Taxe d'habitation et taxe foncière : pour un seul et même impôt local
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Taxe d'habitation et taxe foncière : pour un seul et même impôt local
Jacquelin Ligot / Fondateur-gérant du cabinet Climate & Energy Solutions Le 31/10 à 07:09
LE CERCLE/POINT DE VUE - Et si on supprimait la taxe habitation et la taxe foncière pour tous les Français ? A la place, instaurons un impôt local sur le revenu. Il serait payé par les ménages en fonction de leurs moyens.
La loi de finances pour 2018 devrait supprimer la taxe d’habitation sur les résidences principales pour 80 % des Français d’ici 2020.https://www.lesechos.fr/12/07/2017/lesechos.fr/030444525789_la-taxe-d-habitation-va-baisser-d-un-tiers-pour-80---des-francais-des-2018.htm L’exposé des motifs de cette mesure n’avance pas d’autre justification que l ’engagement d'Emmanuel Macron https://www.lesechos.fr/26/02/2017/lesechos.fr/0211832103942_taxe-d-habitation---le-cadeau-de-macron-aux-menages.htmd’alléger cet impôt pour la très grande majorité des ménages, sans un mot sur l’injustice alléguée qui l’avait motivé. Cet allégement prendra la forme technique d’un dégrèvement, c’est-à-dire que l’État va compenser la perte de ressources pour les collectivités locales.
Certes, la taxe d'habitation, comme tous les impôts locaux assis sur des valeurs locatives (c’est-à-dire un loyer annuel théorique du logement), est très critiquable. Les valeurs locatives actuelles sont déconnectées de toute valeur de marché. La taxe d'habitation n'est pour autant pas si injuste que cela, car la taille et l’emplacement d’un logement approximent assez bien la capacité contributive de l’occupant et les écarts de charge fiscale d’une ville à l’autre sont bien davantage dus aux choix politiques inégalement dépensiers des édiles qu’à une tare intrinsèque de cette taxe.
Pourquoi y a-t-il si peu de propriétaires en France ?
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-172043-pourquoi-y-a-t-il-si-peu-de-proprietaires-en-france-2102667.php
La vraie justice aurait consisté à supprimer complètement la taxe d'habitation, car à quoi rime de la supprimer pour 80 % des Français si son injustice supposée continue d’accabler les derniers 20 % ? Tant qu’on y était, il aurait aussi fallu supprimer cette anomalie qu’est la perception de deux taxes locales ayant la même assiette : la taxe d'habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui permet de doubler l’addition sur les propriétaires au seul motif qu’ils sont... propriétaires.
Un seul impôt
La France est pratiquement le seul grand pays à superposer une taxe sur le propriétaire à une taxe sur l’occupant. Et si on remplaçait toutes ces taxes locales sur les personnes assises sur des valeurs locatives par un impôt local sur le revenu (ILR) ? Il y aurait trois avantages majeurs à cette solution.
- L’assiette est claire et existe déjà. C’est l’assiette de l’actuel impôt sur le revenu (IRPP), minus les niches fiscales. On ferait ainsi l’économie de centaines d’agents des impôts qui depuis des décennies courent en vain derrière une matière fiscale élusive : les valeurs locatives.
- L’assiette est un indicateur fiable de la capacité contributive puisqu’il s’agit de l’ensemble des revenus.
- L’impôt local sur le revenu reste un impôt local. L’État n’aura donc pas besoin de combler le trou béant que sa propre réforme a créé dans les budgets des collectivités locales, dont la libre administration est un «principe de valeur constitutionnelle» selon l'article 72 de la Constitution de 1958.
Les élus locaux fixeraient un taux unique d’impôt local sur le revenu, selon le produit fiscal dont ils ont besoin pour équilibrer le budget. Par exemple, dans ma commune, l’assiette (revenu fiscal de référence) était de 750 millions d'euros en 2016 et le produit fiscal voté par la commune de l’ordre de 40 millions. Le taux unique d’impôt local sur le revenu serait donc d’un peu plus de 5 %.
Trois questions à débattre
Cette solution soulève cependant trois questions délicates. Faut-il que cet impôt local soit progressif, comme l’est l’assiette de l'impôt sur le revenu national ? Non : le cadre de la redistribution est le cadre national, une fonction de l’État que même les penseurs libéraux lui reconnaissent même s’ils aimeraient qu’il n’en abusât point. Il ne revient pas aux élus locaux – élus investis d’un mandat de terrain – de lui juxtaposer une redistribution dans le cadre local.
D’ailleurs, la logique du taux unique appliqué à des revenus très variables débouchera sur une imposition très différente selon les revenus. Un couple gagnant un SMIC paiera (dans ma commune) environ 1.000 euros, tandis qu’un cadre supérieur gagnant 60.000 euros, paiera 3.000 euros (dans l’IR, les premiers sont exonérés, et les cadres supérieurs paient beaucoup plus, c’est la progressivité).
Cela veut dire aussi que, contrairement à l’IR que ne paient plus qu’environ 40 % des ménages français, l’IRL serait payé par tout le monde, selon son revenu. Chacun serait réellement citoyen-contribuable, et se rendrait compte du coût réel des politiques locales et de leur dérive inflationniste depuis les lois de décentralisation de 1981-1982.
Logement, transmissions, taxe d'habitation : les ajustements des députés
https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/030764212922-logement-transmissions-taxe-dhabitation-les-ajustements-des-deputes-2124239.php
Faut-il prendre en compte le nombre de personnes composant le foyer ? L’IR donne à cette question une réponse positive à travers les quotients conjugaux et familiaux, certes largement érodés depuis plusieurs années, et pour lesquels une solution plus juste serait d’appliquer des abattements identiques par personne à charge.
Mais dans le cadre local, chaque individu est consommateur de services locaux ; plus la famille est grande, plus il y a de consommateurs. Cela n’est vrai, cependant, que pour certains services. Pour tout ce qu’on appelle les biens publics comme l’éclairage, les espaces verts, les trottoirs..., la consommation du service n’est pas sensible au nombre de consommateurs. Pour d’autres, en revanche, écoles, associations sportives, cimetières…, la consommation est fonction du nombre d’usagers (même décédés).
C’est une question complexe, qu’il faudrait étudier avant de décider une modulation de l’imposition suivant le nombre de personnes composant un foyer. Cette réforme est difficilement dissociable de celle des aides à la famille et au logement, car trop souvent en France on veut réformer sans tenir compte du "système" dans lequel toutes ces pièces s’insèrent et interagissent.
Comment aider les collectivités les plus pauvres ? Ce sujet n’est pas nouveau et l’inégalité de potentiel fiscal est déjà corrigée aujourd’hui par des mécanismes de péréquation dont le principe est reconnu dans la Constitution (article 72-2). Il est clair qu’il faudra étudier les effets redistributifs de cette réforme et modifier le cas échéant l’ampleur et les formes de la péréquation. Gageons que l’inégalité des revenus sera une boussole plus fiable que celle des valeurs locatives.
Que ces quelques difficultés ne dissuadent pas d’explorer une réforme dont les vertus paraissent largement éclipser les éventuelles faiblesses. Le sujet est trop sérieux pour qu’on lui substitue une réforme à l’emporte-pièce – la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des Français, dont le seul mérite est de... plaire à ses bénéficiaires.
Jacquelin Ligot est le fondateur et gérant du cabinet Climate & Energy Solutions
LES ECHOS .FR
LE CERCLE/POINT DE VUE - Et si on supprimait la taxe habitation et la taxe foncière pour tous les Français ? A la place, instaurons un impôt local sur le revenu. Il serait payé par les ménages en fonction de leurs moyens.
La loi de finances pour 2018 devrait supprimer la taxe d’habitation sur les résidences principales pour 80 % des Français d’ici 2020.https://www.lesechos.fr/12/07/2017/lesechos.fr/030444525789_la-taxe-d-habitation-va-baisser-d-un-tiers-pour-80---des-francais-des-2018.htm L’exposé des motifs de cette mesure n’avance pas d’autre justification que l ’engagement d'Emmanuel Macron https://www.lesechos.fr/26/02/2017/lesechos.fr/0211832103942_taxe-d-habitation---le-cadeau-de-macron-aux-menages.htmd’alléger cet impôt pour la très grande majorité des ménages, sans un mot sur l’injustice alléguée qui l’avait motivé. Cet allégement prendra la forme technique d’un dégrèvement, c’est-à-dire que l’État va compenser la perte de ressources pour les collectivités locales.
Certes, la taxe d'habitation, comme tous les impôts locaux assis sur des valeurs locatives (c’est-à-dire un loyer annuel théorique du logement), est très critiquable. Les valeurs locatives actuelles sont déconnectées de toute valeur de marché. La taxe d'habitation n'est pour autant pas si injuste que cela, car la taille et l’emplacement d’un logement approximent assez bien la capacité contributive de l’occupant et les écarts de charge fiscale d’une ville à l’autre sont bien davantage dus aux choix politiques inégalement dépensiers des édiles qu’à une tare intrinsèque de cette taxe.
Pourquoi y a-t-il si peu de propriétaires en France ?
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-172043-pourquoi-y-a-t-il-si-peu-de-proprietaires-en-france-2102667.php
La vraie justice aurait consisté à supprimer complètement la taxe d'habitation, car à quoi rime de la supprimer pour 80 % des Français si son injustice supposée continue d’accabler les derniers 20 % ? Tant qu’on y était, il aurait aussi fallu supprimer cette anomalie qu’est la perception de deux taxes locales ayant la même assiette : la taxe d'habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui permet de doubler l’addition sur les propriétaires au seul motif qu’ils sont... propriétaires.
Un seul impôt
La France est pratiquement le seul grand pays à superposer une taxe sur le propriétaire à une taxe sur l’occupant. Et si on remplaçait toutes ces taxes locales sur les personnes assises sur des valeurs locatives par un impôt local sur le revenu (ILR) ? Il y aurait trois avantages majeurs à cette solution.
- L’assiette est claire et existe déjà. C’est l’assiette de l’actuel impôt sur le revenu (IRPP), minus les niches fiscales. On ferait ainsi l’économie de centaines d’agents des impôts qui depuis des décennies courent en vain derrière une matière fiscale élusive : les valeurs locatives.
- L’assiette est un indicateur fiable de la capacité contributive puisqu’il s’agit de l’ensemble des revenus.
- L’impôt local sur le revenu reste un impôt local. L’État n’aura donc pas besoin de combler le trou béant que sa propre réforme a créé dans les budgets des collectivités locales, dont la libre administration est un «principe de valeur constitutionnelle» selon l'article 72 de la Constitution de 1958.
Les élus locaux fixeraient un taux unique d’impôt local sur le revenu, selon le produit fiscal dont ils ont besoin pour équilibrer le budget. Par exemple, dans ma commune, l’assiette (revenu fiscal de référence) était de 750 millions d'euros en 2016 et le produit fiscal voté par la commune de l’ordre de 40 millions. Le taux unique d’impôt local sur le revenu serait donc d’un peu plus de 5 %.
Trois questions à débattre
Cette solution soulève cependant trois questions délicates. Faut-il que cet impôt local soit progressif, comme l’est l’assiette de l'impôt sur le revenu national ? Non : le cadre de la redistribution est le cadre national, une fonction de l’État que même les penseurs libéraux lui reconnaissent même s’ils aimeraient qu’il n’en abusât point. Il ne revient pas aux élus locaux – élus investis d’un mandat de terrain – de lui juxtaposer une redistribution dans le cadre local.
D’ailleurs, la logique du taux unique appliqué à des revenus très variables débouchera sur une imposition très différente selon les revenus. Un couple gagnant un SMIC paiera (dans ma commune) environ 1.000 euros, tandis qu’un cadre supérieur gagnant 60.000 euros, paiera 3.000 euros (dans l’IR, les premiers sont exonérés, et les cadres supérieurs paient beaucoup plus, c’est la progressivité).
Cela veut dire aussi que, contrairement à l’IR que ne paient plus qu’environ 40 % des ménages français, l’IRL serait payé par tout le monde, selon son revenu. Chacun serait réellement citoyen-contribuable, et se rendrait compte du coût réel des politiques locales et de leur dérive inflationniste depuis les lois de décentralisation de 1981-1982.
Logement, transmissions, taxe d'habitation : les ajustements des députés
https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/030764212922-logement-transmissions-taxe-dhabitation-les-ajustements-des-deputes-2124239.php
Faut-il prendre en compte le nombre de personnes composant le foyer ? L’IR donne à cette question une réponse positive à travers les quotients conjugaux et familiaux, certes largement érodés depuis plusieurs années, et pour lesquels une solution plus juste serait d’appliquer des abattements identiques par personne à charge.
Mais dans le cadre local, chaque individu est consommateur de services locaux ; plus la famille est grande, plus il y a de consommateurs. Cela n’est vrai, cependant, que pour certains services. Pour tout ce qu’on appelle les biens publics comme l’éclairage, les espaces verts, les trottoirs..., la consommation du service n’est pas sensible au nombre de consommateurs. Pour d’autres, en revanche, écoles, associations sportives, cimetières…, la consommation est fonction du nombre d’usagers (même décédés).
C’est une question complexe, qu’il faudrait étudier avant de décider une modulation de l’imposition suivant le nombre de personnes composant un foyer. Cette réforme est difficilement dissociable de celle des aides à la famille et au logement, car trop souvent en France on veut réformer sans tenir compte du "système" dans lequel toutes ces pièces s’insèrent et interagissent.
Comment aider les collectivités les plus pauvres ? Ce sujet n’est pas nouveau et l’inégalité de potentiel fiscal est déjà corrigée aujourd’hui par des mécanismes de péréquation dont le principe est reconnu dans la Constitution (article 72-2). Il est clair qu’il faudra étudier les effets redistributifs de cette réforme et modifier le cas échéant l’ampleur et les formes de la péréquation. Gageons que l’inégalité des revenus sera une boussole plus fiable que celle des valeurs locatives.
Que ces quelques difficultés ne dissuadent pas d’explorer une réforme dont les vertus paraissent largement éclipser les éventuelles faiblesses. Le sujet est trop sérieux pour qu’on lui substitue une réforme à l’emporte-pièce – la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des Français, dont le seul mérite est de... plaire à ses bénéficiaires.
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