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Usine Nissan au Mississippi :

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Usine Nissan au Mississippi :  Empty Usine Nissan au Mississippi :

Message par Admin Lun 14 Aoû - 18:14

Publié le 13/08/2017 à 17:51
Usine Nissan au Mississippi : un conflit social sur fond de lutte raciale


Usine Nissan au Mississippi :  133


Contre : 2.244. Pour : 1.307. Le résultat du référendum est sans appel : les employés de l’usine Nissan de Canton, Mississippi, n’auront pas de syndicat. Pourtant, depuis son annonce début août, la gronde enfle dans les rangs de ceux qui défendaient l’initiative de la United Automobile Workers (UAW), l’un des plus grands syndicats du secteur automobile aux Etats-Unis. Pressions et racisme ont entaché ce conflit social qui a fait couler beaucoup d’encre aux Etats-Unis. Retour sur une affaire où se mêlent question sociale et droits civiques.

Compétitivité sans sécurité

Depuis 2008, l’Administration de la sécurité et de la santé au travail a reproché six fois au site de Canton de manquer à certaines mesures de sécurité et de prévention de base. Les salariés sous contrat, qui représentent une partie significative des 6.500 personnes travaillant dans l’usine, ont des salaires bien moins importants que les employés.

Plusieurs salariés se sont plaints de l’avarice de l’entreprise quant aux avantages et aux bonus, alors qu’ils sont souvent incités à sacrifier leur sécurité pour plus de productivité.

Les superviseurs profiteraient également de leur position pour changer arbitrairement les règles de discipline et de présence.



Fracture nord-sud

C'est dans ce contexte que de nombreux travailleurs se sont engagés auprès de l’UAW pour défendre le "yes" au référendum du 4 août. Mais ils ont dû faire face à des résistances de leur administration et du personnel politique de l’Etat.

Phil Bryant, le gouverneur républicain du Mississippi, était ainsi opposé à la création d'un syndicat. Peu avant la tenue du référendum, il avait déclaré :

"Si vous voulez perdre votre emploi, si vous voulez mettre fin à l’industrie telle que nous la connaissons au Mississippi, commencez juste à développer les syndicats."

L’UAW est solidement implantée dans les Etats du Nord, mais a du mal à se propager dans les différentes usines du Sud. C’est pourtant là que l’on trouve les plus bas salaires du pays. Les pros-syndicats ont donc fait face à une opposition farouche dans un Etat qui aurait pourtant besoin de plus de garanties pour ses travailleurs.

Cette relative faiblesse des syndicats dans le Sud s’explique simplement. Là où les employés des états du Nord, très syndicalisés, ont tous au moins un proche membre d’un syndicat, pouvant s’en faire l’avocat, ceux du Sud ne disposent pas de tels contacts, de voix discordantes allant à l’encontre du discours dominant.

Des pressions sur les salariés

Mais pour les partisans du "yes", le vote du 4 août n’a pas été correctement organisé. Les semaines précédentes auraient été marquées par des tentatives d’intimidation de la part de l’entreprise, comme le rapporte notamment Mississippi Today. Les cadres n’auraient pas hésité à menacer les employés de perdre leur emploi en cas de vote favorable, dans des rencontres individuelles entre des membres de la direction et les salariés. Des présentations expliquant que l’entreprise se réservait le droit de ne pas payer les cotisations syndicales, ou ne garantissait pas à chacun le maintien de son emploi en cas de syndicalisation, ont également été diffusées.

Dans un communiqué publié après le vote, Dennis Williams, président de l'UAW, écrivait :

"Réalisantsans doute qu’ils ne pourraient pas empêcher leurs employés de rejoindre notre syndicat en se basant sur des faits, Nissan et ses alliés anti-travailleurs ont mené une campagne vicieuse à l'encontre de leur propre force de travail, basée sur des méthodes intenses de peur, de désinformation et d’intimidation."

La campagne a été totalement asymétrique, avec des moyens déséquilibrés entre les deux camps. Alors que la direction dégainait campagne publicitaire et réunions individuelles, les employés devaient œuvrer avec les moyens du bord. Les salariés sous contrat, moins bien payés, n’ont pas eu le droit de vote. Des listes incomplètes des coordonnées des salariés ont également été fournies, empêchant aux pros-syndicat de démarcher correctement les employés.






En savoir plusA Paris pour interpeller Carlos Ghosn

Ces méthodes ont amené un directeur régional de l’Office national des relations du travail à déposer une plainte fin juillet, à la demande de l’UAW. Il y accusait Nissan de menacer illégalement de fermer l’usine si les travailleurs décidaient de se syndiquer, et de renvoyer ceux qui se seraient impliqués dans une telle décision. Mais cela n’a pas empêché la tenue du vote.

Des employés essayaient depuis plusieurs mois de mettre en place ce référendum. L’un d’eux avait même été renvoyé pour son activisme – avant d’être réintégré après la mobilisation massive des salariés. Une délégation de l’usine de Canton s’était même rendue en France, en octobre 2016, à l’occasion du mondial de l’automobile pour interpeller Carlos Ghosn, le PDG de Renault-Nissan – le groupe français étant actionnaire majoritaire de l’entreprise japonaise. Les employés avaient été soutenus pour l’occasion par Danny Glover. Ils avaient également profité de l’occasion pour en appeler à l’Etat français, lui-même actionnaire majoritaire de Renault. Sans succès.

La situation peut en effet laisser perplexe : sur la quarantaine d’usines Nissan dans le monde, seules trois ne sont pas syndiquées. Toutes se trouvent aux Etats-Unis : celle de Canton, dans le Mississippi et les deux autres dans le Tennessee, autre Etat du Sud du pays.

Un parallèle avec le mouvement des "civil rights"


Le conflit social du Mississippi a attiré l’attention des médias et de la classe politique américaine. Bernie Sanders, finaliste malheureux de la primaire du Parti Démocrate à la précédente présidentielle, s’est engagé auprès des salariés.

Son discours est catégorique: "Cet épisode pourrait devenir la croisade anti-syndicats la plus vicieuse et illégale depuis des décennies". Rappelant que le Mississippi est l’Etat le plus pauvre du pays, il accuse Nissan, dans un billet pour le "Guardian", de profiter de la situation pour inciter les travailleurs à accepter des salaires plus bas et des conditions de travail médiocres. "Ils savent comment exploiter la misère et l’insécurité humaines, et les transformer en gros profits", poursuit-il.

Pour les défendre, il a participé à une marche qu’il rapproche de celle pour les droits civiques de Martin Luther King Jr. Car dans cet Etat pauvre et majoritairement afro-américain, ce sont bien souvent les Noirs qui font les frais de telles stratégies des entreprises. A Canton, la grande majorité des employés est d’origine afro-américaine. Et plusieurs se sont plaints de l’attitude plus complaisante des supérieurs – blancs – vis-à-vis de leurs collègues blancs. De sorte que de nombreux membres de la communauté afro-américaine de la région se sont prononcés en faveur de la syndicalisation.

Les cadres de l’entreprise ont répliqué en accusant l’UAW de transformer ce conflit social en conflit racial, en achetant le soutien de la communauté à renfort de contributions généreuses aux groupes locaux. Ce à quoi le syndicat a répondu que ces contributions existaient depuis des décennies, assumant de lier intimement lutte économique et sociétale.

Symbole d’une Amérique divisée

Comme la crise de l’eau contaminée à Flint, dans le Michigan, l’usine de Canton met de nouveau un coup de projecteur sur le statut social des Afro-Américains.

C’était l’une des explications de la défaite d’Hillary Clinton, qui n’est pas parvenue à convaincre ces minorités de son soutien. C’est désormais l’un des enjeux pour le parti démocrate en reconstruction : parvenir à fédérer les Afro-Américains et les autres minorités qui avaient massivement participé aux deux élections de Barack Obama.

Pendant ce temps, les employés de l’usine de Canton sont décidés à poursuivre la bataille pour obtenir une élection correctement organisée. Morris Mock, l’un des salariés qui s’était prononcé en faveur de la syndicalisation, se voulait combatif au soir du résultat : "Ce n’est pas encore fini. Nissan, tout ce que vous avez fait, c’est nous mettre en colère. Nous nous battrons un peu plus fort la prochaine fois. Nous nous opposerons un peu plus fort la prochaine fois. Nous crierons un peu plus fort la prochaine fois, parce que la prochaine fois n’abandonnerons jamais".

Martin Lavielle
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