En Bretagne, une communauté vit sereinement l’utopie concrète
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En Bretagne, une communauté vit sereinement l’utopie concrète
16 novembre 2017 / Martin Bertrand (Reporterre)
Au cœur de la Bretagne, il existe un lieu où chacun est le bienvenu et où la vie s’organise en autonomie et en adéquation avec la nature. Cette « oasis » est le fruit des rêves d’Audrey, surnommée « Mama Terra ». Reporterre vous convie à une visite en photos.
Plélauff (Côtes-d’Armor), reportage
Dans la campagne reculée du centre de la Bretagne, au bout d’une route que le GPS peine à indiquer, on finit par atteindre le lieu-dit Kerlanic, appelé par ses résidents « oasis Kerlanic ». Il a été surnommé comme cela, car pour quelqu’un qui cherche à fuir la frénésie de notre société, c’est comme s’il était dans le désert et qu’il trouvait, au milieu de nulle part, une oasis. Il s’agit d’un lieu où l’on vit en autonomie et en adéquation avec la nature, un lieu où chacun est le bienvenu et qui prône un mode de vie alternatif.
« Mama Terra », c’est ainsi qu’on surnomme Audrey, pour sa bienveillance permanente envers la nature et ses semblables ; c’est elle qui est à l’origine de cette initiative. Mère de deux enfants, elle a habité pendant 12 ans en région parisienne, où elle pratiquait deux métiers à la fois : celui d’écrivaine publique et celui de styliste grande taille.
Audrey et son fils Noa.
C’est lorsqu’elle était enceinte de son premier enfant qu’elle a commencé à remettre en question sa vie : « Je ne voulais pas lui offrir le monde tel que je le percevais, qu’il subisse cette frénésie quotidienne. Il fallait aller toujours plus vite et je n’imaginais pas le voir uniquement le soir pour lui raconter une histoire. »
Un burn-out l’a poussée à dire « stop ». En l’espace de deux mois, elle avait quitté ses différents jobs et son appartement afin d’acheter une maison en Touraine. « Ce n’était pas une fuite, mais un grand bond en avant. » Ce passage en province a apporté son lot de prises de conscience au travers de rencontres avec des familles ayant déjà fait le choix d’un mode de vie alternatif. « Comme disait Paulo Coelho, tout l’univers conspirait comme si j’étais sur le bon chemin. » Audrey avait changé, elle voulait plus d’autonomie, d’espace et de liberté. Avec ses enfants, ils aimaient partir respirer en Bretagne, ils ont donc décidé d’arrêter de faire des allers-retours. Ils ont acheté Kerlanic, qui était à l’époque une ferme du XVIIe siècle abandonnée sur un terrain de deux hectares.
« La Terre n’appartient à personne »
« Dès le départ, j’ai voulu que ce soit un lieu d’accueil afin de créer une grande atmosphère familiale. » Ce grand terrain, à moitié occupé par une forêt, est donc devenu un lieu public, car, selon Audrey, « la Terre n’appartient à personne ». En effet, qui veut découvrir le site, y planter sa tente, peut séjourner à la seule condition de respecter une charte, qui se contente d’énumérer des règles de bon sens. « Au début, c’était des gens de passage et puis, petit à petit, les gens ne savaient jamais vraiment quand ils repartiraient. »
Beaucoup d’habitants des alentours ont également éprouvé de l’affection pour le lieu. Tous ensemble, ils ont rénové le plus grand des bâtiments, qui tombait en ruine. On y trouve désormais une cuisine, une salle commune ainsi que deux grandes chambres.
Aujourd’hui encore, ils viennent apporter leur aide pour des chantiers participatifs comme la construction d’une paillourte, un petit habitat composé d’un mélange de terre et de paille.
Le chantier participatif de construction d’une paillourte.
La seconde chose qu’Audrey a tenu à mettre en place est l’autonomie énergétique : pas question d’être tributaire des divers réseaux. Elle raconte : « Au début, en plein mois de février, je dormais dans mon camion et je faisais un feu pour me faire à manger. » Désormais, une dizaine de panneaux photovoltaïques couvrent les besoins en électricité. L’hiver, on se chauffe grâce au poêle à bois, bien sûr sans couper les arbres : « On ne prend que ce que la forêt nous offre. »
Un système de récupération d’eau de pluie permet d’avoir suffisamment d’eau pour le ménage, la vaisselle et la toilette. Enfin, ils vont capter l’eau potable directement à une source proche. « À chaque fois que je vais à la source, j’ai l’image de cette femme africaine qui rapporte des jarres d’eau pour sa tribu. » Pas question d’utiliser de l’eau pour faire ses besoins, des toilettes sèches ont été installées à différents endroits du terrain.
Les animaux sont très présents, on en compte plus d’une soixantaine. Chèvres, boucs, poules, chiens, chats et un jars vivent en liberté. Les poules pondent quand elles le souhaitent et seuls les œufs qu’elles abandonnent sont consommés. De même pour les chèvres, qui sont traites au gré de leur bonne volonté, afin de faire du lait et du fromage. Un grand potager a également été mis en place, on y pratique la permaculture ainsi que d’autres formes d’agricultures soucieuses de l’environnement.
Pour le reste des besoins alimentaires, tous les mardis matin, il y a le marché de Rostrenen, la commune la plus proche, où se retrouvent des producteurs locaux.
Audrey au marché de Rostrenen.
« J’ai appris autant de choses en trois mois ici que dans toute ma vie »
Samuel, âgé de 18 ans, fait partie de ces gens qui se sont rendus à Kerlanic sans savoir quand ils allaient repartir. Venu tout droit de l’Ariège, Samuel habite ici depuis plusieurs mois. « Je cherchais à vivre en communauté depuis longtemps. J’ai appelé Audrey et elle m’a dit de venir quand je le souhaitais. Deux semaines après j’étais là. » À son arrivée, la transition avec son mode de vie normal n’a pas été facile, mais il s’est acclimaté, et il est aujourd’hui très heureux d’avoir fait ce choix. « J’ai appris autant de choses en trois mois ici que dans toute ma vie, comme par exemple traire les chèvres, gérer le potager et même, bientôt, l’apiculture. J’ai aussi compris ce que c’était d’avoir des responsabilités ; on a un planning avec différentes tâches à faire, chacun choisit ce qu’il va faire et il s’y tient. J’ai également assimilé des notions de communication et de bienveillance, ce qui m’a permis d’avoir plus confiance en moi. »
samuel
Cet endroit est également un paradis pour les enfants. Ils ont de l’espace pour s’amuser, dépenser leur énergie et laisser libre cours à leur imagination. Âgé de 8 ans Noa, le fils d’Audrey, vit ici. Il ne va plus à l’école et c’est son choix. « On me demande de dessiner quand j’ai envie d’écrire et on me demande d’écrire quand j’ai envie de dessiner. C’est pas la liberté ça ! » Il a donc fait un pacte avec sa mère, dans lequel il s’engage à rester curieux et à continuer à s’intéresser au monde qui l’entoure. Pour ce qui est des fondamentaux de la langue et du calcul, l’enseignement est dispensé par sa mère ou via un groupement de parents dont les enfants sont dans la même situation. Souvent, Noa se penche de lui-même sur des sujets qui l’interpellent, en ce moment il s’agit de la Seconde Guerre mondiale. Il s’instruit également grâce aux nombreuses personnes de passage ou quand il part en voyage avec sa mère. Noa se sent à sa place en ce lieu, il aime la nature et les animaux. Il connait la traite des chèvres sur le bout des doigts et maîtrise l’art du potager comme peu d’enfants de son âge.
Vous l’aurez compris, il s’agit ici d’un véritable retour aux sources qui remet en question les modes de vie communément admis. En se demandant comment on faisait auparavant, cette communauté cherche à faire un grand bond en avant.
https://reporterre.net/
Au cœur de la Bretagne, il existe un lieu où chacun est le bienvenu et où la vie s’organise en autonomie et en adéquation avec la nature. Cette « oasis » est le fruit des rêves d’Audrey, surnommée « Mama Terra ». Reporterre vous convie à une visite en photos.
Plélauff (Côtes-d’Armor), reportage
Dans la campagne reculée du centre de la Bretagne, au bout d’une route que le GPS peine à indiquer, on finit par atteindre le lieu-dit Kerlanic, appelé par ses résidents « oasis Kerlanic ». Il a été surnommé comme cela, car pour quelqu’un qui cherche à fuir la frénésie de notre société, c’est comme s’il était dans le désert et qu’il trouvait, au milieu de nulle part, une oasis. Il s’agit d’un lieu où l’on vit en autonomie et en adéquation avec la nature, un lieu où chacun est le bienvenu et qui prône un mode de vie alternatif.
« Mama Terra », c’est ainsi qu’on surnomme Audrey, pour sa bienveillance permanente envers la nature et ses semblables ; c’est elle qui est à l’origine de cette initiative. Mère de deux enfants, elle a habité pendant 12 ans en région parisienne, où elle pratiquait deux métiers à la fois : celui d’écrivaine publique et celui de styliste grande taille.
Audrey et son fils Noa.
C’est lorsqu’elle était enceinte de son premier enfant qu’elle a commencé à remettre en question sa vie : « Je ne voulais pas lui offrir le monde tel que je le percevais, qu’il subisse cette frénésie quotidienne. Il fallait aller toujours plus vite et je n’imaginais pas le voir uniquement le soir pour lui raconter une histoire. »
Un burn-out l’a poussée à dire « stop ». En l’espace de deux mois, elle avait quitté ses différents jobs et son appartement afin d’acheter une maison en Touraine. « Ce n’était pas une fuite, mais un grand bond en avant. » Ce passage en province a apporté son lot de prises de conscience au travers de rencontres avec des familles ayant déjà fait le choix d’un mode de vie alternatif. « Comme disait Paulo Coelho, tout l’univers conspirait comme si j’étais sur le bon chemin. » Audrey avait changé, elle voulait plus d’autonomie, d’espace et de liberté. Avec ses enfants, ils aimaient partir respirer en Bretagne, ils ont donc décidé d’arrêter de faire des allers-retours. Ils ont acheté Kerlanic, qui était à l’époque une ferme du XVIIe siècle abandonnée sur un terrain de deux hectares.
« La Terre n’appartient à personne »
« Dès le départ, j’ai voulu que ce soit un lieu d’accueil afin de créer une grande atmosphère familiale. » Ce grand terrain, à moitié occupé par une forêt, est donc devenu un lieu public, car, selon Audrey, « la Terre n’appartient à personne ». En effet, qui veut découvrir le site, y planter sa tente, peut séjourner à la seule condition de respecter une charte, qui se contente d’énumérer des règles de bon sens. « Au début, c’était des gens de passage et puis, petit à petit, les gens ne savaient jamais vraiment quand ils repartiraient. »
Beaucoup d’habitants des alentours ont également éprouvé de l’affection pour le lieu. Tous ensemble, ils ont rénové le plus grand des bâtiments, qui tombait en ruine. On y trouve désormais une cuisine, une salle commune ainsi que deux grandes chambres.
Aujourd’hui encore, ils viennent apporter leur aide pour des chantiers participatifs comme la construction d’une paillourte, un petit habitat composé d’un mélange de terre et de paille.
Le chantier participatif de construction d’une paillourte.
La seconde chose qu’Audrey a tenu à mettre en place est l’autonomie énergétique : pas question d’être tributaire des divers réseaux. Elle raconte : « Au début, en plein mois de février, je dormais dans mon camion et je faisais un feu pour me faire à manger. » Désormais, une dizaine de panneaux photovoltaïques couvrent les besoins en électricité. L’hiver, on se chauffe grâce au poêle à bois, bien sûr sans couper les arbres : « On ne prend que ce que la forêt nous offre. »
Un système de récupération d’eau de pluie permet d’avoir suffisamment d’eau pour le ménage, la vaisselle et la toilette. Enfin, ils vont capter l’eau potable directement à une source proche. « À chaque fois que je vais à la source, j’ai l’image de cette femme africaine qui rapporte des jarres d’eau pour sa tribu. » Pas question d’utiliser de l’eau pour faire ses besoins, des toilettes sèches ont été installées à différents endroits du terrain.
Les animaux sont très présents, on en compte plus d’une soixantaine. Chèvres, boucs, poules, chiens, chats et un jars vivent en liberté. Les poules pondent quand elles le souhaitent et seuls les œufs qu’elles abandonnent sont consommés. De même pour les chèvres, qui sont traites au gré de leur bonne volonté, afin de faire du lait et du fromage. Un grand potager a également été mis en place, on y pratique la permaculture ainsi que d’autres formes d’agricultures soucieuses de l’environnement.
Pour le reste des besoins alimentaires, tous les mardis matin, il y a le marché de Rostrenen, la commune la plus proche, où se retrouvent des producteurs locaux.
Audrey au marché de Rostrenen.
« J’ai appris autant de choses en trois mois ici que dans toute ma vie »
Samuel, âgé de 18 ans, fait partie de ces gens qui se sont rendus à Kerlanic sans savoir quand ils allaient repartir. Venu tout droit de l’Ariège, Samuel habite ici depuis plusieurs mois. « Je cherchais à vivre en communauté depuis longtemps. J’ai appelé Audrey et elle m’a dit de venir quand je le souhaitais. Deux semaines après j’étais là. » À son arrivée, la transition avec son mode de vie normal n’a pas été facile, mais il s’est acclimaté, et il est aujourd’hui très heureux d’avoir fait ce choix. « J’ai appris autant de choses en trois mois ici que dans toute ma vie, comme par exemple traire les chèvres, gérer le potager et même, bientôt, l’apiculture. J’ai aussi compris ce que c’était d’avoir des responsabilités ; on a un planning avec différentes tâches à faire, chacun choisit ce qu’il va faire et il s’y tient. J’ai également assimilé des notions de communication et de bienveillance, ce qui m’a permis d’avoir plus confiance en moi. »
samuel
Cet endroit est également un paradis pour les enfants. Ils ont de l’espace pour s’amuser, dépenser leur énergie et laisser libre cours à leur imagination. Âgé de 8 ans Noa, le fils d’Audrey, vit ici. Il ne va plus à l’école et c’est son choix. « On me demande de dessiner quand j’ai envie d’écrire et on me demande d’écrire quand j’ai envie de dessiner. C’est pas la liberté ça ! » Il a donc fait un pacte avec sa mère, dans lequel il s’engage à rester curieux et à continuer à s’intéresser au monde qui l’entoure. Pour ce qui est des fondamentaux de la langue et du calcul, l’enseignement est dispensé par sa mère ou via un groupement de parents dont les enfants sont dans la même situation. Souvent, Noa se penche de lui-même sur des sujets qui l’interpellent, en ce moment il s’agit de la Seconde Guerre mondiale. Il s’instruit également grâce aux nombreuses personnes de passage ou quand il part en voyage avec sa mère. Noa se sent à sa place en ce lieu, il aime la nature et les animaux. Il connait la traite des chèvres sur le bout des doigts et maîtrise l’art du potager comme peu d’enfants de son âge.
Vous l’aurez compris, il s’agit ici d’un véritable retour aux sources qui remet en question les modes de vie communément admis. En se demandant comment on faisait auparavant, cette communauté cherche à faire un grand bond en avant.
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