Pourquoi l'industrie française ne profite pas assez de la reprise
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Pourquoi l'industrie française ne profite pas assez de la reprise
Emmanuel Grasland / Chef du service Industrie Le 19/01 à 17:31
Quand il s'agit de moderniser leurs usines, les chefs d'entreprise français achètent surtout des équipements fabriqués à l'étranger. - SIPA
ANALYSE. Grâce à la bonne conjoncture, tous les indicateurs sont au vert pour l'industrie française. Mais après la saignée des quinze dernières années, la filière a-t-elle encore la taille critique pour tenir la cadence et répondre à l'envolée de la demande ? La question reste posée.
Un moral au plus haut depuis dix ans. Une activité en hausse de 2,5 % entre janvier et novembre. Et des annonces de créations d'usines supérieures aux fermetures recensées .https://www.lesechos.fr/28/09/2017/lesechos.fr/030624019175_les-usines-francaises-commencent-a-beneficier-de-la-reprise.htm Depuis près d'un an, l'industrie française va mieux. Les marges dépassent 40 % de la valeur ajoutée, les investissements sont repartis à la hausse et la filière devrait enregistrer un solde d'emplois positif au quatrième trimestre pour la première fois depuis 2007. Et pourtant, une question taraude tous les acteurs : alors que la reprise est là, l'industrie française sera-t-elle capable de tenir la cadence ?
Sur le terrain, trois types de défis prennent de l'ampleur. Les entreprises peinent tout d'abord à répondre à la demande. Le taux d'utilisation des usines françaises était, en fin d'année 2017, de 84,9 %, selon l'Insee. Un niveau supérieur à la moyenne de la période 1990-2007. Mais, malgré un recours accru aux heures supplémentaires et à l'intérim, les délais de livraison augmentent. Selon le cabinet IHS Markit, le taux d'accumulation des arriérés de production de l'industrie manufacturière française a atteint en décembre son plus haut niveau depuis... novembre 2006 ! Un tiers des chefs d'entreprise se disent désormais confrontés à des problèmes de capacités de production, annonce l'Insee.
La qualité de l'offre
Le deuxième défi est plus sérieux. Il porte sur la qualité de l'offre elle-même. Avec la reprise, « les exportations industrielles de la France progressent, mais toujours un peu moins vite que celles de nos concurents européens », explique Denis Ferrand, directeur général de COE-Rexecode, un think tank proche du patronat. Si le poids de l'industrie manufacturière dans le PIB a cessé de baisser, le recul de la part de marché de la France dans les exportations de la zone euro n'a pas été stoppé. Celle-ci est passée de 12,3 % en 2015 à 12 % en 2016, puis à 11,8 % en 2017.
A l'étranger, les produits français continuent de souffrir d'une réputation de qualité insuffisante au regard de leur prix. Sur le marché intérieur, la situation n'est pas vraiment meilleure. L'amélioration de la conjoncture a fait bondir le déficit commercial à près de 60 milliards d'euros à fin novembre. « Lorsque la demande de produits industriels progresse en France, les importations augmentent fortement et la production domestique faiblement », souligne l'économiste Patrick Artus (Natixis), dans une note de recherche.
« L'industrie se réarme »
Nombre de ménages jugent le rapport qualité-prix des produits étrangers plus intéressant. Et, quand il s'agit de moderniser leurs usines, les chefs d'entreprise achètent surtout des équipements fabriqués à l'étranger. Au troisième trimestre 2017, le déficit lié aux achats de machines-outils a ainsi battu un record historique, à 1,5 milliard d'euros, indique l'Insee. « L'industrie française se réarme. Mais, pour cela, elle achète des machines fabriquées en Allemagne, en Italie ou au Japon », soupire un industriel.
Le troisième défi est celui du recrutement. Deux industriels sur cinq disent éprouver des difficultés à embaucher, alors même que le pays affiche un taux de chômage de 9,7 %. « Il n'y a pas un jour qui se passe sans qu'une entreprise nous appelle parce qu'elle ne parvient pas à recruter », explique Hubert Mongon, le délégué général de l'UIMM. Cette tension se traduit par un taux d'embauche en CDI de l'industrie au plus haut depuis début 2001 (36,9 %). Ce qui va probablement pousser les salaires à la hausse dans l'année à venir.
Enfin, sans être un défi, l'euro est une source d'inquiétude pour des filières exportatrices comme l'aéronautique, l'agroalimentaire ou la pharmacie. La devise européenne a débuté 2018 au-dessus de 1,20 dollar. Soit un plus haut depuis trois ans, après une hausse de 14 % en 2017.
Dix ans pour réparer les dégâts
Mais pourquoi la mécanique se grippe-t-elle ? Pourquoi l'industrie française ne tourne pas de plus en plus vite à mesure que la demande augmente ? « Lorsqu'une forêt a brûlé, il faut dix ou quinze ans pour qu'elle retrouve son aspect d'origine », répond Bruno Grandjean, le président de la Fédération des industries mécaniques. « Nous avons vécu une telle atrophie de notre base industrielle que cela a des conséquences sur le système de formation et les compétences existantes », explique Denis Ferrand. Entre 2000 et 2015, l'industrie manufacturière a perdu en moyenne 59.000 emplois directs par an. L'industrie automobile a réduit sa production de 28 % !
Jouer dans la cour des grands
La chute du rideau de fer, puis l'arrivée de la Chine dans le commerce mondial ont démultiplié la concurrence, tout en donnant un coup de fouet aux délocalisations. L'avènement de l'euro a aussi changé la donne sans que les patrons en mesurent toujours les conséquences - plus de taux de change pour compenser des prix trop élevés au regard de la qualité produit.
Dans ce nouvel environnement, les meilleurs s'imposent et les plus faibles disparaissent. Ce qui s'est traduit par d'importantes réallocations de l'activité manufacturière au sein de la zone euro, dont la France, l'Italie et le Portugal ont pâti. Au contraire de l'Allemagne, de l'Autriche ou de l'Espagne, indiquent les chiffres d'Eurostat. Beaucoup de filières exportatrices françaises ont décroché. Reste à voir s'il ne restera que l'aéronautique, la chimie, l'agroalimentaire et le luxe. Ou s'il y aura autre chose.
Emmanuel Grasland
@EGrasland
Quand il s'agit de moderniser leurs usines, les chefs d'entreprise français achètent surtout des équipements fabriqués à l'étranger. - SIPA
ANALYSE. Grâce à la bonne conjoncture, tous les indicateurs sont au vert pour l'industrie française. Mais après la saignée des quinze dernières années, la filière a-t-elle encore la taille critique pour tenir la cadence et répondre à l'envolée de la demande ? La question reste posée.
Un moral au plus haut depuis dix ans. Une activité en hausse de 2,5 % entre janvier et novembre. Et des annonces de créations d'usines supérieures aux fermetures recensées .https://www.lesechos.fr/28/09/2017/lesechos.fr/030624019175_les-usines-francaises-commencent-a-beneficier-de-la-reprise.htm Depuis près d'un an, l'industrie française va mieux. Les marges dépassent 40 % de la valeur ajoutée, les investissements sont repartis à la hausse et la filière devrait enregistrer un solde d'emplois positif au quatrième trimestre pour la première fois depuis 2007. Et pourtant, une question taraude tous les acteurs : alors que la reprise est là, l'industrie française sera-t-elle capable de tenir la cadence ?
Sur le terrain, trois types de défis prennent de l'ampleur. Les entreprises peinent tout d'abord à répondre à la demande. Le taux d'utilisation des usines françaises était, en fin d'année 2017, de 84,9 %, selon l'Insee. Un niveau supérieur à la moyenne de la période 1990-2007. Mais, malgré un recours accru aux heures supplémentaires et à l'intérim, les délais de livraison augmentent. Selon le cabinet IHS Markit, le taux d'accumulation des arriérés de production de l'industrie manufacturière française a atteint en décembre son plus haut niveau depuis... novembre 2006 ! Un tiers des chefs d'entreprise se disent désormais confrontés à des problèmes de capacités de production, annonce l'Insee.
La qualité de l'offre
Le deuxième défi est plus sérieux. Il porte sur la qualité de l'offre elle-même. Avec la reprise, « les exportations industrielles de la France progressent, mais toujours un peu moins vite que celles de nos concurents européens », explique Denis Ferrand, directeur général de COE-Rexecode, un think tank proche du patronat. Si le poids de l'industrie manufacturière dans le PIB a cessé de baisser, le recul de la part de marché de la France dans les exportations de la zone euro n'a pas été stoppé. Celle-ci est passée de 12,3 % en 2015 à 12 % en 2016, puis à 11,8 % en 2017.
A l'étranger, les produits français continuent de souffrir d'une réputation de qualité insuffisante au regard de leur prix. Sur le marché intérieur, la situation n'est pas vraiment meilleure. L'amélioration de la conjoncture a fait bondir le déficit commercial à près de 60 milliards d'euros à fin novembre. « Lorsque la demande de produits industriels progresse en France, les importations augmentent fortement et la production domestique faiblement », souligne l'économiste Patrick Artus (Natixis), dans une note de recherche.
« L'industrie se réarme »
Nombre de ménages jugent le rapport qualité-prix des produits étrangers plus intéressant. Et, quand il s'agit de moderniser leurs usines, les chefs d'entreprise achètent surtout des équipements fabriqués à l'étranger. Au troisième trimestre 2017, le déficit lié aux achats de machines-outils a ainsi battu un record historique, à 1,5 milliard d'euros, indique l'Insee. « L'industrie française se réarme. Mais, pour cela, elle achète des machines fabriquées en Allemagne, en Italie ou au Japon », soupire un industriel.
Le troisième défi est celui du recrutement. Deux industriels sur cinq disent éprouver des difficultés à embaucher, alors même que le pays affiche un taux de chômage de 9,7 %. « Il n'y a pas un jour qui se passe sans qu'une entreprise nous appelle parce qu'elle ne parvient pas à recruter », explique Hubert Mongon, le délégué général de l'UIMM. Cette tension se traduit par un taux d'embauche en CDI de l'industrie au plus haut depuis début 2001 (36,9 %). Ce qui va probablement pousser les salaires à la hausse dans l'année à venir.
Enfin, sans être un défi, l'euro est une source d'inquiétude pour des filières exportatrices comme l'aéronautique, l'agroalimentaire ou la pharmacie. La devise européenne a débuté 2018 au-dessus de 1,20 dollar. Soit un plus haut depuis trois ans, après une hausse de 14 % en 2017.
Dix ans pour réparer les dégâts
Mais pourquoi la mécanique se grippe-t-elle ? Pourquoi l'industrie française ne tourne pas de plus en plus vite à mesure que la demande augmente ? « Lorsqu'une forêt a brûlé, il faut dix ou quinze ans pour qu'elle retrouve son aspect d'origine », répond Bruno Grandjean, le président de la Fédération des industries mécaniques. « Nous avons vécu une telle atrophie de notre base industrielle que cela a des conséquences sur le système de formation et les compétences existantes », explique Denis Ferrand. Entre 2000 et 2015, l'industrie manufacturière a perdu en moyenne 59.000 emplois directs par an. L'industrie automobile a réduit sa production de 28 % !
Jouer dans la cour des grands
La chute du rideau de fer, puis l'arrivée de la Chine dans le commerce mondial ont démultiplié la concurrence, tout en donnant un coup de fouet aux délocalisations. L'avènement de l'euro a aussi changé la donne sans que les patrons en mesurent toujours les conséquences - plus de taux de change pour compenser des prix trop élevés au regard de la qualité produit.
Dans ce nouvel environnement, les meilleurs s'imposent et les plus faibles disparaissent. Ce qui s'est traduit par d'importantes réallocations de l'activité manufacturière au sein de la zone euro, dont la France, l'Italie et le Portugal ont pâti. Au contraire de l'Allemagne, de l'Autriche ou de l'Espagne, indiquent les chiffres d'Eurostat. Beaucoup de filières exportatrices françaises ont décroché. Reste à voir s'il ne restera que l'aéronautique, la chimie, l'agroalimentaire et le luxe. Ou s'il y aura autre chose.
Emmanuel Grasland
@EGrasland
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