Vote des femmes. Sa toute première voix le 29 avril 1945
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Vote des femmes. Sa toute première voix le 29 avril 1945
Vote des femmes. Sa toute première voix le 29 avril 1945
Le souvenir de cette première fois est précis. Pour elle comme pour beaucoup d'autres Françaises. C’était le 29 avril 1945. Marguerite Hameury votait pour élire le maire de Morlaix (Finistère). Elle avait 23 ans et la certitude, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, que les choses pouvaient changer.
Dans sa petite maison du quartier de la Madeleine, à Morlaix (Finistère), Marguerite Hameury, « née Féat », précise-t-elle d’emblée dans un sourire complice, se souvient encore des élections municipales organisées après la Libération. Au printemps 1945, elle se rend à deux reprises au bureau de vote. « Pour voter, pas pour regarder ! », lance fièrement cette Morlaisienne de souche, qui a fêté ses 97 ans en mars dernier.
On prenait en compte notre avis en tant que femme. Nous étions très fières
Elle a 23 ans, son mari Jean également. C’est leur premier acte citoyen. « À l’époque, la majorité était à 21 ans ». Hippolyte Masson (SFIO) devient son premier maire. « On faisait attention à nous, on prenait en compte notre avis en tant que femme. Nous étions très fières. Avant, il fallait toujours demander l’avis de monsieur ». Et dans un grand éclat de rire, elle raconte qu’elle et ses copines parlaient fort lors du dépouillement. Des voix joyeuses et légères s’élevaient après des années de souffrance. Sa mère et sa belle-mère avaient aussi voté, mais pas sa grande sœur Josée, la rebelle, qui a toujours refusé d’user de ce droit si chèrement acquis. Un acte politique, à sa façon.
La politique, une histoire de famille
Dans la famille Féat, la politique s’invite fréquemment dans les discussions et se traduit dans les actes. Son père, ouvrier, « communiste avec un grand C », est fait prisonnier en 1940 pour suspicion d’appartenance au Parti. Il est interné cinq mois dans la prison de Rennes. Marguerite se souvient des voyages effectués par sa mère, une fois par semaine, pour lui rendre visite. Pendant ce temps, elle s’occupe de ses frères cadets, dont le petit dernier, Yvan. « Un prénom à la russe, refusé par l’Église », s’insurge encore la nonagénaire. Hippolyte et André sont inscrits sur son acte de baptême ; André, comme son frère aîné, alors élève pasteur.
Mon frère Dédé nous a mariés au Temple, situé face à la Kommandantur, en pleine Occupation
Né durant la Première Guerre mondiale, André Féat suit la voie de son père. Il s’engage très jeune en politique, mais dans les Jeunesses socialistes. Il en devient le trésorier fédéral et « épaule Tanguy-Prigent dans ses campagnes électorales » (ce dernier deviendra ministre de l’Agriculture du Général de Gaulle). « Mon frère Dédé nous a mariés au Temple, situé face à la Kommandantur, en pleine Occupation. Alors que Jean, mon fiancé, était recherché car réfractaire au STO (Service du Travail Obligatoire) ». L’inconscience de la jeunesse ou l’envie de défier l’ennemi. « Un peu des deux probablement », analyse la vieille dame, dont le regard se perd dans les tréfonds de sa mémoire.
Parmi les 60 otages morlaisiens
Marguerite vote un peu moins d’un an après le Débarquement des Alliés. Et trois semaines après le décès de son frère aîné à Dachau (le camp de concentration est libéré par les Américains le 29 avril 1945, jour du premier tour des Municipales en France). André Féat, nommé pasteur à Ploufragan (Côtes-d'Armor), faisait partie des 60 otages morlaisiens raflés le 26 décembre 1943. « Il avait recueilli des Juifs, faisait partie de la Résistance. Dédé a été embarqué par les Allemands, tout comme Georges Le Roy, le mari de ma grande sœur Josée. Tous deux ont d’abord été transférés à Buchenwald, puis ils ont été séparés ». Le jeune pasteur est mort à 28 ans, dans la baraque « dite des curés », en avril 1945. « Nous ne l’avons appris que des semaines plus tard. Par un courrier transmis à son épouse. Un simple avis de décès des Jeunesses socialistes l’a annoncé publiquement. C’est bien peu », lâche Marguerite, amère.
Une carrière de chanteuse réaliste
Quand elle évoque ses années d’après-guerre, ses spectacles en tant que chanteuse réaliste, Margot, son nom de scène, retrouve le sourire. La société a changé grâce au droit de vote des femmes. Elles sont libres. Et Marguerite s’autorise à mener la vie dont elle rêve. Une vie d’artiste au féminin. « J’ai chanté dans les cabarets des stations balnéaires, au théâtre de Quimper, à Rennes et même dans les sanatoriums. Pour faire du bien aux autres. J’avais une petite notoriété. J’ai tourné avec un des pianistes de Piaf, rencontré Mado Morin, la mère de Patrick Dewaere. Mon mari m’accompagnait et faisait parfois l’artiste ».
Pour mes deux arrière-petites-filles, je me dois de rester informée
En 1954, celle qui avait obtenu son certificat d’études avec mention très bien, décide de passer le concours d’infirmière en psychiatrie à l’hôpital de Morlaix. Elle est reçue. « Il était temps, l’âge limite était fixé à 35 ans ». Mais elle abandonne, quelques mois plus tard. Ce qui ne l’empêche pas de faire carrière comme veilleuse de nuit, toujours à l’hôpital, jusqu’à l’âge de la retraite, en 1982.
Lassée par la politique
Veuve depuis quelques années, Marguerite, femme éclairée mais pas féministe engagée comme elle se plaît à dire, continue de suivre le cours du monde et s’intéresse à la vie de sa commune. « Pour mes deux arrière-petites-filles, je me dois de rester informée ». Il y a encore quelques années, elle suivait les débats de l’Assemblée nationale à la télévision, et les commentait avec délectation. Elle qui a toujours voté, « même pour Chirac », avoue pourtant être lassée par la politique. « À mon âge, on a peur de se tromper. Je préfère regarder "Scènes de ménage" à la télévision ! ». Qui pourrait lui en vouloir ?
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Valérie Le Nen TELEGRAMME
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