Von Braun, l’ancien nazi qui a permis aux Américains de marcher sur la Lune
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Von Braun, l’ancien nazi qui a permis aux Américains de marcher sur la Lune
Correspondance, Nicolas MONTARD
Wernher von Braun. Un nom déterminant dans la conquête spatiale et le premier pas de l’homme sur la Lune, il y a cinquante ans. Mais si Von Braun a envoyé Armstrong au firmament de la postérité pour l’éternité, c’est au prix de milliers de morts dans les camps de concentration nazis.
21 juillet 1969. Neil Armstrong et Buzz Aldrin entrent dans l’histoire. Ils sont les premiers hommes à poser un pied sur la Lune. Sur Terre, aux États-Unis, un homme peut particulièrement savourer cet exploit : il a été un acteur à part entière de ce succès, en développant le lanceur géant Saturn V pour le programme spatial Apollo. Son nom : Wernher von Braun. Un Allemand arrivé aux États-Unis en 1945, après un passé bien trouble…
Père du V2, premier missile balistique à atteindre l’espace
Retour dans la première moitié du siècle. Né en 1912 en Pologne (qui fait alors partie de l’Empire allemand), Wernher von Braun rejoint très vite Berlin. Passionné par l’astronautique, le jeune homme devient une telle pointure que l’armée allemande se décide à utiliser ses services en finançant ses recherches.
En échange, Wernher von Braun intègre la SS. Une obligation ? « Non, assure l’historien Laurent Thiery. D’autres, qui ont travaillé pour le régime nazi, n’ont jamais adhéré à la SS. Von Braun, lui, y a obtenu le grade de capitaine. De plus, il avait adhéré au NSDAP [le parti nazi, NdlR] dès 1937. »
Von Braun ici en 1941, entouré de dignitaires nazis. (Photo : Bundesarchiv, Bild 141-1880 / Wikimédia Commons)
Au bord de la Baltique, à Peenemünde, Von Braun bâtit un centre de recherche ultra-moderne. C’est là qu’est fabriqué le premier missile balistique de l’histoire, qui atteint l’espace en 1942. Son nom : le V2. « C’est la base de tout ce qui est utilisé aujourd’hui dans les vols spatiaux », indique Laurent Thiery.
Sauf qu’à l’époque, cette technologie est développée pour tuer. Les V2 sont capables d’atteindre les 90 kilomètres d’altitude pour une vitesse de 5 760 km/h sur une portée de 320 kilomètres… Tirés vers la Belgique et l’Angleterre, ils feront des milliers de morts et de blessés.
En France, une base de lancement était même prévue pour ces fusées militaires à côté de Saint-Omer (Pas-de-Calais) pour viser Londres, mais elle ne sera finalement jamais utilisée (la Coupole à Helfaut revient d’ailleurs largement sur le parcours de Von Braun dans son parcours d’exposition).
La Coupole à côté de Saint-Omer, une immense base d’où devaient être tirés les V2 vers Londres. (Photo : Nicolas Montard)
À La Coupole, un V2 développé par Von Braun. On peut visiter cette base construite par les Allemands, qui permet de comprendre les origines troubles de la conquête spatiale. (Photo : Nicolas Montard)
20 000 morts à Dora
Le développement de cette technologie se fait également au prix des vies de ceux qui les construisent. À partir de janvier 1944, les V2 sont fabriqués et assemblés dans une usine du camp de concentration de Dora près de Nordhausen, (à une cinquantaine de kilomètres de Buchenwald). Les conditions sont terribles et parmi les 60 000 prisonniers, « 20 000 personnes périssent », rappelle l’historien, qui travaille actuellement à un dictionnaire consacré aux 9 000 déportés de France dans ce camp.
Wernher von Braun ne pouvait pas ignorer ce qu’il se passait, prouveront les recherches par la suite. « On sait qu’il a été notamment présent à deux périodes à Dora. »
Mais à la fin de la guerre, la morale touche ses limites. En 1945, Von Braun fait partie d’une vaste opération de récupération des scientifiques allemands par les Américains. De quoi démarrer une nouvelle vie outre-Atlantique et ne jamais être inquiété pour ses crimes passés.
Un missile V2 qui décolle, en 1943. (Photo : NASA / NIX / MSFC / Wikimédia Commons)
Au cœur de la conquête spatiale
Aux États-Unis, les Américains tentent d’abord de s’approprier les technologies de ces scientifiques allemands, qui ont une bonne décennie d’avance dans le domaine. Von Braun est dans un premier temps plutôt cantonné au développement de nouveaux missiles balistiques pour le compte de l’armée. Mais à l’époque, nous sommes en pleine Guerre froide. L’affrontement américano-russe se traduit par une course à l’espace.
L’URSS est particulièrement dynamique : en 1957, les Soviétiques placent le premier satellite artificiel en orbite et envoient le premier animal dans l’espace (la chienne Laïka). Suivra peu après, en 1961, le premier vol spatial habité de Youri Gagarine.
Les États-Unis se doivent de riposter fortement. En 1958, le président Eisenhower crée une agence chargée de la recherche spatiale américaine, la Nasa. En 1961, John Fitzgerald Kennedy prononce, lui, un discours fondateur, annonçant que dans la décennie, un homme marchera sur la Lune.
L’occasion pour Wernher Von Braun, naturalisé en 1955 et qui réalise entre autres des films éducatifs sur l’espace (avec un certain… Walt Disney), de revenir clairement au cœur de la conquête spatiale. Son Redstone, premier balistique guidé américain, sert de base au lanceur Juno 1 en 1958, permettant au satellite Explorer 1 d’être mis en orbite.
En prenant ensuite la direction l’un des centres de la nouvelle Nasa, le Centre de vol spatial Marshall, dans l’Alabama, « il sera déterminant dans les projets de lanceurs qui conduiront à la Lune », confirme Laurent Thiery. Saturn V, qui offrira à Armstrong et Aldrin la postérité pour l’éternité, est donc bien à mettre à son actif. Comme les 20 000 morts de Dora pour qui l’ancien nazi, décédé d’un cancer du foie en 1977, n’exprimera jamais le moindre regret.
Wernher Von Braun développera quelques films éducatifs avec un certain Walt Disney. (Photo : NASA / Wikimédia Commons)
Wernher Von Braun devant les moteurs du premier étage de la fusée Saturn V, héritière du missile V2. (Photo : NASA / Wikimédia Commons)
Wernher Von Braun, l’ex-nazi qui a permis à Armstrong de marcher sur la Lune, ici dans son bureau à la Nasa, en 1964. (Photo : Bundesarchiv, Bild 146-1978-Anh.030-02 / Wikimédia Commons)
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