1693. Une bombe flottante vise Saint-Malo
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1693. Une bombe flottante vise Saint-Malo
Modifié le 15 octobre 2017 à 13h40
Financée par Guillaume III dans le plus grand secret dans le but de détruire les murs d’enceinte de la cité corsaire, la Machine infernale explose le 29 novembre 1693. Photo Aye/DR
En cette fin d’année 1693, le roi d’Angleterre, Guillaume III d’Orange, enrage. L’année précédente, le souverain pensait avoir pris un avantage décisif sur la flotte française de son rival Louis XIV, qu’il combat depuis maintenant cinq ans à travers le monde.
Plan de Saint-Malo relevé par les Anglais à la fin du XVIIe siècle. Photo Donarreiskoffer/DR
En effet, en mai 1692, au large du Cotentin, les navires de l’armée anglaise infligent une sévère défaite à la Royale lors de la bataille de la Hougue, confirmant sa suprématie maritime. Suite à cette défaite, le roi relance la guerre de course. En juin 1693, l’armée française se venge en attaquant un convoi de plusieurs centaines de navires marchands anglais, hollandais et allemands de retour de Smyrne en Turquie, escortés par des navires de guerre anglais. Au large du Portugal, les Français capturent ou coulent plus de 90 bâtiments commerciaux, entraînant un désastre financier à Londres et la faillite de plusieurs armateurs. Pire encore, depuis 1688 et le début de cette guerre (qui durera neuf ans), l’amirauté anglaise déplore la perte de plus d’un millier de bâtiments marchands et près d’une centaine de navires d’escorte. Les fautifs ? Les corsaires malouins !
La coupe de la Machine infernale. Photo Aye/DR
Invention au cœur de la Tour de Londres
Pour se venger d’une telle infamie, le roi d’Angleterre cherche un moyen de détruire ce « nid de guèpes » qui protège ceux qu’il considère comme des pirates… Conscient du risque que court Saint-Malo, le roi Louis XIV envoie Vauban, son ingénieur en chef, afin de renforcer les fortifications de la ville.De l’autre côté de la Manche, dans la Tour de Londres, Guillaume III finance dans le plus grand secret l’invention d’une machine capable de détruire les murs d’enceinte de la cité corsaire. Il s’agit d’une bombe flottante, qu’il est prévu de précipiter sur les remparts de Saint-Malo: un navire de 300 tonneaux avec peu de tirant d’eau spécialement construit pour l’occasion et bourré d’explosifs et de ferraille. On la doit à M. Fournier, un ingénieur français de religion protestante, réfugié en Angleterre après la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685.
Quatre jours de bombardement
« Le prince d’Orange […]espérait satisfaire ses alliés par cette entreprise, rapporte Le Mercure galant, une revue d’époque. Et faire même un double plaisir aux Anglais, en les vengeant d’une ville enrichie des prises qu’elle faisait tous les jours sur eux ». Ainsi, le 26 novembre 1693, une trentaine de bateaux, commandés par le commodore John Benbow, apparaissent au large de Saint-Malo, n’arborant aucun pavillon de peur d’être démasqués. « On crut d’abord que c’était une flotte marchande, ou un convoi de bled et de vin, parce qu’on était persuadé que les Anglais n’oseraient venir dans une saison dans laquelle Saint-Malo, outre ses fortifications, avait le vent et les rochers pour défense», poursuit l’hebdomadaire.
Pendant quatre jours, la cité malouine est bombardée, alors que les Anglais s’emparent du fort de la Conchée, l’une des places défensives en cours de construction, et de l’île de Cézembre, alors habitée par les moines du monastère des Récollets.
La machine infernale à l’œuvre
Le bombardement intensif de Saint-Malo n’éprouve que peu la cité corsaire, endommageant seulement la toiture d’une ou deux maisons et quelques vitraux de la cathédrale. Le 29 novembre, c’est le fort national, construit sur un îlot situé seulement à quelques dizaines de mètres des remparts, qui est pris pour cible.
À la tombée de la nuit, profitant de la marée haute, un navire se détache dans la pénombre et vogue, tout feu éteint, vers le château malouin, en visant précisément la tour Bidouane qui sert de poudrière pour la ville. À son bord, quelques hommes d’équipages et l’ingénieur Fournier sont là pour mener à bien les opérations. Sur les trois ponts de cette « machine infernale », aux voiles peintes en noir, sont entassés des barils de poudre, de poix, de résine, de goudron et de paille, ainsi que près de 500 bombes et autres vieux canons.
Le navire arrive à s’approcher à quelques mètres de son objectif sans se faire repérer, mais un violent coup de vent le projette sur un rocher effleurant la surface de l’eau. La coque cède et le bateau s’immobilise. Paniqués, les assaillants allument la mèche de cette bombe flottante et s’enfuient en chaloupe. Malheureusement pour eux, l’explosion survient plus tôt que prévu, et les tue sur le coup en les engloutissant dans la mer. La forte déflagration et l’énorme boule de feu entraînent des dégâts matériels importants à Saint-Malo: toutes les vitres de la ville volent en éclats, les ardoises des toits de plus de 300 maisons sont arrachées. Mais seule la moitié arrière de la Machine infernale a explosé, et finalement aucun mort n’est à déplorer, mis à part, raconte la légende, un chat de gouttière.
Pour en savoir plus
- « Le bombardement et la machine infernale des Anglais contre Saint-Malo en 1693 », Arthur Le Moyne de la Borderie - Société des bibliophiles bretons et de l’histoire de Bretagne, 1885.
- « Quand l’ennemi venait de la mer», Guillaume Lécuillier - Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2007. - Visite du Fort national à Saint-Malo.
http://www.letelegramme.fr/histoire/1693-une-bombe-flottante-vise-saint-malo-13-10-2017-11700992.php
Financée par Guillaume III dans le plus grand secret dans le but de détruire les murs d’enceinte de la cité corsaire, la Machine infernale explose le 29 novembre 1693. Photo Aye/DR
En cette fin d’année 1693, le roi d’Angleterre, Guillaume III d’Orange, enrage. L’année précédente, le souverain pensait avoir pris un avantage décisif sur la flotte française de son rival Louis XIV, qu’il combat depuis maintenant cinq ans à travers le monde.
Plan de Saint-Malo relevé par les Anglais à la fin du XVIIe siècle. Photo Donarreiskoffer/DR
En effet, en mai 1692, au large du Cotentin, les navires de l’armée anglaise infligent une sévère défaite à la Royale lors de la bataille de la Hougue, confirmant sa suprématie maritime. Suite à cette défaite, le roi relance la guerre de course. En juin 1693, l’armée française se venge en attaquant un convoi de plusieurs centaines de navires marchands anglais, hollandais et allemands de retour de Smyrne en Turquie, escortés par des navires de guerre anglais. Au large du Portugal, les Français capturent ou coulent plus de 90 bâtiments commerciaux, entraînant un désastre financier à Londres et la faillite de plusieurs armateurs. Pire encore, depuis 1688 et le début de cette guerre (qui durera neuf ans), l’amirauté anglaise déplore la perte de plus d’un millier de bâtiments marchands et près d’une centaine de navires d’escorte. Les fautifs ? Les corsaires malouins !
La coupe de la Machine infernale. Photo Aye/DR
Invention au cœur de la Tour de Londres
Pour se venger d’une telle infamie, le roi d’Angleterre cherche un moyen de détruire ce « nid de guèpes » qui protège ceux qu’il considère comme des pirates… Conscient du risque que court Saint-Malo, le roi Louis XIV envoie Vauban, son ingénieur en chef, afin de renforcer les fortifications de la ville.De l’autre côté de la Manche, dans la Tour de Londres, Guillaume III finance dans le plus grand secret l’invention d’une machine capable de détruire les murs d’enceinte de la cité corsaire. Il s’agit d’une bombe flottante, qu’il est prévu de précipiter sur les remparts de Saint-Malo: un navire de 300 tonneaux avec peu de tirant d’eau spécialement construit pour l’occasion et bourré d’explosifs et de ferraille. On la doit à M. Fournier, un ingénieur français de religion protestante, réfugié en Angleterre après la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685.
Quatre jours de bombardement
« Le prince d’Orange […]espérait satisfaire ses alliés par cette entreprise, rapporte Le Mercure galant, une revue d’époque. Et faire même un double plaisir aux Anglais, en les vengeant d’une ville enrichie des prises qu’elle faisait tous les jours sur eux ». Ainsi, le 26 novembre 1693, une trentaine de bateaux, commandés par le commodore John Benbow, apparaissent au large de Saint-Malo, n’arborant aucun pavillon de peur d’être démasqués. « On crut d’abord que c’était une flotte marchande, ou un convoi de bled et de vin, parce qu’on était persuadé que les Anglais n’oseraient venir dans une saison dans laquelle Saint-Malo, outre ses fortifications, avait le vent et les rochers pour défense», poursuit l’hebdomadaire.
Pendant quatre jours, la cité malouine est bombardée, alors que les Anglais s’emparent du fort de la Conchée, l’une des places défensives en cours de construction, et de l’île de Cézembre, alors habitée par les moines du monastère des Récollets.
La machine infernale à l’œuvre
Le bombardement intensif de Saint-Malo n’éprouve que peu la cité corsaire, endommageant seulement la toiture d’une ou deux maisons et quelques vitraux de la cathédrale. Le 29 novembre, c’est le fort national, construit sur un îlot situé seulement à quelques dizaines de mètres des remparts, qui est pris pour cible.
À la tombée de la nuit, profitant de la marée haute, un navire se détache dans la pénombre et vogue, tout feu éteint, vers le château malouin, en visant précisément la tour Bidouane qui sert de poudrière pour la ville. À son bord, quelques hommes d’équipages et l’ingénieur Fournier sont là pour mener à bien les opérations. Sur les trois ponts de cette « machine infernale », aux voiles peintes en noir, sont entassés des barils de poudre, de poix, de résine, de goudron et de paille, ainsi que près de 500 bombes et autres vieux canons.
Le navire arrive à s’approcher à quelques mètres de son objectif sans se faire repérer, mais un violent coup de vent le projette sur un rocher effleurant la surface de l’eau. La coque cède et le bateau s’immobilise. Paniqués, les assaillants allument la mèche de cette bombe flottante et s’enfuient en chaloupe. Malheureusement pour eux, l’explosion survient plus tôt que prévu, et les tue sur le coup en les engloutissant dans la mer. La forte déflagration et l’énorme boule de feu entraînent des dégâts matériels importants à Saint-Malo: toutes les vitres de la ville volent en éclats, les ardoises des toits de plus de 300 maisons sont arrachées. Mais seule la moitié arrière de la Machine infernale a explosé, et finalement aucun mort n’est à déplorer, mis à part, raconte la légende, un chat de gouttière.
Pour en savoir plus
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