Bretonnes d’influence. 1. Marie Le Gac-Salonne
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Bretonnes d’influence. 1. Marie Le Gac-Salonne
Publié le 03 mars 2018 à 18h00
Issue d’une famille bourgeoise et catholique finistérienne, Marie Le Gac-Salonne aurait pu vivre une vie de mère au foyer. Mais cette femme, libre d’esprit, s’éprend de la cause des femmes et entre dans le féminisme comme d’autres en religion. Un combat qu'elle mène tout au long de sa vie, dans une Bretagne encore rétive à l’égalité des sexes…
Marie Le Gac-Salonne voit le jour à Morlaix le 1er février 1878, dans une famille bourgeoise. Sa mère, conservatrice et fervente catholique, est femme au foyer. Son père, commerçant en grains, se définit au contraire comme libre-penseur, dreyfusard et républicain de gauche. Si la jeune Marie débute sa scolarité dans une institution religieuse, la bonne élève qu’elle est ne s’épanouit pas dans cet univers où elle suscite la jalousie pour ses bonnes notes, et est rabrouée à cause des opinions politiques de son père.
Ce dernier, qui défend l’instruction des filles, la pousse à poursuivre ses études dans un collège public, contre l’avis de sa mère. « Même s’il espère ardemment que Marie contracte un beau mariage et assume son destin d’épouse et de mère, il est capital à ses yeux qu’elle accomplisse des études pour éduquer au mieux ses enfants et leur transmettre son savoir », explique Isabelle Le Boulanger, historienne qui consacre une biographie à celle qui est l’une des pionnières du féminisme de la région. Une chance dont elle rendra grâce à son père tout au long de sa vie. Malgré son brevet d’études décroché haut la main, Marie ne peut pas passer le baccalauréat, alors uniquement réservé aux garçons. Une chose qu’elle vit comme une profonde injustice et qui sera à l’origine de son militantisme.
Naissance d’une féministe
À 17 ans, elle rêve du grand amour et voit défiler les prétendants. Mais Marie se résigne à un mariage de raison qu'elle vit comme un calvaire. Quant à ses deux grossesses, elle les vit comme une injustice. Cependant, avec le temps, elle s’accommode finalement de ce mari aimant et de ses deux filles. En 1902, la famille quitte Morlaix pour Plancoët dans les Côtes-du-Nord, où Henri vient d’acheter une étude notariale. De son côté, Marie s’occupe de l’éducation des filles. Elle refuse de les scolariser pour leur éviter les influences cléricales dont elle a souffert. Mais si la jeune femme se déclare libre-penseuse, elle continue de fréquenter l’église.
Sa vie de femme au foyer ne suffit pas à combler le manque d’activité intellectuelle, ni la solitude. Marie Le Gac-Salonne trouve alors refuge dans la lecture, qui la conduit « à un bouillonnement de réflexions et d’idées nouvelles… ». Un jour de vacances 1905, alors qu’elle attend un train en gare de Granville, elle tombe sur une brochure féministe. C’est une révélation. « Bien qu’elle n’ait pas été confrontée directement aux injustices faites aux femmes dans le monde du travail, qu’elle ne connaisse aucune féministe et qu’elle soit destinée à une vie tranquille et confortable, Marie Le Gac-Salonne choisit de s’engager, bravant courageusement tous les préjugés », poursuit l’historienne. La Bretonne commence à écrire sous un pseudonyme, à l’insu de son mari. Elle publie une centaine d’articles dans la presse régionale et nationale, dans lesquelles elle expose ses idées et répond aux railleries des anti-féministes.
Une vie de combat
Son engagement prend une autre tournure lorsqu’elle adhère à l’Union française pour le suffrage des femmes (UFSF) dès sa création en 1909. Cela lui permet de rencontrer d’autres militantes de la région, dont elle ignorait jusque-là l’existence. Rapidement, elle se voit dans l’obligation de militer à visage découvert. Elle affronte les regards et les mentalités conservatrices de Plancoët. En 1912, elle devient la déléguée départementale puis régionale de l’UFSF et s’emploie à développer des sections locales.
La Première Guerre mondiale met un coup d’arrêt à la diffusion des idées féministes, mais Marie Le Gac-Salonne relance la dynamique dès 1919. Un travail difficile, avoue-t-elle, «le féminisme étant encore très peu à la mode en Bretagne ». À la pointe de ce combat, elle devient l’une des principales figures de cette cause en Bretagne. Elle participe activement à de nombreux congrès nationaux et internationaux, où elle s’exprime à la tribune.
Durant l’entre-deux-guerres, elle n’aura de cesse de défendre les femmes pour qu’elles aient droit à l’éducation, au vote, au travail et à l’égalité salariale. Elle se bat également pour que celles-ci puissent maîtriser leur maternité, lutte contre les violences conjugales et prône l’avortement en cas de viol… Mais les combats de Marie Le Gac-Salonne ne se cantonnent pas uniquement à la cause féminine. Durant toute sa vie, elle n’aura de cesse de s’occuper des déshérités et de se mobiliser face aux fléaux sociaux comme l’alcoolisme ou la tuberculose, au sein du comité de charité de Plancoët, où elle est écartée un temps en raison de ses activités. Elle s’éteint dans la nuit du 4 décembre 1974, dans sa 97e année, quelques jours seulement après l’ouverture des débats sur l’interruption volontaire de grossesse, à l’Assemblée nationale.
Pour en savoir plus
- « À l’origine du féminisme en Bretagne, Marie Le Gac-Salonne », Isabelle
Le Boulanger, éditions PUR, 2017.
- « Une Féministe bretonne, Marie Le Gac-Salonne, 1878-1974 »,
Pierre Le Buhan, autoédition, 2013.
Notez que le fonds Le Gac-Salonne est consultable librement en salle de lecture des Archives départementales des Côtes-d’Armor.
en complément
+Une famille talentueuse
Dans l’ouvrage qu’elle consacre à Marie Le Gac-Salonne, l’historienne Isabelle Le Boulanger évoque également les réussites de la famille de la pasionaria bretonne.
Henri, ce mari dont elle ne sera jamais amoureuse mais à qui elle restera fidèle toute sa vie, quitte son étude notariale et se reconvertit au début des années 1920 dans la commercialisation de l’eau de la source de Plancoët : « Henri consacre tout son temps à la production de "l’eau de Nazareth" qui l’occupe jusqu’à sa mort, en 1945, à l’âge de 71 ans. Partageant les idées généreuses de son épouse, homme discret et bon, il a été heureux d’offrir un emploi durable à la population locale », note l’historienne.
Du côté des filles du couple, Marie-Paule, l’aînée, se fait très tôt remarquer par son appétence pour la poésie. Sa mère sollicite les conseils d’Edmond Rostand, qui salue le travail de la jeune fille et l’encourage à poursuivre. Elle devient une écrivaine reconnue et publie plusieurs romans et recueils de poésie, salués par la critique, dont certains sont même récompensés par des prix littéraires. Elle s’éteint en 1947, au plus haut de sa gloire littéraire, à l’âge de 45 ans.
Quant à Louise, la cadette, elle se tourne vers les Beaux-Arts. Après une formation à Rennes et à Paris, elle devient professeure de dessin à Saint-Brieuc et organise plusieurs expositions de ses tableaux, huiles et aquarelles, tout en illustrant également plusieurs ouvrages de sa sœur. Les filles de Marie Le Gac-Salonne ne prendront pas le flambeau de la lutte de leur mère. « Vous pensez bien que je ne pensais pas à faire avec elle du prosélytisme. Respectant leur liberté, j’évitais même devant elle d’agiter la question féministe » écrit-elle à une amie.
Sans réelle héritière, la mémoire de cette pionnière du féminisme s’est peu à peu effacée, et la postérité a retenu sa fille aînée…
+Les traces d'une époque
1878. Naissance de Marie Le Gac à Morlaix.
1901. Mariage avec Henri Salonne.
1902. Naissance de sa première fille, Marie-Paule.
1902. Déménagement de la famille à Plancoët.
1903. Naissance de sa seconde fille, Louise.
1905. Découverte de la brochure « Qu’est ce que le féminisme » d’Odette Laguerre.
1907. Premiers articles publiés dans les journaux, sous le pseudo de Djénane.
1909. Adhésion à l’UFSF.
1912. Nommée déléguée départementale et régionale de l’UFSF.
1944. Droit de vote accordé aux femmes.
1974. Mort de Marie Le Gac-Salonne.
1975. Dépénalisation de l’avortement en France.
http://www.letelegramme.fr/histoire/bretonnes-d-influence-1-marie-le-gac-salonne-27-02-2018-11868740.php?cx_tag=backfill&cx_navSource=CxRecPourVous&cx_artPos=0#cxrecs_s
Issue d’une famille bourgeoise et catholique finistérienne, Marie Le Gac-Salonne aurait pu vivre une vie de mère au foyer. Mais cette femme, libre d’esprit, s’éprend de la cause des femmes et entre dans le féminisme comme d’autres en religion. Un combat qu'elle mène tout au long de sa vie, dans une Bretagne encore rétive à l’égalité des sexes…
Marie Le Gac-Salonne voit le jour à Morlaix le 1er février 1878, dans une famille bourgeoise. Sa mère, conservatrice et fervente catholique, est femme au foyer. Son père, commerçant en grains, se définit au contraire comme libre-penseur, dreyfusard et républicain de gauche. Si la jeune Marie débute sa scolarité dans une institution religieuse, la bonne élève qu’elle est ne s’épanouit pas dans cet univers où elle suscite la jalousie pour ses bonnes notes, et est rabrouée à cause des opinions politiques de son père.
Ce dernier, qui défend l’instruction des filles, la pousse à poursuivre ses études dans un collège public, contre l’avis de sa mère. « Même s’il espère ardemment que Marie contracte un beau mariage et assume son destin d’épouse et de mère, il est capital à ses yeux qu’elle accomplisse des études pour éduquer au mieux ses enfants et leur transmettre son savoir », explique Isabelle Le Boulanger, historienne qui consacre une biographie à celle qui est l’une des pionnières du féminisme de la région. Une chance dont elle rendra grâce à son père tout au long de sa vie. Malgré son brevet d’études décroché haut la main, Marie ne peut pas passer le baccalauréat, alors uniquement réservé aux garçons. Une chose qu’elle vit comme une profonde injustice et qui sera à l’origine de son militantisme.
Naissance d’une féministe
À 17 ans, elle rêve du grand amour et voit défiler les prétendants. Mais Marie se résigne à un mariage de raison qu'elle vit comme un calvaire. Quant à ses deux grossesses, elle les vit comme une injustice. Cependant, avec le temps, elle s’accommode finalement de ce mari aimant et de ses deux filles. En 1902, la famille quitte Morlaix pour Plancoët dans les Côtes-du-Nord, où Henri vient d’acheter une étude notariale. De son côté, Marie s’occupe de l’éducation des filles. Elle refuse de les scolariser pour leur éviter les influences cléricales dont elle a souffert. Mais si la jeune femme se déclare libre-penseuse, elle continue de fréquenter l’église.
Sa vie de femme au foyer ne suffit pas à combler le manque d’activité intellectuelle, ni la solitude. Marie Le Gac-Salonne trouve alors refuge dans la lecture, qui la conduit « à un bouillonnement de réflexions et d’idées nouvelles… ». Un jour de vacances 1905, alors qu’elle attend un train en gare de Granville, elle tombe sur une brochure féministe. C’est une révélation. « Bien qu’elle n’ait pas été confrontée directement aux injustices faites aux femmes dans le monde du travail, qu’elle ne connaisse aucune féministe et qu’elle soit destinée à une vie tranquille et confortable, Marie Le Gac-Salonne choisit de s’engager, bravant courageusement tous les préjugés », poursuit l’historienne. La Bretonne commence à écrire sous un pseudonyme, à l’insu de son mari. Elle publie une centaine d’articles dans la presse régionale et nationale, dans lesquelles elle expose ses idées et répond aux railleries des anti-féministes.
Une vie de combat
Son engagement prend une autre tournure lorsqu’elle adhère à l’Union française pour le suffrage des femmes (UFSF) dès sa création en 1909. Cela lui permet de rencontrer d’autres militantes de la région, dont elle ignorait jusque-là l’existence. Rapidement, elle se voit dans l’obligation de militer à visage découvert. Elle affronte les regards et les mentalités conservatrices de Plancoët. En 1912, elle devient la déléguée départementale puis régionale de l’UFSF et s’emploie à développer des sections locales.
La Première Guerre mondiale met un coup d’arrêt à la diffusion des idées féministes, mais Marie Le Gac-Salonne relance la dynamique dès 1919. Un travail difficile, avoue-t-elle, «le féminisme étant encore très peu à la mode en Bretagne ». À la pointe de ce combat, elle devient l’une des principales figures de cette cause en Bretagne. Elle participe activement à de nombreux congrès nationaux et internationaux, où elle s’exprime à la tribune.
Durant l’entre-deux-guerres, elle n’aura de cesse de défendre les femmes pour qu’elles aient droit à l’éducation, au vote, au travail et à l’égalité salariale. Elle se bat également pour que celles-ci puissent maîtriser leur maternité, lutte contre les violences conjugales et prône l’avortement en cas de viol… Mais les combats de Marie Le Gac-Salonne ne se cantonnent pas uniquement à la cause féminine. Durant toute sa vie, elle n’aura de cesse de s’occuper des déshérités et de se mobiliser face aux fléaux sociaux comme l’alcoolisme ou la tuberculose, au sein du comité de charité de Plancoët, où elle est écartée un temps en raison de ses activités. Elle s’éteint dans la nuit du 4 décembre 1974, dans sa 97e année, quelques jours seulement après l’ouverture des débats sur l’interruption volontaire de grossesse, à l’Assemblée nationale.
Pour en savoir plus
- « À l’origine du féminisme en Bretagne, Marie Le Gac-Salonne », Isabelle
Le Boulanger, éditions PUR, 2017.
- « Une Féministe bretonne, Marie Le Gac-Salonne, 1878-1974 »,
Pierre Le Buhan, autoédition, 2013.
Notez que le fonds Le Gac-Salonne est consultable librement en salle de lecture des Archives départementales des Côtes-d’Armor.
en complément
+Une famille talentueuse
Dans l’ouvrage qu’elle consacre à Marie Le Gac-Salonne, l’historienne Isabelle Le Boulanger évoque également les réussites de la famille de la pasionaria bretonne.
Henri, ce mari dont elle ne sera jamais amoureuse mais à qui elle restera fidèle toute sa vie, quitte son étude notariale et se reconvertit au début des années 1920 dans la commercialisation de l’eau de la source de Plancoët : « Henri consacre tout son temps à la production de "l’eau de Nazareth" qui l’occupe jusqu’à sa mort, en 1945, à l’âge de 71 ans. Partageant les idées généreuses de son épouse, homme discret et bon, il a été heureux d’offrir un emploi durable à la population locale », note l’historienne.
Du côté des filles du couple, Marie-Paule, l’aînée, se fait très tôt remarquer par son appétence pour la poésie. Sa mère sollicite les conseils d’Edmond Rostand, qui salue le travail de la jeune fille et l’encourage à poursuivre. Elle devient une écrivaine reconnue et publie plusieurs romans et recueils de poésie, salués par la critique, dont certains sont même récompensés par des prix littéraires. Elle s’éteint en 1947, au plus haut de sa gloire littéraire, à l’âge de 45 ans.
Quant à Louise, la cadette, elle se tourne vers les Beaux-Arts. Après une formation à Rennes et à Paris, elle devient professeure de dessin à Saint-Brieuc et organise plusieurs expositions de ses tableaux, huiles et aquarelles, tout en illustrant également plusieurs ouvrages de sa sœur. Les filles de Marie Le Gac-Salonne ne prendront pas le flambeau de la lutte de leur mère. « Vous pensez bien que je ne pensais pas à faire avec elle du prosélytisme. Respectant leur liberté, j’évitais même devant elle d’agiter la question féministe » écrit-elle à une amie.
Sans réelle héritière, la mémoire de cette pionnière du féminisme s’est peu à peu effacée, et la postérité a retenu sa fille aînée…
+Les traces d'une époque
1878. Naissance de Marie Le Gac à Morlaix.
1901. Mariage avec Henri Salonne.
1902. Naissance de sa première fille, Marie-Paule.
1902. Déménagement de la famille à Plancoët.
1903. Naissance de sa seconde fille, Louise.
1905. Découverte de la brochure « Qu’est ce que le féminisme » d’Odette Laguerre.
1907. Premiers articles publiés dans les journaux, sous le pseudo de Djénane.
1909. Adhésion à l’UFSF.
1912. Nommée déléguée départementale et régionale de l’UFSF.
1944. Droit de vote accordé aux femmes.
1974. Mort de Marie Le Gac-Salonne.
1975. Dépénalisation de l’avortement en France.
http://www.letelegramme.fr/histoire/bretonnes-d-influence-1-marie-le-gac-salonne-27-02-2018-11868740.php?cx_tag=backfill&cx_navSource=CxRecPourVous&cx_artPos=0#cxrecs_s
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