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L'HISTOIRE DU TREGOR DEPUIS 1789

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L'HISTOIRE DU TREGOR DEPUIS 1789  Empty L'HISTOIRE DU TREGOR DEPUIS 1789

Message par Admin Sam 26 Déc - 21:00

La Bretagne était, en France, le seul pays qui n'eût rien à gagner à la Révolution, selon l'historien et homme politique Thiers. En effet, 1789 marque le début d'une période d'instabilité politique pour une France qui va connaître, jusqu'en 1958, quinze changements de constitution. Pas un seul de ces changements ne se produira sans coup d'Etat, défaite militaire ou crise politique intérieure (sauf à la rigueur le passage du Consulat à l'Empire confirmant le renforcement de la dictature napoléonienne). Les évènements de 1789 ont provoqué une fracture dans la population, notamment entre les villes, le plus souvent acquises aux idées révolutionnaires et les campagnes, souvent réticentes, voire farouchement hostiles à ces mêmes idées. La Révolution est entreprise par une bourgeoisie le plus souvent ignorante de la mentalité des campagnes ; or ce sont les ruraux qui sont majoritaires et qui le resteront jusqu'au XXème siècle. Dès le départ, dès le 4 Août 1789, est mis fin au système de l'Ancien Régime, et, notamment aux droits des provinces qui, telle la Bretagne, ont un statut particulier. Cette année-là, on met en chantier le découpage administratif en départements qui sera achevé l'année suivante. Le résultat : aux neuf " pays ", aux neuf évêchés, on substitue cinq départements. Administrativement parlant, le Trégor n'existe plus. Un évêque est nommé par département (c'est le résultat de la mise en place de la Constitution Civile du Clergé) : l'évêque résidant au chef-lieu sera évêque " de Saint-Brieuc et Tréguier " et l'évêque de Quimper aura le Trégor " finistérien " dans ses attributions. En principe, chaque département devait être autonome. La suite des évènements, c'est à dire la proclamation de la République, la dictature exercée au nom de la Convention (qui représentait tout au plus 10% des citoyens) par le Comité de Salut Public, la Terreur institutionnalisée, tout cela va aboutir à un système ultra centralisé, le " Jacobinisme ", ainsi fut-il surnommé et ainsi est-il toujours désigné.

Comme chacun le sait, Napoléon va instaurer le système de gestion des départements par une hiérarchie de préfets et de sous-préfets dont l'uniforme indique clairement le caractère militaire. Les fonctionnaires sont désignés directement par le Ministère de l'Intérieur, et sont chargés à la fois du contrôle des municipalités et de la coordination des services de police. Le préfet des Côtes-du-Nord interdit le jeu de la soule et n'éprouve que dédain à l'égard des mystères joués par les paysans trégorrois. La langue bretonne n'échappe pas à ce mépris. Napoléon était soucieux d'ordre et de paix intérieure, éléments nécessaires au développement économique et aux velléités expansionnistes impériales. Mais avant que sa prise de pouvoir n'ait mis fin à la situation de guerre civile dans plusieurs régions, notamment en Vendée et en Bretagne, le Trégor connaît un certain nombre d'évènements liés à ces troubles. Même si les foyers les plus actifs de la Chouannerie se situent plutôt en pays Gallo et dans le Morbihan, le Trégor connaîtra quelques affrontements. Cependant, s'il est certain que les populations rurales sont hostiles à la conscription et aux réquisitions, protègent les prêtres " réfractaires " et pourchassent le Clergé " constitutionnel ", une relative modération dans l'attitude des autorités, tant civiles que militaires, empêche que le Trégor ne devienne un lieu d'exactions. Il faut tout de même rappeler qu'au plus fort de la Terreur, on guillotine à Tréguier Ursule Taupin, mère de cinq enfants, pour avoir abrité des prêtres réfractaires. Rappelons aussi que le célèbre abbé Siéyès, celui qui propulsa les députés du Tiers-Etat vers leur auto-proclamation en Assemblée Nationale, puis en Assemblée Constituante, fut, de 1776 à 1779, juge ecclésiastique à Tréguier. Il sera , après une prudente éclipse sous la Terreur, l'un des fondateurs du Directoire, puis l'un des serviteurs de l'Empire. Avec l'instauration de l'Empire, vient la paix……intérieure, mais les guerres napoléoniennes exigent leur contingent de chair à canon. Le tirage au sort désigne de jeunes paysans, car les jeunes bourgeois souscrivent des assurances qui, en toute légalité, leur procurent des remplaçants parmi ceux qui ont tiré le " bon numéro ", ce qui leur évite tout risque de mettre en danger leur existence. Le bilan de la Révolution et de l'Empire est défavorable à la Bretagne à un quadruple point de vue : l'économie y connaît de graves difficultés ; l'autonomie administrative dont jouissait la province sous l'Ancien Régime est perdue ; le pouvoir refuse de tenir compte de l'originalité culturelle bretonne ; les structures ecclésiastiques d'enseignement que la Révolution a détruites ne sont pas remplacées. Par la suite, les régimes qui vont se succéder ne remettront jamais en cause le système centralisateur si commode pour diriger un pays sans trop se soucier de son opinion publique, le citoyen de base ayant toujours tendance à laisser le dernier mot à l'administration. C'est ainsi que les divers changements de régime vont s'opérer, pour l'essentiel, au niveau parisien, que ce soit la " révolution " de 1830, celle de 1848, le coup d'Etat du 2 Décembre 1851 ou celui du 4 Septembre 1870.

Et le Trégor, dans tout cela ? Il suit le chemin de la société issue de la Révolution Industrielle. Le chemin de fer, sans aucun doute, représente le mieux cette période sur le plan matériel. Il atteint Guingamp en 1862, Morlaix et Brest en 1865. Cela ne fait que renforcer la centralisation, en reliant par le moyen le plus rapide de l'époque, Paris à ses préfectures et sous-préfectures, et garantir de bonnes liaisons avec le port de guerre de Brest. Le but n'est pas de développer l'économie locale. Voyager coûte cher. Les trégorrois qui prennent le train vont surtout fuir leur région pour aller travailler à Paris, sans envisager d'éventuel retour, en tous cas pas avant la fin de leur vie active. Nombreux sont ceux qui vont s'embaucher à Jersey à cette époque également.

Les petits ports côtiers dans toute la Bretagne, et donc dans le Trégor, voient leurs activités confinées à un cabotage qui diminuera progressivement en raison de l'augmentation du tonnage des navires.

Si le Trégor du XIXème et du début du XXème siècle ne connaît pas un réel développement économique, il fournit à la culture littéraire des noms illustres : Charles Le Goffic (1863-1932) et Anatole Le Braz (1859-1926), inaugurant tous deux la série des écrivains régionalistes. Certes conscients des problèmes bretons et attachés à la langue ainsi qu'à la pensée du peuple dont ils sont issus, ils ne cherchent pas réellement à faire prévaloir l'identité bretonne pour autant, préférant la restreindre à n'être qu'au second plan dans le cadre de la culture hexagonale. De son côté, François-Marie Luzel (1821-1895) né à Plouaret, collecte des mystères et de nombreux volumes de contes et de chansons. Et puis il y a l'incontournable Ernest Renan (1823-1892) dont l'œuvre a un retentissement énorme sous le second Empire et la 3ème République, et dont les échos persistent encore, parfois quelque peu déformés. Cet esprit libre, laïc au sens profond du terme, n'avait certainement pas envisagé l'utilisation de son œuvre à des fins partisanes. Bien que ses écrits n'aient pas été orientés de la même façon que ceux de Le Goffic et de Le Braz, le grand penseur de Tréguier a su fort bien cerner l'originalité celtique.

Le Trégor, comme la majeure partie de la Cornouaille, est l'une des terres les moins fécondes en vocations religieuses. Il fait partie du monde bleu et cette particularité continue d'apparaître sur les cartes électorales d'aujourd'hui. Les bleus étaient hostiles à la noblesse, contestaient l'autorité du Clergé et défendaient l'Ecole Laïque. Ce clivage, tel un fil rouge, parcourt la succession des régimes.

Le tournant de l'Histoire, pour le monde entier, c'est la première guerre mondiale. Une conception dévoyée des nationalismes aboutit, pour la première fois, à lancer sur les champs de bataille, des peuples entiers. Dix millions de morts ! Parmi eux, un grand nombre de bretons, et donc de trégorrois, ainsi que l'attestent les monuments aux morts. Nombreuses sont aussi les personnes mutilées, ou bien encore gazées. Il faut juste le temps pour les enfants nés à la fin de cette guerre d'entrer dans la vie active pour qu'apparaisse un nouveau conflit mondial. Après une défaite rapide, la population subit l'occupation allemande pendant quatre années. Les victoires des Alliés y mettent un terme. Si la Bretagne a vu certaines de ses villes sinistrées par les bombardements, le Trégor n'est guère touché. Cela n'empêche pas un certain nombre de ses habitants de participer à des actions de résistance. C'est ainsi que des réseaux s'organisent, fournissent de précieux renseignements aux Alliés, acheminent vers des filières d'évasion des aviateurs tombés en mission, et accomplissent des actes de sabotage sur des installations stratégiques. L'occupant réagit et procède à des rafles, à des déportations, à des exécutions.

La fin de la guerre, c'est aussi le point de départ de ce que l'on appelle " les 30 Glorieuses " et, cette fois, le Trégor participe à l'essor économique. Les décentralisations industrielles qui interviennent, surtout entre 1960 et 1975, amènent des dizaines de sociétés à implanter des usines en Bretagne. C'est grâce à la personnalité de Pierre Marzin que Lannion va connaître l'implantation du CNET, ce qui va, par la suite, attirer de nombreuses entreprises aux activités orientées vers l'électronique, ainsi que le centre de télécommunications par satellites de Pleumeur-Bodou. Du coup, le Trégor qui jusque là semblait voué à l'agriculture, à la pêche côtière et au tourisme, s'industrialise et se spécialise dans le domaine des technologies de pointe.

Si une personnalité a marqué le Trégor au cœur du XXème siècle, c'est bien celle de François Tanguy-Prigent, né à Saint Jean du Doigt (1909-1970). Paysan et socialiste, il est soutenu par un électorat qui aurait voté pour des candidats communistes si l'exemple personnel qu'il donnait n'avait rallié à sa cause les fermiers menacés par la crise des années 30. Il proposa à la Chambre des Députés un statut du fermage, repoussé à l'époque. En 1940, il est parmi les rares parlementaires assez lucides et assez courageux pour refuser les pleins pouvoirs à Pétain. Il organisera des mouvements de résistances paysannes. A la Libération, il sera Ministre de l'Agriculture, fera voter le statut du fermage et obtiendra des ordonnances sur le syndicalisme agricole. Il fut, par ailleurs, un important animateur du CELIB (Comité d'Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons). Ce comité se proposait de faire pression sur les pouvoirs publics, afin de faire venir des capitaux et des usines en Bretagne. Il voulait y élever le niveau de vie et freiner l'émigration. Voilà un homme qui a su prouver son attachement à un véritable socialisme, conscient à la fois des intérêts d'une classe sociale (celle des paysans pauvres) et de la nécessité de dépasser l'internationalisme irréaliste des uns et le jacobinisme étroit des autres en prenant en compte les besoins de la Bretagne.

Comme l'ensemble de la Bretagne, le Trégor participe au renouveau culturel celtique, d'abord à celui des années 70, puis à celui que nous vivons actuellement, et dont l'adhésion enthousiaste des jeunes générations semble garantir la poursuite et l'évolution. C'est au lycée Félix Le Dantec de Lannion que sont nés les concours de jeunes groupes musicaux dont sont issus des ensembles et des individus de grande qualité. Des fêtes traditionnelles telle que la Saint-Loup à Guingamp ou War'l Leur à Perros-Guirec, les festoù-noz et les festoù-deiz, constituent une vitrine attrayante pour tous ; quant à ceux qui veulent développer leur identité, les cours de langue bretonne pour adultes, les écoles Diwan et les écoles bilingues laissent espérer que le breton restera une langue vivante, même s'il n'est plus l'outil de communication dominant d'une société rurale, elle-même en pleine mutation.

Il est encourageant de constater que, deux siècles après la disparition officielle du Trégor, celui-ci existe encore, alors que les départements voient leur utilité même de plus en plus contestée, étant donné leur inadaptation flagrante à l'évolution de la société et de l'économie. L'avenir est aux régions et, à l'intérieur de celles-ci, aux " pays ". Les Côtes-du-Nord ont vécu ; les Côtes d'Armor, nouvelle appellation qui ne veut pas dire grand chose lorsque l'on sait que Guingamp est au carrefour de l'Armor et de l'Argoat, nous offrent encore de nos jours la vision d'une multitude de petits " pays "… A la place de certains logos dépersonnalisants, préférons donc le drapeau du Trégor, le dragon de Saint-Tugdual et la croix noire sur fond d'or, emblème issu de la tradition et, esthétiquement parlant, plus propre à illustrer ce pays qui est aussi présent parmi les quatre bandes blanches du Gwenn-ha-Du, drapeau de la Bretagne toute entière.

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Message par Admin Sam 26 Déc - 21:03

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