Histoire(s) - Simone Morand
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Histoire(s) - Simone Morand
Le 2 janvier 2002, il fait un froid mordant sur Rennes. Bien que le thermomètre affiche une température de 4.2° à 14 heures, la station de Rennes-St Jacques indique un ressenti de 0.2°.
Les cloches de l'Eglise Toussaint, à deux pas du lycée Emile Zola, où se tint en 1899 le second procès d'Alfred Dreyfus, sonnent le glas.
Sur le parvis le Père Roger Chopin, curé de la paroisse, et le père François Beauchesne, ami de la défunte et curé de Montreuil en Seine-Saint-Denis, accueillent la dépouille de Madame Simone Morand dont le décès est survenu à Saint-Malo le lendemain de Noël.
C'est au son de la bombarde et du biniou koz que le cortège funèbre fait son entrée dans l'église. Mais qui est Madame Simone Morand dont les obsèques rassemblent musiciens, danseurs, personnalités de la gastronomie, de la littérature, élus, amis, curieux ?
Un coup d'œil sur les avis d'obsèques parus quelques jours plus tôt dans Ouest-France donne une idée de la vie de celle qui effectue son ultime voyage en cette froide journée :
Nous avons la douleur de vous faire part du décès de
Madame Simone MORAND
Veuve PETIT de VOIZE
Ecrivain,
Ancien conservateur
De l'Ecomusée de Montfort,
Présidente du Conservatoire
Des Arts culinaires de Bretagne,
Présidente d'honneur et fondatrice
Du groupe gallo-breton de Rennes,
Erudite,
Spécialiste des Arts
et Traditions Populaires
de Haute-Bretagne,
Fondatrice de la Confrérie
des Vielleux de Bretagne,
Haut dignitaire de la Confrérie
de la Frigousse
... Et encore cette énumération n'est pas exhaustive !
On aurait pu y ajouter, sans que pour autant l'énumération soit complète : fondatrice de l'association des amis de Paul Féval, vice-présidente de l'association des écrivains bretons et de l'association des écrivains de l'ouest, inventrice de la « godinette* » ...
Une cicatrice qui vaut de l'or
Simone est née à Rennes le 5 janvier 1914. Joseph et Marthe Morand, ses parents, ont quitté, peu de temps avant, Dol pour emménager dans une maison au 5 de l'avenue du Mail** de la capitale bretonne.
Joseph qui jusqu'à son arrivée à Rennes était le directeur-fondateur de la toute première et toute nouvelle usine électrique du département change totalement d'activité et ouvre un magasin de machines agricoles et de montage de vélos. Sa femme se lance, avec ses filles aînées dans la confection de corsets et de lingerie féminine.
Simone est la quatrième fille de la famille Morand. Elle a quatre ou cinq ans quand elle tombe malade. On diagnostique une adénite (inflammation des ganglions).
A quelques pas du domicile des Morand se trouve la clinique d'un médecin, le docteur Follet, ami de la famille et directeur de l'école de médecine de Rennes. On décide d'y traiter Simone par rayons afin d'éviter des cicatrices disgracieuses conséquences inesthétiques d'une opération. Le traitement choisi impose de nombreuses séances.
Tout se passe bien jusqu'au jour où le docteur Follet étant absent de la clinique, c'est un homme en blouse blanche qui prend en charge l'enfant. Plus adepte du bistouri que de la radiothérapie, il opère la fillette malgré les protestations de l'infirmière présente.
On se doute que cet acte plus proche de la boucherie que de la médecine douce met monsieur Morand dans une rage folle. Et l'identité du maniaque au scalpel le laisse de glace. Il s'agit d'un étudiant à la faculté de médecine de Rennes, gendre du malheureux Follet qui pour sa part doit subir les foudres de Joseph.
Voilà donc Simone affligée des stigmates dont on avait voulu la préserver. L'anecdote ne présenterait qu'un intérêt tout à fait relatif si deux détails n'en rehaussaient le piquant.
D'abord le carabin : il s'agit d'un certain Louis-Ferdinand Destouches. Celui-ci soutiendra sa thèse de doctorat en 1924, mais plus que le médecin c'est l'écrivain qui sera mondialement reconnu sous le nom de : Louis-Ferdinand Céline.
Deuxième anecdote qui découle de la première : bien des années plus tard Simone participe à une réunion d'écrivains parmi lesquels figurent des admirateurs inconditionnels de l'auteur du « Voyage au bout de la nuit ».
L'un d'entre eux, connaissant l'épisode médical relaté plus haut, fait à Simone une proposition des plus ahurissantes. Il se dit prêt à acheter la cicatrice laissée par l'intervention malheureuse de l'écrivain/médecin.
Bien entendu Simone refusera poliment l'étrange offre mais elle en rira longtemps. Toujours est-il qu'une autre conséquence de ce malheureux épisode médical pour la jeune Simone est la prescription d'une vie au grand air de la campagne afin de hâter la guérison.
Joseph décide alors de louer une maison à Betton, bourg situé à neuf kilomètres de Rennes. Marthe quant à elle se relève difficilement d'une opération. Ainsi la mère et la fille partent s'installer dans la maison de campagne tandis que le reste de la famille reste en ville.
Pour Simone le monde rural est une découverte dont elle ne se lassera jamais.
Chants, danses et musique
Très vite Simone affiche son don pour la musique. Il faut bien dire que dans la famille Morand la culture et l'art sous toutes ses formes ont droit de citer. Et il est fréquent que la famille se retrouve autour d'un délicieux repas concocté par la grand-mère, le père ou la tante de l'enfant. Et que tout ça se termine en chansons.
On verra plus loin que ce goût familial de la bonne table décidera d'une vocation supplémentaire de Simone. Pour le moment c'est la musique qui la passionne.
A 12 ans elle est acceptée au conservatoire. Elle s'y fait remarquer et commence à rêver d'une carrière musicale. A 15 ans elle donne ses premières leçons de musique. C'est en 1933 qu'elle sort du conservatoire de Rennes, son premier prix en poche.
Les Morand quittent leur campagne de Betton et achètent une maison à La Mézière. C'est là que Simone a une révélation. Elle découvre, ce qu'on ne lui enseigne pas au conservatoire : les chants et les musiques traditionnelles. « En avant-deux », polkas piquées, chants à danser, chants à la marche... envoûtent la jeune fille.
Elle prend alors conscience de la fragilité du patrimoine culturel qu'elle découvre, et elle décide d'agir. Avec Suzanne, sa sœur, Simone parcourt en vélo la campagne environnante. Interrogeant au gré des rencontres les gens sur les chansons traditionnelles qu'ils connaissent, les deux sœurs collectent une mine d'informations.
Le magnétophone, bien qu'il fût imaginé au 19ème siècle, ne sera réellement adopté par le grand public que dans les années 50. Faute de cet appareil, dont elles ignorent sans doute l'existence confidentielle, les jeunes femmes utilisent une méthode peut-être artisanale mais non moins efficace. Suzanne note les paroles tandis que Simone dont « l'oreille » est parfaite retranscrit sur ses cahiers de musique les mélodies que lui chantonnent les personnes qu'elles questionnent.
En 1936 elle publie un premier recueil : « Chansons recueillies en Ille et Vilaine » suivi deux ans plus tard d'un second opuscule : « Chansons de Haute-Bretagne ».
Mais son séjour à La Mézière lui permet de faire une autre découverte. Une voisine, Rosalie Cheminet, lui apprend divers pas de danse, filer au rouet, et lui prépare des plats typiques de la région. Mais surtout la vieille demoiselle lui offre une très jolie coiffe bretonne qui a appartenu à sa grand-mère et qui date de 1885.
Simone avait découvert les traditions musicales du pays gallo, Rosalie lui révèle l'héritage vestimentaire et culinaire de la culture gallèse. Elle ne l'oubliera jamais.
Conservatoire et maternité
En 1937 Simone, toujours animée par le souci de promouvoir la culture de Haute-Bretagne, crée le « Groupe Gallo-Breton ». Bien sûr elle rencontre au début une farouche opposition de certains qui estiment que seule la culture de Basse-Bretagne - langue, musique et costumes - est digne de représenter le patrimoine armoricain. Aussi les premières prestations du groupe sont surtout saluées par des jets d'œufs et de tomates !
Pour vivre la jeune femme donne des cours de violons au conservatoire de Rennes, organise pour le compte de plusieurs associations des concerts, accompagne au piano des artistes de théâtre, des chansonniers, des chanteurs d'opérette, d'opéra. Elle sera même accompagnatrice de cinéma muet.
Lorsque la guerre éclate Simone devient, comme beaucoup d'autres, marraine de guerre***. Elle choisit pour filleul un aristocrate qu'elle a rencontré au groupe Gallo-Breton : Albert Petit de Voize.
Cultivé, musicien, aimant le théâtre, il séduit la jeune femme. Ils se marient le 1er mai 1942 en la cathédrale de Rennes. De cette union naîtront quatre enfants : Patrice, Armelle, Yves et Anne-Françoise, dite Nanon, la plus jeune en 1949. Yves Petit de Voize deviendra, entre autres choses, responsable du Festival des Arcs, du Festival de Montreux, créateur du Festival de musique de chambre de Deauville, rédacteur en chef de la revue « Diapason », chargé de l'accueil et de la promotion des jeunes artistes et de la jeune musique au sein de la fondation Singer Polignac.
En 1958 Simone quitte Rennes pour s'installer à Quimper où elle a été engagée comme professeure au conservatoire. C'est là qu'elle aura pour élève un certain Daniel Le Bras plus connu aujourd'hui sous le nom de Dan Ar Braz.
Gastronomie d'hier et d'aujourd'hui
Des années auparavant, alors qu'elle vivait encore à La Mézière, Simone avait commencé la rédaction d'un recueil de recettes. Elle profite de son séjour quimpérois pour reprendre l'ouvrage. En 1965 parait : « Gastronomie Bretonne d'hier et d'aujourd'hui ». Suivront, en 1970 : « Gastronomie Normande d'hier et d'aujourd'hui » toujours chez Flammarion. « Cuisine populaire de Bretagne » aux Editions Jos Le Doaré sort en 1981. Quatre ans plus tard chez le même éditeur Simone fait paraître «Crêpes et Galettes en Bretagne » En 1996 les Editions Ouest-France publient « Cuisine du temps jadis. Moyen Age et Renaissance » ...
Outre ces traités culinaires, Simone écrit et fait éditer un nombre important d'ouvrages sur la chanson, les coiffes et les costumes de Bretagne. Elle crée en mars 1980 l'Ecomusée de Montfort.
Le 28 septembre 1996, au côté de Jean-Louis Tourenne, Maire de La Mézière, elle inaugurera la rue, du moins la « veyette**** » qui porte son nom. Elle s'éteint le 26 décembre 2001 à Saint-Malo.
Par délibération du Conseil Municipal de Rennes du 7 octobre 2002 il est décidé de la dénomination « Simone Morand » d'un square qui se situera à proximité de la Route de Lorient, à l'emplacement de l'ancien magasin Leclerc. Il sera inauguré le 8 septembre 2007.
La vie de Simone Morand fut d'une richesse exceptionnelle. Il est impossible d'en faire ici un récit exhaustif. Aussi nous ne saurions que trop inciter nos lecteurs et lectrices à consulter le très complet et très intéressant ouvrage de Christian Martin : « Simone Morand. La culture Bretonne en héritage » paru en 2012 aux éditions Coop Breizh et qui a largement inspiré les lignes qui précèdent.
Philippe KLEIN
Notes :
* - La Godinette (à consommer avec modération) est une boisson à base d'eau de vie de cidre, de muscadet et de fruits macérés. Elle fut imaginée par Simone à l'occasion des fêtes gallèses de Monterfil.
** - Aujourd'hui Mail François Mitterrand
***- Il s'agit de femmes ou de jeunes filles qui entretiennent des correspondances avec des soldats au front durant la première guerre mondiale afin de les soutenir.
****- Petite rue en gallo
Sources :
"Simone Morand. La culture bretonne en héritage" de Christian Marin aux Editions Coop Breizh.
Wiki Rennes.
Wikipédia.
Les blogs qobuz : Les têtes de l'art.
Les cloches de l'Eglise Toussaint, à deux pas du lycée Emile Zola, où se tint en 1899 le second procès d'Alfred Dreyfus, sonnent le glas.
Sur le parvis le Père Roger Chopin, curé de la paroisse, et le père François Beauchesne, ami de la défunte et curé de Montreuil en Seine-Saint-Denis, accueillent la dépouille de Madame Simone Morand dont le décès est survenu à Saint-Malo le lendemain de Noël.
C'est au son de la bombarde et du biniou koz que le cortège funèbre fait son entrée dans l'église. Mais qui est Madame Simone Morand dont les obsèques rassemblent musiciens, danseurs, personnalités de la gastronomie, de la littérature, élus, amis, curieux ?
Un coup d'œil sur les avis d'obsèques parus quelques jours plus tôt dans Ouest-France donne une idée de la vie de celle qui effectue son ultime voyage en cette froide journée :
Nous avons la douleur de vous faire part du décès de
Madame Simone MORAND
Veuve PETIT de VOIZE
Ecrivain,
Ancien conservateur
De l'Ecomusée de Montfort,
Présidente du Conservatoire
Des Arts culinaires de Bretagne,
Présidente d'honneur et fondatrice
Du groupe gallo-breton de Rennes,
Erudite,
Spécialiste des Arts
et Traditions Populaires
de Haute-Bretagne,
Fondatrice de la Confrérie
des Vielleux de Bretagne,
Haut dignitaire de la Confrérie
de la Frigousse
... Et encore cette énumération n'est pas exhaustive !
On aurait pu y ajouter, sans que pour autant l'énumération soit complète : fondatrice de l'association des amis de Paul Féval, vice-présidente de l'association des écrivains bretons et de l'association des écrivains de l'ouest, inventrice de la « godinette* » ...
Une cicatrice qui vaut de l'or
Simone est née à Rennes le 5 janvier 1914. Joseph et Marthe Morand, ses parents, ont quitté, peu de temps avant, Dol pour emménager dans une maison au 5 de l'avenue du Mail** de la capitale bretonne.
Joseph qui jusqu'à son arrivée à Rennes était le directeur-fondateur de la toute première et toute nouvelle usine électrique du département change totalement d'activité et ouvre un magasin de machines agricoles et de montage de vélos. Sa femme se lance, avec ses filles aînées dans la confection de corsets et de lingerie féminine.
Simone est la quatrième fille de la famille Morand. Elle a quatre ou cinq ans quand elle tombe malade. On diagnostique une adénite (inflammation des ganglions).
A quelques pas du domicile des Morand se trouve la clinique d'un médecin, le docteur Follet, ami de la famille et directeur de l'école de médecine de Rennes. On décide d'y traiter Simone par rayons afin d'éviter des cicatrices disgracieuses conséquences inesthétiques d'une opération. Le traitement choisi impose de nombreuses séances.
Tout se passe bien jusqu'au jour où le docteur Follet étant absent de la clinique, c'est un homme en blouse blanche qui prend en charge l'enfant. Plus adepte du bistouri que de la radiothérapie, il opère la fillette malgré les protestations de l'infirmière présente.
On se doute que cet acte plus proche de la boucherie que de la médecine douce met monsieur Morand dans une rage folle. Et l'identité du maniaque au scalpel le laisse de glace. Il s'agit d'un étudiant à la faculté de médecine de Rennes, gendre du malheureux Follet qui pour sa part doit subir les foudres de Joseph.
Voilà donc Simone affligée des stigmates dont on avait voulu la préserver. L'anecdote ne présenterait qu'un intérêt tout à fait relatif si deux détails n'en rehaussaient le piquant.
D'abord le carabin : il s'agit d'un certain Louis-Ferdinand Destouches. Celui-ci soutiendra sa thèse de doctorat en 1924, mais plus que le médecin c'est l'écrivain qui sera mondialement reconnu sous le nom de : Louis-Ferdinand Céline.
Deuxième anecdote qui découle de la première : bien des années plus tard Simone participe à une réunion d'écrivains parmi lesquels figurent des admirateurs inconditionnels de l'auteur du « Voyage au bout de la nuit ».
L'un d'entre eux, connaissant l'épisode médical relaté plus haut, fait à Simone une proposition des plus ahurissantes. Il se dit prêt à acheter la cicatrice laissée par l'intervention malheureuse de l'écrivain/médecin.
Bien entendu Simone refusera poliment l'étrange offre mais elle en rira longtemps. Toujours est-il qu'une autre conséquence de ce malheureux épisode médical pour la jeune Simone est la prescription d'une vie au grand air de la campagne afin de hâter la guérison.
Joseph décide alors de louer une maison à Betton, bourg situé à neuf kilomètres de Rennes. Marthe quant à elle se relève difficilement d'une opération. Ainsi la mère et la fille partent s'installer dans la maison de campagne tandis que le reste de la famille reste en ville.
Pour Simone le monde rural est une découverte dont elle ne se lassera jamais.
Chants, danses et musique
Très vite Simone affiche son don pour la musique. Il faut bien dire que dans la famille Morand la culture et l'art sous toutes ses formes ont droit de citer. Et il est fréquent que la famille se retrouve autour d'un délicieux repas concocté par la grand-mère, le père ou la tante de l'enfant. Et que tout ça se termine en chansons.
On verra plus loin que ce goût familial de la bonne table décidera d'une vocation supplémentaire de Simone. Pour le moment c'est la musique qui la passionne.
A 12 ans elle est acceptée au conservatoire. Elle s'y fait remarquer et commence à rêver d'une carrière musicale. A 15 ans elle donne ses premières leçons de musique. C'est en 1933 qu'elle sort du conservatoire de Rennes, son premier prix en poche.
Les Morand quittent leur campagne de Betton et achètent une maison à La Mézière. C'est là que Simone a une révélation. Elle découvre, ce qu'on ne lui enseigne pas au conservatoire : les chants et les musiques traditionnelles. « En avant-deux », polkas piquées, chants à danser, chants à la marche... envoûtent la jeune fille.
Elle prend alors conscience de la fragilité du patrimoine culturel qu'elle découvre, et elle décide d'agir. Avec Suzanne, sa sœur, Simone parcourt en vélo la campagne environnante. Interrogeant au gré des rencontres les gens sur les chansons traditionnelles qu'ils connaissent, les deux sœurs collectent une mine d'informations.
Le magnétophone, bien qu'il fût imaginé au 19ème siècle, ne sera réellement adopté par le grand public que dans les années 50. Faute de cet appareil, dont elles ignorent sans doute l'existence confidentielle, les jeunes femmes utilisent une méthode peut-être artisanale mais non moins efficace. Suzanne note les paroles tandis que Simone dont « l'oreille » est parfaite retranscrit sur ses cahiers de musique les mélodies que lui chantonnent les personnes qu'elles questionnent.
En 1936 elle publie un premier recueil : « Chansons recueillies en Ille et Vilaine » suivi deux ans plus tard d'un second opuscule : « Chansons de Haute-Bretagne ».
Mais son séjour à La Mézière lui permet de faire une autre découverte. Une voisine, Rosalie Cheminet, lui apprend divers pas de danse, filer au rouet, et lui prépare des plats typiques de la région. Mais surtout la vieille demoiselle lui offre une très jolie coiffe bretonne qui a appartenu à sa grand-mère et qui date de 1885.
Simone avait découvert les traditions musicales du pays gallo, Rosalie lui révèle l'héritage vestimentaire et culinaire de la culture gallèse. Elle ne l'oubliera jamais.
Conservatoire et maternité
En 1937 Simone, toujours animée par le souci de promouvoir la culture de Haute-Bretagne, crée le « Groupe Gallo-Breton ». Bien sûr elle rencontre au début une farouche opposition de certains qui estiment que seule la culture de Basse-Bretagne - langue, musique et costumes - est digne de représenter le patrimoine armoricain. Aussi les premières prestations du groupe sont surtout saluées par des jets d'œufs et de tomates !
Pour vivre la jeune femme donne des cours de violons au conservatoire de Rennes, organise pour le compte de plusieurs associations des concerts, accompagne au piano des artistes de théâtre, des chansonniers, des chanteurs d'opérette, d'opéra. Elle sera même accompagnatrice de cinéma muet.
Lorsque la guerre éclate Simone devient, comme beaucoup d'autres, marraine de guerre***. Elle choisit pour filleul un aristocrate qu'elle a rencontré au groupe Gallo-Breton : Albert Petit de Voize.
Cultivé, musicien, aimant le théâtre, il séduit la jeune femme. Ils se marient le 1er mai 1942 en la cathédrale de Rennes. De cette union naîtront quatre enfants : Patrice, Armelle, Yves et Anne-Françoise, dite Nanon, la plus jeune en 1949. Yves Petit de Voize deviendra, entre autres choses, responsable du Festival des Arcs, du Festival de Montreux, créateur du Festival de musique de chambre de Deauville, rédacteur en chef de la revue « Diapason », chargé de l'accueil et de la promotion des jeunes artistes et de la jeune musique au sein de la fondation Singer Polignac.
En 1958 Simone quitte Rennes pour s'installer à Quimper où elle a été engagée comme professeure au conservatoire. C'est là qu'elle aura pour élève un certain Daniel Le Bras plus connu aujourd'hui sous le nom de Dan Ar Braz.
Gastronomie d'hier et d'aujourd'hui
Des années auparavant, alors qu'elle vivait encore à La Mézière, Simone avait commencé la rédaction d'un recueil de recettes. Elle profite de son séjour quimpérois pour reprendre l'ouvrage. En 1965 parait : « Gastronomie Bretonne d'hier et d'aujourd'hui ». Suivront, en 1970 : « Gastronomie Normande d'hier et d'aujourd'hui » toujours chez Flammarion. « Cuisine populaire de Bretagne » aux Editions Jos Le Doaré sort en 1981. Quatre ans plus tard chez le même éditeur Simone fait paraître «Crêpes et Galettes en Bretagne » En 1996 les Editions Ouest-France publient « Cuisine du temps jadis. Moyen Age et Renaissance » ...
Outre ces traités culinaires, Simone écrit et fait éditer un nombre important d'ouvrages sur la chanson, les coiffes et les costumes de Bretagne. Elle crée en mars 1980 l'Ecomusée de Montfort.
Le 28 septembre 1996, au côté de Jean-Louis Tourenne, Maire de La Mézière, elle inaugurera la rue, du moins la « veyette**** » qui porte son nom. Elle s'éteint le 26 décembre 2001 à Saint-Malo.
Par délibération du Conseil Municipal de Rennes du 7 octobre 2002 il est décidé de la dénomination « Simone Morand » d'un square qui se situera à proximité de la Route de Lorient, à l'emplacement de l'ancien magasin Leclerc. Il sera inauguré le 8 septembre 2007.
La vie de Simone Morand fut d'une richesse exceptionnelle. Il est impossible d'en faire ici un récit exhaustif. Aussi nous ne saurions que trop inciter nos lecteurs et lectrices à consulter le très complet et très intéressant ouvrage de Christian Martin : « Simone Morand. La culture Bretonne en héritage » paru en 2012 aux éditions Coop Breizh et qui a largement inspiré les lignes qui précèdent.
Philippe KLEIN
Notes :
* - La Godinette (à consommer avec modération) est une boisson à base d'eau de vie de cidre, de muscadet et de fruits macérés. Elle fut imaginée par Simone à l'occasion des fêtes gallèses de Monterfil.
** - Aujourd'hui Mail François Mitterrand
***- Il s'agit de femmes ou de jeunes filles qui entretiennent des correspondances avec des soldats au front durant la première guerre mondiale afin de les soutenir.
****- Petite rue en gallo
Sources :
"Simone Morand. La culture bretonne en héritage" de Christian Marin aux Editions Coop Breizh.
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