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Zéro chômeur de longue durée", l'utopie bientôt à l'épreuve de la réalité?

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Message par Admin Lun 4 Mai - 17:34



Par Alexia Eychenne, publié le 29/04/2015 à 11:07 , mis à jour le 30/04/2015 à 11:30



ATD Quart Monde fait le pari d'éradiquer le chômage de longue durée dans des territoires tests en créant des CDI pour chaque demandeur d'emploi. Les dépenses liées au chômage seraient réaffectées vers les employeurs.

Reuters/Rick Wilking
ATD Quart Monde fait le pari d'éradiquer le chômage de longue durée en créant un CDI pour chaque demandeur d'emploi dans des territoires pilotes. Son projet commence à rallier patrons et élus, qui pourraient faire évoluer la loi. Explications.

Sera-t-il possible d'éradiquer le chômage de longue durée à l'échelle d'une ou plusieurs villes, d'ici quelques années? A voir le nombre de demandeurs d'emploi continuer d'augmenter, il est permis d'en douter. Mais rien interdit d'y rêver, ni d'essayer. C'est à cette idée que s'accroche ATD Quart Monde avec un projet ambitieux: des "territoires zéro chômeur de longue durée". Le mouvement de lutte contre la pauvreté lance une phase d'expérimentation et entraîne avec lui patrons et politiques. Même si la réalisation pose encore une foule de questions.

De quoi s'agit-il, concrètement? Rien de moins que de créer, d'abord dans quatre territoires pilotes, un CDI au smic pour tous les chômeurs de longue durée, en partant de ce qu'ils savent faire. Le but n'est pas de s'attaquer au chômage dans son ensemble, mais à celui qui "crée de l'exclusion sociale et de la misère", explique à l'Express Patrick Valentin, responsable du projet pour ATD Quart Monde. A la différence de certains contrats aidés, ces emplois seront tous "à temps choisi". Autrement dit à plein temps pour ceux qui le veulent, car l'objectif est de briser pour de bon le cercle des contrats précaires et du sous-emploi. Pour financer ces postes dans des entreprises existantes ou créées pour l'occasion, l'ONG parie sur un mécanisme inédit: reverser les dépenses liées à la prise en charge du chômeur... aux employeurs. Autrement dit, "faire que les emplois ne coûtent pas plus cher que le chômage", résume Patrick Valentin.
"Qu'est-ce qu'ils savent faire et veulent faire?"

Voilà pour le projet sur le papier. Dans les faits, l'association pose tout juste les jalons d'une longue série d'étapes. Dès 1995, une première expérimentation a été menée à Seiches-sur-le-Loir, dans le Maine-et-Loire, mais elle s'est heurtée à l'impossibilité légale de réallouer les dépenses du chômage à un autre usage. Qu'importe, de nouveaux territoires se lancent aujourd'hui dans l'expérience. C'est le cas de la communauté de communes de Colombey-les-Belles, en Meurthe-et-Moselle: 11 500 habitants, 39 villes "très rurales et un cumul de difficultés", décrit Philippe Parmentier, son président. Les chômeurs de longue durée y sont près de 500, contre 130 en 2007. Des entreprises déjà fragiles ont été balayées par la crise. "Il fallait que l'on réagisse", lance Philippe Parmentier.

Sa collectivité a débloqué 70 000 euros, dont 9000 euros sur fonds propres, pour une première phase "d'ingénierie". Une petite équipe a été constituée pour rencontrer les chômeurs. "Les rendez-vous vont être axés sur leurs compétences: qu'est-ce qu'ils savent faire et qu'est-ce qu'ils veulent faire?", explique Marie-Pascale Paulin, la chef de projet. Les candidats ne manquent pas. A 42 ans, Laetitia a travaillé plus de la moitié de sa vie dans une usine de bois, fermée il y a deux ans. Elle a fini par décrocher un précaire contrat d'insertion dans les espaces verts et rêve d'un CDI dans le secteur. A 56 ans, Michel, ancien maçon, n'a jamais obtenu le précieux sésame vers la stabilité. Quant à Sébastien, 35 ans, il enchaîne les contrats d'intérim et les missions de saisonnier.
Des besoins sociaux transformés en emplois

Parallèlement, les équipes vont écouter les patrons pour trouver d'éventuels postes à pourvoir, mais aussi interroger d'autres partenaires et lister les "besoins sociaux qui peuvent être transformés en emploi", indique Marie-Pascale Paulin. ATD Quart Monde ambitionne en effet de créer des entreprises "à objectif d'emplois" pour faire travailler les chômeurs que le marché actuel ne peut pas embaucher. Dans quels secteurs? Avec quels statuts? "Tout reste à imaginer, juge Marie-Pascale Paulin. Chez nous, il y aura peut-être un gisement d'emploi dans la transition énergétique, ailleurs ce sera autre chose."

La seule certitude, c'est que les recrutements seront financés par les sommes jusque-là affectées au chômage, en complément du petit chiffre d'affaires qu'elles généreront. ATD Quart Monde estime à plus de 15 000 euros par an et par personne le coût du chômage "d'exclusion". L'ONG prend en compte les dépenses directes (Pôle emploi, RSA, formation, CMU...), indirectes (aide sociale à l'enfance ou échec scolaire quand le chômage détruit les familles, délinquance...), et le manque à gagner en termes d'impôts et de cotisations.


Adapter la loi

Là où le bât blesse, c'est que, pas plus qu'en 1995, la loi ne permet de transférer ces sommes aux employeurs. Mais le chantier avance: le député PS Laurent Grandguillaume prépare, avec des homologues, une proposition de loi pour lever les verrous législatifs à l'expérimentation. Restent à définir ses contours, encore mystérieux. "Il y a en gros trois pistes, détaille Didier Goubert, coordinateur du réseau emploi-formation à ATD Quart Monde. La meilleure option, c'est que chaque dépense soit réallouée ligne par ligne à l'employeur selon un coût forfaitaire, mais c'est complexe, car tous les systèmes sociaux sont touchés. On pourrait aussi imaginer une réaffectation plus sommaire, ou que le gouvernement finance l'expérience le temps de nous laisser mesurer les coûts réels." Car le calcul d'ATD Quart Monde, l'association le reconnaît, est forcément imparfait. Etablir le prix réel du chômage est une tâche immense. Difficile pourtant de lancer une politique à grande échelle sans chiffre fiable pour l'appuyer.

Se pose aussi la question des débouchés économiques, car il faudra bien remplir les carnets de commandes des entreprises créées. ATD Quart Monde assure qu'une pléthore de travaux utiles ne sont pas réalisés aujourd'hui "parce que partiellement solvables et donc insuffisamment lucratifs pour le marché classique". Engagé dans l'expérimentation, Jean Rouffiac dirige Récoltes, une association de la Nièvre qui recrute déjà en CDI des chômeurs de longue durée. Ils travaillent dans les vignes ou dans le bâtiment pour des petites communes qui n'ont pas les moyens d'embaucher à plein temps. Avec 24 salariés, Jean Rouffiac assure n'avoir pas assez de bras pour faire face à la demande. La principale difficulté tient selon lui à "l'accompagnement social" des employés restés plusieurs années au chômage. "Il faudra travailler avec le département", juge-t-il.

ATD Quart Monde ne manque aujourd'hui pas de partisans. On croisait lundi, lors d'un rassemblement à Paris, des élus, des syndicalistes ou encore Michel de Virville, passé par des cabinets ministériels, la DRH de Renault et la présidence de l'Unedic. Député PS, Dominique Potier a laissé entendre que le ministre du Travail, François Rebsamen, voyait l'idée d'un bon œil. Le Medef aussi était là. Joints par l'Express, les représentants des patrons assurent soutenir l'initiative qui "prend le temps d'une vraie expérimentation de terrain". Les chefs d'entreprise évalueront les premiers résultats dans des comités de pilotage locaux. A commencer par d'éventuels effets pervers, comme une concurrence déloyale envers les entreprises ou des effets d'aubaine. Autant d'inconnues à scruter dans les prochains mois: des recrutements sont prévus dès 2016.

http://www.lexpress.fr/emploi/zero-chomeur-de-longue-duree-l-utopie-bientot-a-l-epreuve-de-la-realite_1675664.html?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#xtor=CS3-5075
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