Emmanuel Macron osera-t-il sacrifier les handicapés pour relancer le logement ?
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Emmanuel Macron osera-t-il sacrifier les handicapés pour relancer le logement ?
Publié le 14/09/2017 à 13:30 Par Hadrien Mathoux JOURNAL MARIANNE
Pour répondre à la crise du logement, Emmanuel Macron a promis de s’attaquer aux normes environnementales ainsi qu'à celles permettant l’accès des handicapés. Des représentants d'associations de défense des invalides dénoncent un tournant vers le "logement low cost".
« Notre système est bloqué par la sur-réglementation, il faut la diminuer pour la rendre plus pragmatique » : non, Emmanuel Macron ne parle pas du marché du travail mais de logement, lors de sa visite à Toulouse ce mardi 12 septembre. La même rhétorique libérale irrigue néanmoins le raisonnement du président : il a en effet prévenu qu’il allait s’attaquer à « des normes qui relèvent de très bons sentiments ». Lesquelles ? « On me dira que je ne respecte pas l’environnement, ou parfois le handicap, parfois ceci ou cela », lâche-t-il nonchalamment avant d'asséner l'argument choc pour balayer tous ces « bon sentiments » : « Il faut du pragmatisme ».
Bref, la solution pour relancer la construction de logements en France, ce serait donc de réduire les exigences et les protections qui contraignent les promoteurs à bâtir des constructions respectueuses de l’environnement et accessibles aux handicapés… Ce « réalisme » affiché se base sur un constat : en France, la construction de logements est très règlementée.
La loi handicap de 2005 oblige ainsi les promoteurs à rendre 100% des nouveaux logements construits accessibles aux personnes handicapées. Ce qui, d’après les promoteurs, augmente en moyenne la superficie d’un appartement de 4,5 à 6 mètres carrés car les pièces les plus restreintes (cuisine, salle de bains, toilettes) doivent être agrandies. Quant aux normes environnementales, elles sont plusieurs centaines et peuvent autant concerner l’isolation thermique que les risques d’inondation ou de tremblements de terre.
Les normes handicapés, un faux problème ?
Autant de règles qui sont à l’origine de la crise du logement en France, nous assure Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers (IMSI) : « Les coûts de construction ont grimpé de 18% en dix ans en raison des normes handicapés et de l’inflation constante des normes environnementales. Un promoteur veut construire des logements, mais il veut aussi les vendre ! »
Engagé depuis longtemps pour un assouplissement des normes handicapés, il estime que ces dernières renchérissent en moyenne de 20.000€ le coût d’un logement « standard » (entre 55 et 60 mètres carrés). Un chiffre que conteste Christian François, administrateur de l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs (ANPHIM) : lui souligne qu’un handicapé en fauteuil n’a pas besoin de 5 mètres carrés supplémentaires dans un appartement trois pièces.
Pour une salle de bains avec douche et toilettes, une personne en fauteuil n'aurait besoin que de 3,60 mètres carré contre… trois pour un valide. Henry Buzy-Cazaux n’en démord pas, dressant un parallèle avec les parkings et leurs places handicapés souvent inoccupées : « On n’a pas agi par pragmatisme mais par bonne conscience. Nous n’avons pas calibré les besoins en adaptant le nombre de places destinées aux handicapés au nombre d’handicapés ».
Une des principales alternatives défendues par les partisans d’un assouplissement est - comme souvent - l’option « allemande », qui consiste justement à s’adapter au nombre d’invalides : outre-Rhin, comme en France, environ 7% de la population est atteinte d’un handicap réduisant sa mobilité.
Et les Allemands prévoient que d’ici à 2050, ce chiffre pourrait grimper à 17%.
Les programmes immobiliers obligent en conséquence chaque promoteur à réserver 17% de place aux logements accessibles aux handicapés. Pragmatique, si l'on oublie le fait qu'en comptant les logements anciens non adaptés, la proportion de logements accessibles sur le total sera extrêmement réduite in fine.
Car aujourd'hui en France les logements neufs ne représentent que 1% du parc immobilier total ! Et il est beaucoup moins cher de construire des bâtiments neufs aux normes que de modifier des vieux immeubles pour les rendre accessibles…
En outre, souligne Christian François qui se base sur les données de l’INSEE, la région Île-de-France a par exemple déjà perdu 10% de logements accessibles aux handicapés entre 2006 et 2014. L’explication : la destruction des grandes barres d’immeubles, et la priorité donnée par les promoteurs à des petits immeubles de trois étages… non soumis à la réglementation sur les ascenseurs.
80% des normes censées assurer l’accessibilité des handicapés sont en fait reprises des normes de sécurité incendie »
Autre modèle, celui adopté dans les pays scandinaves, où l’accessibilité des immeubles aux personnes à mobilité réduite n'est obligatoire que jusqu’à la porte de l’appartement. Passé le seuil, les handicapés ont la possibilité d’aménager l'intérieur de leur logement grâce à des subventions.
Plusieurs acteurs, qu’ils soient promoteurs ou membres d’associations de handicapés, http://www.anpihm.fr/plaident la construction de tels logements « adaptables », c'est-à-dire non adaptés au moment de leur construction mais pouvant rapidement être transformés pour accueillir une personne à mobilité réduite. Christian François, de l'ANPHIM, salue ainsi cette solution, d’après lui facile à mettre en œuvre et peu coûteuse.
Pour Christian François, les normes handicapés sont de toute façon un faux problème : « 80% des normes censées assurer l’accessibilité des handicapés sont en fait reprises des normes de sécurité incendie », avance-t-il. Largeurs des couloirs, taille des portes… Ces espaces doivent en effet être calibrés pour permettre aux pompiers d’intervenir en cas de sinistre. Des normes incendie qui, évidemment, ne sont pas remises en cause, elles…
Logique, donc, que la volonté du président Macron d’assouplir les normes ait été accueillie plus que froidement. D'autant que les associations concernées dénoncent l’absence de concertation.
Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL), nous confie que sa réunion avec Julien Denormandie, le secrétaire d’Etat au Logement, a été orageuse. « Il ne nous a rien dit !, peste-t-il. Dire que les normes pour l’accès des handicapés et l’environnement empêchent de construire, c’est un faux argument. Chacun peut avoir, dans sa vie, besoin de ce type de logement. On peut tous avoir des accidents. C’est la régression sociale qui s’annonce, le gouvernement veut du logement low cost ! ». Même son de cloche chez Droit au logement (DAL), dont le porte-parole Jean-Baptiste Eyraud nous confie être très inquiet sur la «précarisation » que prépare à ses yeux le gouvernement.
Pour Christian François, en promettant une baisse des normes handicapés, Emmanuel Macron cède tout simplement à la pression des promoteurs qui « cherchent à faire baisser la surface à construire mais surtout la qualité des logements».
Les protestations des associations ont apparemment fait réfléchir Emmanuel Macron, qui selon le Canard enchaîné aurait finalement décidé de simplement « aménager à la marge» les normes de logement. Reste à savoir ce que cela signifie… Le report des annonces sur la « stratégie » logement du gouvernement, qui devait avoir lieu ce mercredi 13 septembre et a été décalé au 20, marque également une hésitation. Le président se sait désormais attendu au tournant.
Pour répondre à la crise du logement, Emmanuel Macron a promis de s’attaquer aux normes environnementales ainsi qu'à celles permettant l’accès des handicapés. Des représentants d'associations de défense des invalides dénoncent un tournant vers le "logement low cost".
« Notre système est bloqué par la sur-réglementation, il faut la diminuer pour la rendre plus pragmatique » : non, Emmanuel Macron ne parle pas du marché du travail mais de logement, lors de sa visite à Toulouse ce mardi 12 septembre. La même rhétorique libérale irrigue néanmoins le raisonnement du président : il a en effet prévenu qu’il allait s’attaquer à « des normes qui relèvent de très bons sentiments ». Lesquelles ? « On me dira que je ne respecte pas l’environnement, ou parfois le handicap, parfois ceci ou cela », lâche-t-il nonchalamment avant d'asséner l'argument choc pour balayer tous ces « bon sentiments » : « Il faut du pragmatisme ».
Bref, la solution pour relancer la construction de logements en France, ce serait donc de réduire les exigences et les protections qui contraignent les promoteurs à bâtir des constructions respectueuses de l’environnement et accessibles aux handicapés… Ce « réalisme » affiché se base sur un constat : en France, la construction de logements est très règlementée.
La loi handicap de 2005 oblige ainsi les promoteurs à rendre 100% des nouveaux logements construits accessibles aux personnes handicapées. Ce qui, d’après les promoteurs, augmente en moyenne la superficie d’un appartement de 4,5 à 6 mètres carrés car les pièces les plus restreintes (cuisine, salle de bains, toilettes) doivent être agrandies. Quant aux normes environnementales, elles sont plusieurs centaines et peuvent autant concerner l’isolation thermique que les risques d’inondation ou de tremblements de terre.
Les normes handicapés, un faux problème ?
Autant de règles qui sont à l’origine de la crise du logement en France, nous assure Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers (IMSI) : « Les coûts de construction ont grimpé de 18% en dix ans en raison des normes handicapés et de l’inflation constante des normes environnementales. Un promoteur veut construire des logements, mais il veut aussi les vendre ! »
Engagé depuis longtemps pour un assouplissement des normes handicapés, il estime que ces dernières renchérissent en moyenne de 20.000€ le coût d’un logement « standard » (entre 55 et 60 mètres carrés). Un chiffre que conteste Christian François, administrateur de l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs (ANPHIM) : lui souligne qu’un handicapé en fauteuil n’a pas besoin de 5 mètres carrés supplémentaires dans un appartement trois pièces.
Pour une salle de bains avec douche et toilettes, une personne en fauteuil n'aurait besoin que de 3,60 mètres carré contre… trois pour un valide. Henry Buzy-Cazaux n’en démord pas, dressant un parallèle avec les parkings et leurs places handicapés souvent inoccupées : « On n’a pas agi par pragmatisme mais par bonne conscience. Nous n’avons pas calibré les besoins en adaptant le nombre de places destinées aux handicapés au nombre d’handicapés ».
Une des principales alternatives défendues par les partisans d’un assouplissement est - comme souvent - l’option « allemande », qui consiste justement à s’adapter au nombre d’invalides : outre-Rhin, comme en France, environ 7% de la population est atteinte d’un handicap réduisant sa mobilité.
Et les Allemands prévoient que d’ici à 2050, ce chiffre pourrait grimper à 17%.
Les programmes immobiliers obligent en conséquence chaque promoteur à réserver 17% de place aux logements accessibles aux handicapés. Pragmatique, si l'on oublie le fait qu'en comptant les logements anciens non adaptés, la proportion de logements accessibles sur le total sera extrêmement réduite in fine.
Car aujourd'hui en France les logements neufs ne représentent que 1% du parc immobilier total ! Et il est beaucoup moins cher de construire des bâtiments neufs aux normes que de modifier des vieux immeubles pour les rendre accessibles…
En outre, souligne Christian François qui se base sur les données de l’INSEE, la région Île-de-France a par exemple déjà perdu 10% de logements accessibles aux handicapés entre 2006 et 2014. L’explication : la destruction des grandes barres d’immeubles, et la priorité donnée par les promoteurs à des petits immeubles de trois étages… non soumis à la réglementation sur les ascenseurs.
80% des normes censées assurer l’accessibilité des handicapés sont en fait reprises des normes de sécurité incendie »
Autre modèle, celui adopté dans les pays scandinaves, où l’accessibilité des immeubles aux personnes à mobilité réduite n'est obligatoire que jusqu’à la porte de l’appartement. Passé le seuil, les handicapés ont la possibilité d’aménager l'intérieur de leur logement grâce à des subventions.
Plusieurs acteurs, qu’ils soient promoteurs ou membres d’associations de handicapés, http://www.anpihm.fr/plaident la construction de tels logements « adaptables », c'est-à-dire non adaptés au moment de leur construction mais pouvant rapidement être transformés pour accueillir une personne à mobilité réduite. Christian François, de l'ANPHIM, salue ainsi cette solution, d’après lui facile à mettre en œuvre et peu coûteuse.
Pour Christian François, les normes handicapés sont de toute façon un faux problème : « 80% des normes censées assurer l’accessibilité des handicapés sont en fait reprises des normes de sécurité incendie », avance-t-il. Largeurs des couloirs, taille des portes… Ces espaces doivent en effet être calibrés pour permettre aux pompiers d’intervenir en cas de sinistre. Des normes incendie qui, évidemment, ne sont pas remises en cause, elles…
Logique, donc, que la volonté du président Macron d’assouplir les normes ait été accueillie plus que froidement. D'autant que les associations concernées dénoncent l’absence de concertation.
Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL), nous confie que sa réunion avec Julien Denormandie, le secrétaire d’Etat au Logement, a été orageuse. « Il ne nous a rien dit !, peste-t-il. Dire que les normes pour l’accès des handicapés et l’environnement empêchent de construire, c’est un faux argument. Chacun peut avoir, dans sa vie, besoin de ce type de logement. On peut tous avoir des accidents. C’est la régression sociale qui s’annonce, le gouvernement veut du logement low cost ! ». Même son de cloche chez Droit au logement (DAL), dont le porte-parole Jean-Baptiste Eyraud nous confie être très inquiet sur la «précarisation » que prépare à ses yeux le gouvernement.
Pour Christian François, en promettant une baisse des normes handicapés, Emmanuel Macron cède tout simplement à la pression des promoteurs qui « cherchent à faire baisser la surface à construire mais surtout la qualité des logements».
Les protestations des associations ont apparemment fait réfléchir Emmanuel Macron, qui selon le Canard enchaîné aurait finalement décidé de simplement « aménager à la marge» les normes de logement. Reste à savoir ce que cela signifie… Le report des annonces sur la « stratégie » logement du gouvernement, qui devait avoir lieu ce mercredi 13 septembre et a été décalé au 20, marque également une hésitation. Le président se sait désormais attendu au tournant.
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