Louis Victor Baillot,le dernier de Waterloo
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Louis Victor Baillot,le dernier de Waterloo
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Chaque jour, les habitants de Carisey (1), dans le département de l’Yonne, voyaient passer dans leurs rues, presque aux mêmes heures, un brave gaillard qu’ils saluaient respectueusement et amicalement. De grande taille, très droit malgré son grand âge, marchant encore d’un pas alerte et militaire, tenant dans la main une canne avec laquelle, parfois, il décrivait d’impressionnants moulinets, revêtu d’une ample redingote sombre, taillée dans ce drap inusable des manteaux d’infanterie d’autrefois, à la boutonnière, deux larges carrés de rubans :un rouge, indiquant la légion d’honneur, un autre à raie rouges et vertes, celui de la médaille de Sainte-Hélène ; le visage balafré d’une large cicatrice qui lui zébrait le front et le crâne.
Menant une vie simple et tranquille comme fût celle des populations rurales de cette époque, il gardait religieusement dans ses pensées le souvenir de l’empereur et resta jusqu’à l’aube de notre siècle le vivant témoignage de la grande épopée impériale. Cet homme se nommait Louis Victor Baillot, né à Percey, le 9 Avril 1793. L’histoire de Louis Victor Baillot commence, en juillet 1812, lorsque faisant partie de la seconde levée en masse, il fut dirigé au dépôt de Neuf-Brisach, en Alsace où il fut incorporé au 3e bataillon de la 105e demi-brigade (?) d’infanterie de ligne. A peine équipé, le bataillon quitte Neuf-Brisach pour Mayence et cantonne pendant deux mois à Erfurt avant de rejoindre au printemps, sur la Vistule, les débris de la Grande Armée. Louis Victor Baillot reçoit le baptême du feu à Wittenberg, le 17 avril 1813 et assiste aux opérations militaires qui eurent lieu dans le Mecklemboug, soutint, de septembre 1813 à août 1814, sous les ordres du maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, prince d’Eckmühl, le long et honorable siège de Hambourg.
Revenu en France, licencié par les Bourbons, le 13 août 1814, Louis Victor Baillot est rappelé en avril 1815. Réintégré dans le 105e régiment d’infanterie de ligne et employé à l’armée du Nord, il fait mouvement vers la Belgique. Le 14 juin 1815, à Beaumont, Napoléon, contraint d’entrer de nouveau en campagne, appelle au dévouement de l’armée et galvanise les énergies. Louis Victor Baillot, qui assiste à la proclamation, voit l’empereur pour la première fois. Venant de Marchiennes puis de Gosselies, le 105e se porte le 16 juin, aux Quatre Bras où la position vient d’être enlevée par le maréchal Ney. Le 17 juin 1815, le ciel couvert de sombres nuages, laissa éclater un orage d’une violence inouïe. Malgré la pluie diluvienne, les canonnades et les charges se poursuivaient sans arrêt. La plaine devint bientôt un immense bourbier. Louis Victor Baillot s’enfonçait dans la boue jusqu’aux genoux. A la tombée de la nuit, il parvint difficilement sur le plateau du Mont St Jean. Obligé de camper sur les seigles mouillés, dans l’impossibilité d’allumer un feu sur le terrain détrempé, il dut se contenter des maigres provisions dont il disposait et passa la nuit dans des conditions très pénibles.
Le 18 juin, la pluie ayant cessé de tomber, peu à peu, la ligne des combattants est éclairée par le soleil. A 11 heures et demie, de son observatoire de Rossomme, l’empereur ordonne l’ouverture du feu. Le 105e, placé en seconde ligne, avance avec succès, malgré le feu meurtrier de l’ennemi et enlève à la baïonnette une position tenue par les anglais. Mais, quelques instants après, les écossais couchés dans les blés se levèrent et tirèrent à bout portant sur les français, lesquels surpris par cette attaque imprévisible durent reculer. Se ressaisissant, les hommes du 105e, s’avancent à nouveau, lorsque soudain, surgissent les redoutables dragons gris écossais lancés par Wellington . La charge, d’une rare violence, fauche des rangs entiers. Louis Victor reçoit un violent coup de sabre sur la tête, mais grâce à sa gamelle déposée sous sa coiffure, il échappe miraculeusement à la mort. Blessé d’une large plaie, assommé et couvert de sang, il est laissé pour mort sur le champ de bataille.
Ramassé par les anglais, le lendemain, il sera emmené en captivité sur les pontons de Plymouth. Libéré à la fin de1816, il débarque à Boulogne-sur-Mer, rejoint Auxerre à pied, où il est réformé comme phtisique au deuxième degré. Chassé par son père, refoulé par sa mère et son frère, effrayés de voir surgir un revenant, il devra insister encore longtemps pour convaincre sa famille qu’il est vivant. Plus tard, il évoquera avec passion ses campagnes napoléoniennes. Louis Victor raffolait de musique et de parade militaire. Pendant longtemps, il ne manqua jamais une occasion d’assister au défilé annuel de la garnison d’Auxerre, où s’était fixée sa fille, épouse du maréchal des logis de gendarmerie Charles Jolly. Il ne tarda pas à constater que l’infanterie n’était plus celle de son époque.
Le pantalon garance avait fait son apparition en 1829, la tunique bleu foncé avait remplacé l’habit ; on portait le shako;le fusil Gribeauval « modèle 1777 », encore en service aux Cent-Jours, avait été, hélas, remplacé par le fusil « Chassepot ». Mr Grolleron, de Seignelay(Yonne ),peintre militaire, s’est vu le soin de faire un portrait de Baillot, en avril 1897. Louis Victor est décédé à Carisey dans la maison habitée aujourd’hui par Mr Gilbert Kerne, ancien maire, le 3 Février 1898, à 2 heures du matin. Il était alors âgé de 104 ans, 9 mois et 24 jours . Sa longue existence qui avait commencée 2 mois et 19 jours après la mort de Louis XVI, et en a fait un témoin des plus nombreux changements de l’histoire de France, s’est terminée à la troisième année du mandat de Félix Faure, sixième Président de la république française. Au cours de cette froide matinée du 5 février 1898, une foule innombrable était rassemblée autour du maire, Mr Alexandre Millot, et les personnalités du département, venus rendre hommage au dernier survivant de la morne plaine.
Photographié peu de temps avant, le vénérable vieillard hante paisiblement la salle du conseil de la mairie de Carisey. Son doux sourire comme un regret brisé ressurgit, laissant place aux souvenirs de la saga révolutionnaire et impériale qui enfièvrent notre imagination et suscitent sympathie et admiration. Alors sortent des brumes du passé ces vieux soldats, ces hommes de bronze qui revivent un instant avant d’aller flotter à la dérive du temps, tandis que parvient l’écho de leurs vivats, le cri répété des victoires et des mourants sous l’aigle agonisant de : « Vive l’Empereur »
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https://sites.google.com/site/lagenealogiedejlb7/05-percey/04-louis-victor-baillot
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Chaque jour, les habitants de Carisey (1), dans le département de l’Yonne, voyaient passer dans leurs rues, presque aux mêmes heures, un brave gaillard qu’ils saluaient respectueusement et amicalement. De grande taille, très droit malgré son grand âge, marchant encore d’un pas alerte et militaire, tenant dans la main une canne avec laquelle, parfois, il décrivait d’impressionnants moulinets, revêtu d’une ample redingote sombre, taillée dans ce drap inusable des manteaux d’infanterie d’autrefois, à la boutonnière, deux larges carrés de rubans :un rouge, indiquant la légion d’honneur, un autre à raie rouges et vertes, celui de la médaille de Sainte-Hélène ; le visage balafré d’une large cicatrice qui lui zébrait le front et le crâne.
Menant une vie simple et tranquille comme fût celle des populations rurales de cette époque, il gardait religieusement dans ses pensées le souvenir de l’empereur et resta jusqu’à l’aube de notre siècle le vivant témoignage de la grande épopée impériale. Cet homme se nommait Louis Victor Baillot, né à Percey, le 9 Avril 1793. L’histoire de Louis Victor Baillot commence, en juillet 1812, lorsque faisant partie de la seconde levée en masse, il fut dirigé au dépôt de Neuf-Brisach, en Alsace où il fut incorporé au 3e bataillon de la 105e demi-brigade (?) d’infanterie de ligne. A peine équipé, le bataillon quitte Neuf-Brisach pour Mayence et cantonne pendant deux mois à Erfurt avant de rejoindre au printemps, sur la Vistule, les débris de la Grande Armée. Louis Victor Baillot reçoit le baptême du feu à Wittenberg, le 17 avril 1813 et assiste aux opérations militaires qui eurent lieu dans le Mecklemboug, soutint, de septembre 1813 à août 1814, sous les ordres du maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, prince d’Eckmühl, le long et honorable siège de Hambourg.
Revenu en France, licencié par les Bourbons, le 13 août 1814, Louis Victor Baillot est rappelé en avril 1815. Réintégré dans le 105e régiment d’infanterie de ligne et employé à l’armée du Nord, il fait mouvement vers la Belgique. Le 14 juin 1815, à Beaumont, Napoléon, contraint d’entrer de nouveau en campagne, appelle au dévouement de l’armée et galvanise les énergies. Louis Victor Baillot, qui assiste à la proclamation, voit l’empereur pour la première fois. Venant de Marchiennes puis de Gosselies, le 105e se porte le 16 juin, aux Quatre Bras où la position vient d’être enlevée par le maréchal Ney. Le 17 juin 1815, le ciel couvert de sombres nuages, laissa éclater un orage d’une violence inouïe. Malgré la pluie diluvienne, les canonnades et les charges se poursuivaient sans arrêt. La plaine devint bientôt un immense bourbier. Louis Victor Baillot s’enfonçait dans la boue jusqu’aux genoux. A la tombée de la nuit, il parvint difficilement sur le plateau du Mont St Jean. Obligé de camper sur les seigles mouillés, dans l’impossibilité d’allumer un feu sur le terrain détrempé, il dut se contenter des maigres provisions dont il disposait et passa la nuit dans des conditions très pénibles.
Le 18 juin, la pluie ayant cessé de tomber, peu à peu, la ligne des combattants est éclairée par le soleil. A 11 heures et demie, de son observatoire de Rossomme, l’empereur ordonne l’ouverture du feu. Le 105e, placé en seconde ligne, avance avec succès, malgré le feu meurtrier de l’ennemi et enlève à la baïonnette une position tenue par les anglais. Mais, quelques instants après, les écossais couchés dans les blés se levèrent et tirèrent à bout portant sur les français, lesquels surpris par cette attaque imprévisible durent reculer. Se ressaisissant, les hommes du 105e, s’avancent à nouveau, lorsque soudain, surgissent les redoutables dragons gris écossais lancés par Wellington . La charge, d’une rare violence, fauche des rangs entiers. Louis Victor reçoit un violent coup de sabre sur la tête, mais grâce à sa gamelle déposée sous sa coiffure, il échappe miraculeusement à la mort. Blessé d’une large plaie, assommé et couvert de sang, il est laissé pour mort sur le champ de bataille.
Ramassé par les anglais, le lendemain, il sera emmené en captivité sur les pontons de Plymouth. Libéré à la fin de1816, il débarque à Boulogne-sur-Mer, rejoint Auxerre à pied, où il est réformé comme phtisique au deuxième degré. Chassé par son père, refoulé par sa mère et son frère, effrayés de voir surgir un revenant, il devra insister encore longtemps pour convaincre sa famille qu’il est vivant. Plus tard, il évoquera avec passion ses campagnes napoléoniennes. Louis Victor raffolait de musique et de parade militaire. Pendant longtemps, il ne manqua jamais une occasion d’assister au défilé annuel de la garnison d’Auxerre, où s’était fixée sa fille, épouse du maréchal des logis de gendarmerie Charles Jolly. Il ne tarda pas à constater que l’infanterie n’était plus celle de son époque.
Le pantalon garance avait fait son apparition en 1829, la tunique bleu foncé avait remplacé l’habit ; on portait le shako;le fusil Gribeauval « modèle 1777 », encore en service aux Cent-Jours, avait été, hélas, remplacé par le fusil « Chassepot ». Mr Grolleron, de Seignelay(Yonne ),peintre militaire, s’est vu le soin de faire un portrait de Baillot, en avril 1897. Louis Victor est décédé à Carisey dans la maison habitée aujourd’hui par Mr Gilbert Kerne, ancien maire, le 3 Février 1898, à 2 heures du matin. Il était alors âgé de 104 ans, 9 mois et 24 jours . Sa longue existence qui avait commencée 2 mois et 19 jours après la mort de Louis XVI, et en a fait un témoin des plus nombreux changements de l’histoire de France, s’est terminée à la troisième année du mandat de Félix Faure, sixième Président de la république française. Au cours de cette froide matinée du 5 février 1898, une foule innombrable était rassemblée autour du maire, Mr Alexandre Millot, et les personnalités du département, venus rendre hommage au dernier survivant de la morne plaine.
Photographié peu de temps avant, le vénérable vieillard hante paisiblement la salle du conseil de la mairie de Carisey. Son doux sourire comme un regret brisé ressurgit, laissant place aux souvenirs de la saga révolutionnaire et impériale qui enfièvrent notre imagination et suscitent sympathie et admiration. Alors sortent des brumes du passé ces vieux soldats, ces hommes de bronze qui revivent un instant avant d’aller flotter à la dérive du temps, tandis que parvient l’écho de leurs vivats, le cri répété des victoires et des mourants sous l’aigle agonisant de : « Vive l’Empereur »
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