Cette petite guêpe asiatique menace nos châtaigniers
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Cette petite guêpe asiatique menace nos châtaigniers
Par Bastien Castagneyrol, chercheur en écologie, Inra et Pilar Fernandez-Conradi, docteure en écologie, post-doctorante au laboratoire BIOGECO, Inra
Elle ne fait que 3 millimètres de longueur mais elle menace l’une de nos gourmandises de saison : les marrons glacés et, plus largement, tous les produits dérivés de la châtaigne. Le cynips du châtaignier, de son petit nom latin Dryocosmus kuriphilus, est une toute petite guêpe asiatique qui menace la production de ce fruit en Europe.
Le cynips du châtaignier, ravageur venu d’Asie, c’est avant tout d’énormes cloques rougeâtres sur les branches, les feuilles ou les fleurs des châtaigniers. En coupant en deux ces cloques, on y constate la présence d’une ou plusieurs larves blanchâtres. Ces cloques sont en fait des galles, c’est-à-dire des structures formées par la plante, comme des tumeurs, autour d’une larve d’insecte qui y trouve le gîte et le couvert. On parle donc, pour le cynips du châtaigner, d’insecte cécidogène.
Deux cynips adultes dans une galle à la fin de leur développement embryonnaire. (Photo : Pilar Fernandez-Conradi, Author provided)
Ce très petit représentant de la famille des hyménoptères (qui comprend les guêpes, les abeilles ou encore les fourmis), est considéré comme le principal ravageur des châtaigniers en Europe car la formation des galles affaiblit les arbres, réduit jusqu’à 80 % la production de châtaignes et peut même aller jusqu’à la mort de l’arbre lorsque les attaques sont sévères et répétées (avec toutefois une forte variabilité entre châtaigneraies, entre années et entre variétés d’arbres). Comment cela se passe-t-il ?
Déformation
La femelle du cynips pond ses œufs dans les bourgeons des châtaigniers en début d’été. La larve s’y développe pendant la période estivale et l’automne sans qu’aucun symptôme ne témoigne du problème. Ce n’est qu’au printemps suivant que les galles se développent. Là où le bourgeon aurait dû donner naissance à une branche tout à fait normale, avec ses feuilles et ses fleurs, les organes qui se développent sont complètement déformés par la présence de galles, ce qui les rend non fonctionnels.
Si la galle se développe sur la feuille, c’est la photosynthèse (le moteur de la plante) qui est affectée. Si elle se développe sur les fleurs, alors c’est la reproduction qui en pâtit, et donc la production de châtaignes. Si c’est la pousse de l’année qui est affectée dans son ensemble, aucun organe ne se développe, ni ne se développera par la suite sur cette branche.
Le cynips du châtaignier a été introduit en Europe, par l’Italie, où il a été signalé pour la première fois en 2002. De là, il s’est dispersé. Il a atteint le sud-est de la France en 2010 puis s’est rapidement étendu sur l’ensemble du territoire. Il est toujours présent, et continue de causer des dégâts, mais des méthodes de lutte permettent heureusement de limiter la casse.
Quelles méthodes de lutte ?
La larve du cynips, qui est responsable des dégâts, se développe à l’abri dans les bourgeons, puis dans les galles, ce qui rend les traitements chimiques inopérants.
Comme certaines espèces et variétés de châtaigniers présentent une résistance naturelle au cynips, il a été envisagé de créer des variétés ou des hybrides résistants. Mais, les essais menés au Japon se sont avérés peu satisfaisants du fait de l’apparition de souches de cynips qui ont contourné cette nouvelle résistance des arbres.
Reste alors l’option dite de lutte biologique : utiliser les ennemis naturels du cynips. Or, ce qui fait le succès des espèces invasives (et leur dangerosité pour les habitats envahis), c’est qu’elles sont généralement introduites sans le cortège des prédateurs et des parasites qui régulent leurs populations dans leur aire d’origine. C’est le cas pour le cynips du châtaignier.
L’action d’un parasitoïde. (Photo : Joylilworld.com, Author provided)
Une méthode classique de lutte contre les ravageurs exotiques consiste à aller chercher, dans leur aire d’origine, des ennemis qui seraient efficaces contre le ravageur et en même temps très spécifiques pour ne pas présenter de risque pour les autres insectes de l’aire d’introduction. C’est le cas de Torymus sinensis, un parasitoïde lui aussi importé d’Asie. Cet insecte, dont les larves se développent dans le corps d’autres insectes, le rongeant de l’intérieur, a été introduit en Europe en 2005 puis en France en 2011. Il est maintenant élevé et les lâchers permettent (après quelques années de latence), de réduire l’impact du cynips de manière significative, sans pour autant réussir à l’éradiquer.
Enfin, des travaux menés par les entomologistes ont montré que les larves du cynips du châtaignier peuvent aussi être parasitées par des parasitoïdes européens, qui attaquent d’habitude les larves des cynips européens, notamment les cynips du chêne. Une méthode de lutte biologique par conservation pourrait consister à favoriser la présence de chênes à proximité des châtaigniers, mais l’efficacité de cette méthode reste à évaluer.
Des travaux sont également en cours pour évaluer l’efficacité de champignons entomopathogènes (pathogènes d’insectes), comme outil de bio-contrôle. Ces champignons sont capables d’infecter et de tuer les larves du cynips, même à l’intérieur des galles. Des tests d’efficacité et de spécificité sont encore nécessaires avant de valider cette méthode de lutte.
Galle de cynips du châtaigner nécrosée suite au développement d’un champignon. (Photo : Pilar Fernandez-Conradi, Author provided)
Le cas de Dryocosmus kuriphilus est finalement très banal. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres d’un problème sanitaire lié à l’introduction accidentelle d’un herbivore exotique. Des méthodes de lutte a posteriori existent, mais restent limitées. La prévention reste l’outil le plus efficace pour limiter l’impact des ravageurs exotiques. L’Union européenne finance actuellement un large projet visant à améliorer l’ensemble des pratiques permettant de prévenir les invasions biologiques, et en cas d’échec, d’en limiter les conséquences. L’espoir est permis !
ouest france
Elle ne fait que 3 millimètres de longueur mais elle menace l’une de nos gourmandises de saison : les marrons glacés et, plus largement, tous les produits dérivés de la châtaigne. Le cynips du châtaignier, de son petit nom latin Dryocosmus kuriphilus, est une toute petite guêpe asiatique qui menace la production de ce fruit en Europe.
Le cynips du châtaignier, ravageur venu d’Asie, c’est avant tout d’énormes cloques rougeâtres sur les branches, les feuilles ou les fleurs des châtaigniers. En coupant en deux ces cloques, on y constate la présence d’une ou plusieurs larves blanchâtres. Ces cloques sont en fait des galles, c’est-à-dire des structures formées par la plante, comme des tumeurs, autour d’une larve d’insecte qui y trouve le gîte et le couvert. On parle donc, pour le cynips du châtaigner, d’insecte cécidogène.
Deux cynips adultes dans une galle à la fin de leur développement embryonnaire. (Photo : Pilar Fernandez-Conradi, Author provided)
Ce très petit représentant de la famille des hyménoptères (qui comprend les guêpes, les abeilles ou encore les fourmis), est considéré comme le principal ravageur des châtaigniers en Europe car la formation des galles affaiblit les arbres, réduit jusqu’à 80 % la production de châtaignes et peut même aller jusqu’à la mort de l’arbre lorsque les attaques sont sévères et répétées (avec toutefois une forte variabilité entre châtaigneraies, entre années et entre variétés d’arbres). Comment cela se passe-t-il ?
Déformation
La femelle du cynips pond ses œufs dans les bourgeons des châtaigniers en début d’été. La larve s’y développe pendant la période estivale et l’automne sans qu’aucun symptôme ne témoigne du problème. Ce n’est qu’au printemps suivant que les galles se développent. Là où le bourgeon aurait dû donner naissance à une branche tout à fait normale, avec ses feuilles et ses fleurs, les organes qui se développent sont complètement déformés par la présence de galles, ce qui les rend non fonctionnels.
Si la galle se développe sur la feuille, c’est la photosynthèse (le moteur de la plante) qui est affectée. Si elle se développe sur les fleurs, alors c’est la reproduction qui en pâtit, et donc la production de châtaignes. Si c’est la pousse de l’année qui est affectée dans son ensemble, aucun organe ne se développe, ni ne se développera par la suite sur cette branche.
Le cynips du châtaignier a été introduit en Europe, par l’Italie, où il a été signalé pour la première fois en 2002. De là, il s’est dispersé. Il a atteint le sud-est de la France en 2010 puis s’est rapidement étendu sur l’ensemble du territoire. Il est toujours présent, et continue de causer des dégâts, mais des méthodes de lutte permettent heureusement de limiter la casse.
Quelles méthodes de lutte ?
La larve du cynips, qui est responsable des dégâts, se développe à l’abri dans les bourgeons, puis dans les galles, ce qui rend les traitements chimiques inopérants.
Comme certaines espèces et variétés de châtaigniers présentent une résistance naturelle au cynips, il a été envisagé de créer des variétés ou des hybrides résistants. Mais, les essais menés au Japon se sont avérés peu satisfaisants du fait de l’apparition de souches de cynips qui ont contourné cette nouvelle résistance des arbres.
Reste alors l’option dite de lutte biologique : utiliser les ennemis naturels du cynips. Or, ce qui fait le succès des espèces invasives (et leur dangerosité pour les habitats envahis), c’est qu’elles sont généralement introduites sans le cortège des prédateurs et des parasites qui régulent leurs populations dans leur aire d’origine. C’est le cas pour le cynips du châtaignier.
L’action d’un parasitoïde. (Photo : Joylilworld.com, Author provided)
Une méthode classique de lutte contre les ravageurs exotiques consiste à aller chercher, dans leur aire d’origine, des ennemis qui seraient efficaces contre le ravageur et en même temps très spécifiques pour ne pas présenter de risque pour les autres insectes de l’aire d’introduction. C’est le cas de Torymus sinensis, un parasitoïde lui aussi importé d’Asie. Cet insecte, dont les larves se développent dans le corps d’autres insectes, le rongeant de l’intérieur, a été introduit en Europe en 2005 puis en France en 2011. Il est maintenant élevé et les lâchers permettent (après quelques années de latence), de réduire l’impact du cynips de manière significative, sans pour autant réussir à l’éradiquer.
Enfin, des travaux menés par les entomologistes ont montré que les larves du cynips du châtaignier peuvent aussi être parasitées par des parasitoïdes européens, qui attaquent d’habitude les larves des cynips européens, notamment les cynips du chêne. Une méthode de lutte biologique par conservation pourrait consister à favoriser la présence de chênes à proximité des châtaigniers, mais l’efficacité de cette méthode reste à évaluer.
Des travaux sont également en cours pour évaluer l’efficacité de champignons entomopathogènes (pathogènes d’insectes), comme outil de bio-contrôle. Ces champignons sont capables d’infecter et de tuer les larves du cynips, même à l’intérieur des galles. Des tests d’efficacité et de spécificité sont encore nécessaires avant de valider cette méthode de lutte.
Galle de cynips du châtaigner nécrosée suite au développement d’un champignon. (Photo : Pilar Fernandez-Conradi, Author provided)
Le cas de Dryocosmus kuriphilus est finalement très banal. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres d’un problème sanitaire lié à l’introduction accidentelle d’un herbivore exotique. Des méthodes de lutte a posteriori existent, mais restent limitées. La prévention reste l’outil le plus efficace pour limiter l’impact des ravageurs exotiques. L’Union européenne finance actuellement un large projet visant à améliorer l’ensemble des pratiques permettant de prévenir les invasions biologiques, et en cas d’échec, d’en limiter les conséquences. L’espoir est permis !
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