Marie et Simone Alizon
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Marie et Simone Alizon
Le 21 février dernier, le Président de la République annonçait officiellement le transfert des cendres de quatre résistants au Panthéon. Deux femmes : Geneviève De Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion figurent aux côtés de Pierre Brossolette et de Jean Zay sur cette liste.
Si la parité est parfaite dans cette nouvelle « panthéonisation » c'est loin d'être le cas pour l'ensemble des personnalités inhumées au sein de l'illustre bâtisse. Sur les soixante-treize « colocataires » du Temple Républicain, seules deux femmes, à ce jour, partagent les honneurs de cette haute distinction post mortem : Marie Curie et Sophie Berthelot.
Et encore, cette dernière ne doit sa place dans le respectable caveau qu'à sa qualité d'épouse de Marcellin Berthelot, chimiste et homme politique entre autres, et qu'au fait que ce dernier, par amour, ne lui survécut qu'une heure. Bonne fille, la Mère Patrie ne souhaita pas séparer les deux conjoints.
Ainsi, l'an prochain le Panthéon abritera soixante-treize hommes et quatre femmes ! Sans doute est-il encore loin le temps où l'on pourra lire au fronton du Républicain Sépulcre : «Aux Grandes Femmes et aux Grands Hommes, la Patrie reconnaissante ».
On les appelait Mariette et Poupette
Dans ce panthéon patronymique que sont les noms des rues dédiées à de célèbres personnages, la Ville de Rennes a déjà célébré Geneviève De Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion par décisions du Conseil Municipal du 2 octobre 2006 pour la première et du 30 mars 2009 pour la seconde.
Ce 8 mars 2014 ce sont deux autres résistantes qui sont honorées par la capitale bretonne. La municipalité de Rennes vient de dévoiler la plaque commémorant la mémoire de « Mariette et Poupette » : Marie et Simone Alizon.
Deux sœurs de sang, deux sœurs d'arme, deux sœurs de larmes.
Pour être précis c'est le prénom de la cadette, Simone, qui viendra rejoindre celui de son aînée gravé depuis 1953 sur la plaque de la voie qui relie la rue Saint Hélier à la rue Alain Gerbault.
Marie et Simone Alizon naissent à Rennes, le 9 mai 1921 pour Marie et le 24 février 1925 pour Simone. Leurs parents tiennent un hôtel. De santé fragile Simone est envoyée en nourrice à la campagne. Elle rejoint sa famille lors des congés scolaires.
En 1935 la famille Alizon emménage dans un hôtel de douze chambres que les parents viennent de faire construire à proximité de la Gare SNCF. Marie après l'obtention de son brevet élémentaire décide de ne pas poursuivre ses études pour aider ses parents à l'hôtel, la santé de la mère de famille étant délicate.
Dès le début de l'occupation les deux sœurs acceptent mal la présence des troupes allemandes.
En 1940 des Bretons, dont Jean Le Roux et Jean Milon, créent un réseau baptisé « Réseau Johnny » qui se donne pour mission de surveiller l'activité des bateaux de guerre allemands qui mouillent dans la rade de Brest. Plusieurs arrestations les obligent à cesser d'émettre depuis le Finistère pour se replier sur Rennes.
1941 : un des responsables du réseau séjourne à l'hôtel Alizon. Il constate, d'une part en entendant la mère de famille se plaindre amèrement de la présence des occupants et d'autre part en remarquant que la situation et la disposition des lieux se prêtent parfaitement à l'installation d'une «planque », que l'hôtel serait un endroit idéal pour abriter un poste émetteur et pour servir d'asile temporaire aux membres du groupe.
Marie accepte de mettre l'établissement à la disposition des résistants. Simone est aussitôt mise au courant. Les deux sœurs peuvent enfin se rendre utiles.
Marie et Simone se mettent à l'écoute de Radio Londres et transmettent les renseignements codés qu'elles entendent à deux opérateurs installés dans une des chambres. De leur côté ces derniers envoient vers Londres un certain nombre de renseignements stratégiques. Marie et un des membres du réseau tombent amoureux l'un de l'autre.
Ensemble jusqu'au bout
Au mois de février 1942 plusieurs résistants appartenant au réseau sont arrêtés. Le « fiancé » de Marie en fait partie. Les parents du jeune homme s'arrangent pour que Marie soit prévenue. Mais elle refuse de fuir afin de ne pas abandonner sa mère de plus en plus malade.
Elle est arrêtée par la police militaire allemande le 13 mars. Simone subira le même sort le 18, alors qu'elle sort de l'hôtel pour se rendre à ses cours. Elle non plus n'a pas voulu quitter sa mère. Les deux sœurs sont transférées à Paris à la prison de la Santé.
Puis ce sera l'incarcération au quartier allemand de la Maison d'Arrêt de Fresnes et, plus tard, au Fort de Romainville aménagé en camp militaire allemand, sinistre zone de transit vers, pour les uns l'exécution, en particulier au Mont Valérien, pour les autres la déportation à destination des camps de concentration.
C'est là qu'elles apprennent la mort de leur mère pendant qu'elles étaient encore à la prison de la Santé.
Le 24 janvier 1943, à l'aube, elles sont déportées vers le camp d'Auschwitz. Elles ne se quitteront plus, se réconfortant l'une l'autre malgré des conditions de détention épouvantables et inhumaines : travail forcé, froid, faim, insalubrité absolue, maladie, violences récurrentes de la part des SS et des kapos...
Le 4 juin 1943 Marie meurt d'épuisement. Bien que désespérée Simone résiste. Elle s'est fixé le but de voir la chute de l'ennemi. Elle connaîtra d'autres camps mais les conditions y seront, toutes proportions gardées, moins terribles que celles infligées à Auschwitz.
En 1945 c'est la libération et le rapatriement vers la France. Le calvaire de Simone aura duré trois ans et trois mois. Elle a 20 ans. Elle épousera Jean Le Roux, l'un des fondateurs du réseau Johnny.
Décorée en 1966 de la Légion d'Honneur, Simone qui aura gardé de graves séquelles de sa déportation, racontera son histoire dans un livre ; « L'exercice de vivre » paru aux éditions Stock en 1996. Elle s'éteint le 24 juillet 2013 et est inhumée au cimetière de l'Est à Rennes.
Philippe KLEIN
Sources : Wikipédia ; Mémoire de Guerre ; Mémoire Vive des convois des 31000 et des 45000 ; Les Français Libres ; Rennes Femmes (Jérôme Moussu) ; Wiki Rennes Métropole
Si la parité est parfaite dans cette nouvelle « panthéonisation » c'est loin d'être le cas pour l'ensemble des personnalités inhumées au sein de l'illustre bâtisse. Sur les soixante-treize « colocataires » du Temple Républicain, seules deux femmes, à ce jour, partagent les honneurs de cette haute distinction post mortem : Marie Curie et Sophie Berthelot.
Et encore, cette dernière ne doit sa place dans le respectable caveau qu'à sa qualité d'épouse de Marcellin Berthelot, chimiste et homme politique entre autres, et qu'au fait que ce dernier, par amour, ne lui survécut qu'une heure. Bonne fille, la Mère Patrie ne souhaita pas séparer les deux conjoints.
Ainsi, l'an prochain le Panthéon abritera soixante-treize hommes et quatre femmes ! Sans doute est-il encore loin le temps où l'on pourra lire au fronton du Républicain Sépulcre : «Aux Grandes Femmes et aux Grands Hommes, la Patrie reconnaissante ».
On les appelait Mariette et Poupette
Dans ce panthéon patronymique que sont les noms des rues dédiées à de célèbres personnages, la Ville de Rennes a déjà célébré Geneviève De Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion par décisions du Conseil Municipal du 2 octobre 2006 pour la première et du 30 mars 2009 pour la seconde.
Ce 8 mars 2014 ce sont deux autres résistantes qui sont honorées par la capitale bretonne. La municipalité de Rennes vient de dévoiler la plaque commémorant la mémoire de « Mariette et Poupette » : Marie et Simone Alizon.
Deux sœurs de sang, deux sœurs d'arme, deux sœurs de larmes.
Pour être précis c'est le prénom de la cadette, Simone, qui viendra rejoindre celui de son aînée gravé depuis 1953 sur la plaque de la voie qui relie la rue Saint Hélier à la rue Alain Gerbault.
Marie et Simone Alizon naissent à Rennes, le 9 mai 1921 pour Marie et le 24 février 1925 pour Simone. Leurs parents tiennent un hôtel. De santé fragile Simone est envoyée en nourrice à la campagne. Elle rejoint sa famille lors des congés scolaires.
En 1935 la famille Alizon emménage dans un hôtel de douze chambres que les parents viennent de faire construire à proximité de la Gare SNCF. Marie après l'obtention de son brevet élémentaire décide de ne pas poursuivre ses études pour aider ses parents à l'hôtel, la santé de la mère de famille étant délicate.
Dès le début de l'occupation les deux sœurs acceptent mal la présence des troupes allemandes.
En 1940 des Bretons, dont Jean Le Roux et Jean Milon, créent un réseau baptisé « Réseau Johnny » qui se donne pour mission de surveiller l'activité des bateaux de guerre allemands qui mouillent dans la rade de Brest. Plusieurs arrestations les obligent à cesser d'émettre depuis le Finistère pour se replier sur Rennes.
1941 : un des responsables du réseau séjourne à l'hôtel Alizon. Il constate, d'une part en entendant la mère de famille se plaindre amèrement de la présence des occupants et d'autre part en remarquant que la situation et la disposition des lieux se prêtent parfaitement à l'installation d'une «planque », que l'hôtel serait un endroit idéal pour abriter un poste émetteur et pour servir d'asile temporaire aux membres du groupe.
Marie accepte de mettre l'établissement à la disposition des résistants. Simone est aussitôt mise au courant. Les deux sœurs peuvent enfin se rendre utiles.
Marie et Simone se mettent à l'écoute de Radio Londres et transmettent les renseignements codés qu'elles entendent à deux opérateurs installés dans une des chambres. De leur côté ces derniers envoient vers Londres un certain nombre de renseignements stratégiques. Marie et un des membres du réseau tombent amoureux l'un de l'autre.
Ensemble jusqu'au bout
Au mois de février 1942 plusieurs résistants appartenant au réseau sont arrêtés. Le « fiancé » de Marie en fait partie. Les parents du jeune homme s'arrangent pour que Marie soit prévenue. Mais elle refuse de fuir afin de ne pas abandonner sa mère de plus en plus malade.
Elle est arrêtée par la police militaire allemande le 13 mars. Simone subira le même sort le 18, alors qu'elle sort de l'hôtel pour se rendre à ses cours. Elle non plus n'a pas voulu quitter sa mère. Les deux sœurs sont transférées à Paris à la prison de la Santé.
Puis ce sera l'incarcération au quartier allemand de la Maison d'Arrêt de Fresnes et, plus tard, au Fort de Romainville aménagé en camp militaire allemand, sinistre zone de transit vers, pour les uns l'exécution, en particulier au Mont Valérien, pour les autres la déportation à destination des camps de concentration.
C'est là qu'elles apprennent la mort de leur mère pendant qu'elles étaient encore à la prison de la Santé.
Le 24 janvier 1943, à l'aube, elles sont déportées vers le camp d'Auschwitz. Elles ne se quitteront plus, se réconfortant l'une l'autre malgré des conditions de détention épouvantables et inhumaines : travail forcé, froid, faim, insalubrité absolue, maladie, violences récurrentes de la part des SS et des kapos...
Le 4 juin 1943 Marie meurt d'épuisement. Bien que désespérée Simone résiste. Elle s'est fixé le but de voir la chute de l'ennemi. Elle connaîtra d'autres camps mais les conditions y seront, toutes proportions gardées, moins terribles que celles infligées à Auschwitz.
En 1945 c'est la libération et le rapatriement vers la France. Le calvaire de Simone aura duré trois ans et trois mois. Elle a 20 ans. Elle épousera Jean Le Roux, l'un des fondateurs du réseau Johnny.
Décorée en 1966 de la Légion d'Honneur, Simone qui aura gardé de graves séquelles de sa déportation, racontera son histoire dans un livre ; « L'exercice de vivre » paru aux éditions Stock en 1996. Elle s'éteint le 24 juillet 2013 et est inhumée au cimetière de l'Est à Rennes.
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