuite remplacée en 1950 par la Public Service Commission. La PSC était chargée de conseiller le gouverneur Britannique de Singapour en matière de recrutement, de désignation et de promotion des employés de la fonction publique. Quand vient le temps de l’auto-gouvernance, en 1959, la PSC prend les décisions, met en place une politique de bourses d'études et ouvre un Political Study Centre: les fondations de la fonction publique actuelle sont posées.

Le coup de pouce providentiel viendra du Programme des Nations unies pour le développement (UNDP). La ville-Etat reçoit au cours des années qui suivent l'aide la plus élevée jamais octroyée au pro-rata par habitant. En 1972, plus d'une centaine d'experts en domaines variés se trouvent en mission à Singapour, dépêchés par les Nations Unies.


«Cela n'avait rien d'un miracle: c'était de la politique»

Lee Kuan Yew


Lee Kuan Yew, Premier ministre de Singapour de 1959 à 1990 (père de Lee Hsien Loong), est un visionnaire – un «géant de l'Histoire» d'après Barack Obama. Responsable pendant plus de vingt ans de l'UNDP à Singapour, l'économiste Albert Winsemius (qui avait précédemment assisté la Grèce et le Portugal) évoquera plus tard la réussite prétendument «miraculeuse» de Singapour.


«Je ne crois pas au miracle de Singapour. Il n'y a jamais eu de miracle. Il s'agissait d'une politique posée, réfléchie. De l'analyse... (…) Mais cela n'avait rien d'un miracle: c'était de la politique.»

Lee Kuan Yew parlera de sa relation à Winsemius en ces termes: «Il m'a donné des leçons pratiques sur la façon dont les entreprises européennes et américaines fonctionnaient, ce qui m'a montré que Singapour pouvait se brancher sur le système économique global.»

Ensemble, ils développent le cadre de la fonction publique du pays, établissant des valeurs et dogmes pérennes: méritocracie, fierté d'appartenance, motivation, transparence, et la réorganisation comme la clef de la régénération et de la «survie».

Transparence


Dans une Asie du sud-est régulièrement touchée par des scandales liés à la corruption, il était crucial aux yeux de Lee Kuan Yew d'imposer la transparence. Les salaires élevés permettront d'éviter la tentation : celui de l'actuel premier ministre s'élève à 1,56 millions d'euros par an, l'équivalent de l'addition de ceux des leaders de la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon et la Grande-Bretagne. Membres des cabinets ministériels et de la cour suprême reçoivent des émoluments très élevés. Le gouvernement singapourien, aujourd'hui, le plus «riche» au monde.

Singapour a été rétrogradé en 2015 en 8ème position des pays les moins corrompus par Transparency International (après avoir partagé la première place en 2010 avec le Danemark et la Nouvelle-Zélande); Lee Hsien Loong a annoncé vouloir renforcer de 20% les effectifs du Corrupt Practices Investigation Bureau (qui compte 120 agents) et mettre en place un lieu unique pour que les citoyens rapportent des incidents de corruption.

Lors d’un discours prononcé devant le Parlement le 22 janvier 2016, Teo Chee Hean, vice-Premier ministre en charge de la Fonction publique, a rappelé la volonté du gouvernement de «maintenir une fonction publique de très haute qualité». Une note publiée par le ministère français de l'Economie rend compte de sa volonté de «généraliser la coopération interministérielle, développer la mutualisation des services à plus grande échelle et augmenter le nombre d’accréditations ou certifications dans les organismes publics. En contrepartie, le gouvernement s’engage à adapter ses programmes de formation continue et à continuer de proposer des salaires attractifs aux employés publics, déjà alignés sur ceux pratiqués dans le secteur privé». Il n’y a pas d’écart de rémunération entre les secteurs public et privé.

Suivant un modèle de fonction publique à la fois de carrière et d’emploi, les agents sont fortement sensibilisés à la mobilité professionnelle et à la transversalité des fonctions. Comme l'explique Jean-François Adrian, auteur de cette note, «leur rémunération indemnitaire suit l’évolution de la situation économique du pays, tout en laissant une part très importante à la performance individuelle et collective.»

En plus du traitement de base (en fonction de son profil expérience professionnelle, qualifications), une part variable s'ajoute, composée d’un complément mensuel (Performance Bonus) et de primes annuelles (essentiellement indexées sur la croissance du pays et non prises en compte dans le calcul des pensions). La part variable peut représenter de deux à onze mois et demi de salaire, basée sur l’atteinte des objectifs fixés en début d'année.

Les services publics du futur


Aujourd'hui, sur les 145.000 personnes travaillant dans le secteur public (deux employés publics pour 100 habitants, soit quatre fois moins qu’en France), 82.000 ont le statut d’agent de l’État (contractuel ou titulaire), exerçant dans les seize ministères et les dix autorités administratives (Organs of state), gérées par la Public Service Division sous l’autorité du Premier ministre. Les autres personnels sont employés dans l’un des soixante-six «Statutory Boards» (agences publiques), autonomes de gestion et de recrutement.

Chaque fonctionnaire doit aussi renouveler sa prestation de serment annuellement au cours d’une «semaine du Service public», qui se déroule chaque année en mai depuis 2008.

La devise de l’Administration singapourienne? «Intégrité– service– excellence.»

Pour le Dr Christopher Edward Koh Kok Hwee, formateur des futurs cadres supérieurs au Civil Service College, «le secteur public est plus stratège que le secteur privé car il pense sur le long terme. L’anticipation est de rigueur. Dans mes cours, je demande toujours à mes étudiants d’imaginer à quoi ressemblera le pays dans 20, 30 ou 40 ans, afin de penser les services publics qui seront attendus par la population.»

Singapour, «Smart nation»...
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