Lady Mond, une Bretonne devenue l'une des plus riches du monde
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Lady Mond, une Bretonne devenue l'une des plus riches du monde
Durant la Belle Époque, Marie-Louise Le Manac’h, alias Maï, a connu un destin peu ordinaire, de Belle-Isle-en-Terre jusqu’aux palaces parisiens et londoniens où elle rencontre Robert Mond, surnommé le roi du nickel. Maï la Bretonne devient, en 1922, Lady Mond, l’une des femmes les plus riches du monde. Récit d'une vie épique.
Nul n’aurait pu prévoir le destin de la petite Marie-Louise « Maï » Le Manac’h, née le 6 février 1869 au moulin de Prat-Guéguen, dans la commune de Belle-Isle-en-Terre, près de Guingamp. Elle est la sixième enfant d’une fratrie qui en comptera dix et la seule fille. De quoi forger un caractère qui se révélera bien trempé… À la maison, on ne parle que breton et la petite Maï apprend le français à l’école des filles où elle est bien notée. Son père est meunier, la famille est modeste, mais ils s’entendent bien avec le propriétaire du moulin qui propose à Maï, en juin 1885, de visiter Paris. La jeune fille découvre la ville lumière et assiste aux funérailles nationales de Victor Hugo.
Inculpée pour outrage à la pudeur
Maï Le Manac’h est une adolescente que les garçons remarquent, mais que ses origines modestes empêchent de décrocher un beau parti. En 1886, elle disparaît et quitte les rives du Léguer pour Guingamp et Saint-Brieuc, où elle aurait travaillé à l’hôtel de la Croix-Rouge. Rapidement, elle rejoint Paris où elle semble vivre une vie de bohème, fréquentant les artistes de Montparnasse et des milieux parfois interlopes. Ces années restent mystérieuses. On sait qu’elle est inculpée, en 1893, pour outrage à la pudeur. On l’accuse de s’être exhibée, nue, au restaurant Lemardelay. Quelque temps plus tard, Maï s’installe à Londres où elle épouse un marchand de fruits et légumes, Simon Guggenheim, d’origine alsacienne. Il décède de maladie en décembre 1900.
Maîtresse de l'infant d'Espagne
Depuis son installation à Londres, Maï semble avoir une vie mondaine assez remplie, mais une rencontre la fait entrer dans le « grand monde ». En 1900, à l’hôtel Savoy, la jeune veuve est présentée à l’infant d’Espagne, Antoine d’Orléans, duc de Galliera. Dépensier et volage, ce prince est séparé de sa femme, Eulalie d’Espagne, qui a demandé le divorce. Il tombe amoureux de la jeune Bretonne qui sera sa maîtresse jusqu’en 1906. Le couple mène grand train entre Londres, Paris et Séville. Elle rencontre même en audience privée le pape Pie X. Leur relation amoureuse s’étale au grand jour, mais le naturel revient au galop et Antoine d’Orléans finit par se lasser et tromper Maï. Furieuse d’être éconduite, elle lui casse plusieurs dents d’un coup d’ombrelle !
Le roi du nickel
Revenue vivre à Londres, Maï Le Manac’h fait la connaissance, en 1910, de Robert Mond. Surnommé le roi du nickel, il a découvert un nouveau procédé pour produire ce métal. Il emploie des milliers de personnes en Grande-Bretagne, au Canada et dans le monde. Il est aussi collectionneur d’art, égyptologue et mécène. Il tombe amoureux de Maï qu’il épouse en 1922. Cette liaison fait de Maï l’une des femmes les plus fortunées du monde !
Le couple mène dès lors une vie mondaine des deux côtés de la Manche. Comme nombre de Britanniques, ils achètent une résidence à Dinard, le château du Bec, dans l’embouchure de la Rance. En 1928, son nom est bretonnisé en Castel-Mond, décoré de toiles de Rembrandt, Watteau et de nombreux chefs-d’œuvre. Ils en font leur résidence principale, mais partagent également une partie de leur temps avec Belle-Isle-en-Terre. Robert Mond offre, en effet, le château de Coat-an-Noz à sa femme pour ses soixante ans, une superbe demeure avec tout le confort moderne.
Lady Mond revient volontiers au pays. Elle encourage l’un de ses frères à se faire élire maire de Belle-Isle-en-Terre. Elle finance la construction de nombreux bâtiments publics, comme une mairie, une poste, un haras, la salle des fêtes. Lady Mond se montre très généreuse pour son pays d’origine. Elle apporte son soutien à de nombreuses initiatives culturelles et exprime un fort attachement à ses racines bretonnes. Elle devient ainsi membre du Gorsed de Bretagne avec le titre de « bardesse d’honneur » et fréquente de nombreux intellectuels bretons. De son adolescence, elle a également conservé le goût pour le gouren (lutte bretonne). Le château de Coat-an-Noz accueille des tournois dans les années 1930 et elle siège, avec son frère, Job Manac’h, au bureau de la Falsab, la fédération des jeux athlétiques bretons.
Élevé au titre de chevalier en 1932, Sir Robert Mond décède en 1938, laissant un joli héritage à sa veuve. En raison de ses liens avec la Grande-Bretagne, Lady Mond est inquiétée par les Allemands qui réquisitionnent Coat-an-Noz et Castel-Mond à Dinard. C’est dans son château du bourg de Belle-Isle-en-Terre qu’elle s’installe alors et où prendra fin son étonnante destinée, le 21 novembre 1949.
Plusieurs lieux conservent son souvenir
Issue d’une famille de meuniers, Maï Le Manac’h aura vécu une vie parmi les princes sans oublier d’où elle venait… Devenue très riche, elle ne délaisse pas Belle-Isle-en-Terre où plusieurs lieux conservent son souvenir. Longtemps abandonné, le château de Coat-an-Noz (« La forêt de la nuit », photo), près du joli bourg de Loc-Envel, est en cours de restauration.
En 1932, pour se rapprocher des siens, elle demande à l’architecte Hénar de Saint-Malo d’édifier un château de granit dans le bourg. Il comporte quatre niveaux, avec douze fenêtres pour chacun d’entre-eux. Mais, une fois achevé, elle s’aperçoit qu’il est trop proche de la route et cache la mairie. Elle le fait donc reconstruire… dix mètres plus loin. En 1932 toujours, elle fait raser le moulin Toulquer, dernière résidence de ses parents, pour y construire le pavillon Mond, devenu aujourd’hui la mairie et la salle des fêtes. À côté de celle de Locmaria, les Mond font bâtir une chapelle personnelle, disposant d’une crypte d’inspiration égyptienne et décorée de marbre de Carrare. Elle constitue le mausolée de Lady Mond où elle repose dans un tombeau de granit rose.
Erwan Chartier-Le Floch
LE TELEGRAMME.
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