Au Japon, il faut la permission de son patron pour tomber enceinte
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Au Japon, il faut la permission de son patron pour tomber enceinte
mardi 5 juin 2018 ouest france
Imaginez devoir demander l’autorisation à votre supérieur avant de fonder une famille… Cela vous paraît insensé ? C’est pourtant le quotidien des Japonaises, contraintes de respecter un « calendrier de grossesse », établi par leur employeur, afin d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise.
Chacune son tour et le fonctionnement du service ne sera pas perturbé : alors que le Japon souffre d’une dénatalité de plus en plus pénalisante, des femmes se voient imposer par leur supérieur hiérarchique un calendrier de grossesse, en toute impunité. Sayako * est puéricultrice de crèche depuis 16 ans. Elle se souvient du choc qui fut le sien lorsque sa hiérarchie a tenté de la dissuader d’avoir un deuxième enfant, alors qu’elle avait consulté un médecin pour un problème d’infertilité.
« Pourquoi ne faites-vous pas une pause, puisque vous en avez déjà un ? », lui a-t-on dit, en ajoutant qu’une autre femme de son service, plus âgée et récemment mariée, était prioritaire. « Je suis restée bouche bée, confie cette Japonaise de 35 ans, qui a finalement changé de travail et vient d’avoir une fille. Je me serais excusée je pense, si j’étais restée et tombée enceinte. »
Cette pratique de fixer un ordre pour les grossesses, qui ne choque pas nécessairement tous les Japonais, a été récemment dénoncée, via une lettre au quotidien Mainichi Shimbun, par le mari d’une puéricultrice qui avait eu le « malheur » de tomber enceinte, grillant la priorité à une de ses collègues. Le couple avait dû s’excuser auprès de la directrice de la crèche. « Comment avez-vous osé contourner le règlement sans demander la permission ? », s’est fâchée l’intéressée.
Sentiment de culpabilité
« Ce n’est pas si rare, c’est une pratique courante dans les lieux de travail où œuvrent des jeunes femmes. Elles ne trouvent pas cela injuste, elles culpabilisent plutôt à l’idée de s’absenter pour cause de maternité », explique Kanako Amano de l’institut de recherche NLI.
De nombreuses femmes choisissent donc de renoncer à leur désir de fonder une famille ou alors démissionnent quand elles tombent enceintes. « Aussi bien les femmes que les hommes estiment que le lieu de travail appartient aux hommes et qu’il est naturel que les femmes le quittent durant leur grossesse », souligne-t-elle.
Selon les récentes études, 40 % des Japonais pensent que le rôle des femmes est de « gérer la maison », celui des hommes de « travailler à l’extérieur ». Les opinions contraires tendent certes à augmenter, mais lentement. Et la chercheuse d’ajouter que « le fait d’attendre son tour pour tomber enceinte a joué dans la dénatalité » dont souffre le Japon depuis des décennies.
La pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, dont ceux de la prise en charge des tout petits et des personnes âgées ou encore le milieu hospitalier, rend « inévitable » le fait que les femmes attendent leur tour pour débuter une grossesse, juge Naoki Sakasai, responsable de l’Institut de recherche sur la petite enfance et l’éducation.
« Pour le bien commun »
De telles dispositions sont illégales au regard de la Constitution, mais elles restent verbales, rarement dénoncées et toujours impunies. Les victimes ne prennent souvent pas le risque d’en parler, même aux syndicats. La situation ne s’améliore pas quand les jeunes mamans reviennent en poste, si elles reviennent, car plus de la moitié abandonnent leur travail.
« Lorsque j’ai demandé une formation pour une future promotion, ma supérieure m’a dit : vous avez pris un congé maternité, vous travaillez à horaires réduits, et en plus vous voulez une formation. Et puis quoi encore ? », se rappelle Mayu*.
« J’ai entendu cela trois fois en cinq ans, de la part de différents chefs », ajoute-t-elle.
Selon cette quadragénaire, le fait de travailler moins longtemps pour pouvoir s’occuper de son enfant a « ruiné la carrière qu’elle imaginait », tout en soulignant que les femmes qui occupent des postes d’encadrement ont souvent renoncé à procréer.
Laisser les bébés pleurer en public
Moins d’un million de nouveau-nés ont été enregistrés l’an passé au Japon, un total qui représente la moitié de celui d’il y a 50 ans, alors que la population était moins importante. C’est un véritable changement de culture qui est nécessaire pour inverser la tendance, insiste Mme Amano.
t le changement de mentalité ne doit pas se faire qu’au travail pour revitaliser la natalité de l’archipel. Les familles sont mal perçues dans l’espace public et les parents subissent une réelle pression pour que leurs enfants restent calmes dans l’espace public. Certains commerces, en effet, n’hésitent pas à afficher des panneaux enjoignant à faire taire les bébés qui pleurent.
Treize gouverneurs japonais semblent avoir pris conscience du problème et viennent de lancer une campagne « Week-end Love Babies Project ». Selon The Telegraph, l’opération vise à inciter la population à autoriser les bébés à pleurer en public. Les commerces et restaurants sont invités à afficher des panneaux : « C’est OK de pleurer ». Leur objectif : rendre la société japonaise plus accueillante pour les familles.
*Les prénoms ont été changés.
Imaginez devoir demander l’autorisation à votre supérieur avant de fonder une famille… Cela vous paraît insensé ? C’est pourtant le quotidien des Japonaises, contraintes de respecter un « calendrier de grossesse », établi par leur employeur, afin d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise.
Chacune son tour et le fonctionnement du service ne sera pas perturbé : alors que le Japon souffre d’une dénatalité de plus en plus pénalisante, des femmes se voient imposer par leur supérieur hiérarchique un calendrier de grossesse, en toute impunité. Sayako * est puéricultrice de crèche depuis 16 ans. Elle se souvient du choc qui fut le sien lorsque sa hiérarchie a tenté de la dissuader d’avoir un deuxième enfant, alors qu’elle avait consulté un médecin pour un problème d’infertilité.
« Pourquoi ne faites-vous pas une pause, puisque vous en avez déjà un ? », lui a-t-on dit, en ajoutant qu’une autre femme de son service, plus âgée et récemment mariée, était prioritaire. « Je suis restée bouche bée, confie cette Japonaise de 35 ans, qui a finalement changé de travail et vient d’avoir une fille. Je me serais excusée je pense, si j’étais restée et tombée enceinte. »
Cette pratique de fixer un ordre pour les grossesses, qui ne choque pas nécessairement tous les Japonais, a été récemment dénoncée, via une lettre au quotidien Mainichi Shimbun, par le mari d’une puéricultrice qui avait eu le « malheur » de tomber enceinte, grillant la priorité à une de ses collègues. Le couple avait dû s’excuser auprès de la directrice de la crèche. « Comment avez-vous osé contourner le règlement sans demander la permission ? », s’est fâchée l’intéressée.
Sentiment de culpabilité
« Ce n’est pas si rare, c’est une pratique courante dans les lieux de travail où œuvrent des jeunes femmes. Elles ne trouvent pas cela injuste, elles culpabilisent plutôt à l’idée de s’absenter pour cause de maternité », explique Kanako Amano de l’institut de recherche NLI.
De nombreuses femmes choisissent donc de renoncer à leur désir de fonder une famille ou alors démissionnent quand elles tombent enceintes. « Aussi bien les femmes que les hommes estiment que le lieu de travail appartient aux hommes et qu’il est naturel que les femmes le quittent durant leur grossesse », souligne-t-elle.
Selon les récentes études, 40 % des Japonais pensent que le rôle des femmes est de « gérer la maison », celui des hommes de « travailler à l’extérieur ». Les opinions contraires tendent certes à augmenter, mais lentement. Et la chercheuse d’ajouter que « le fait d’attendre son tour pour tomber enceinte a joué dans la dénatalité » dont souffre le Japon depuis des décennies.
La pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, dont ceux de la prise en charge des tout petits et des personnes âgées ou encore le milieu hospitalier, rend « inévitable » le fait que les femmes attendent leur tour pour débuter une grossesse, juge Naoki Sakasai, responsable de l’Institut de recherche sur la petite enfance et l’éducation.
« Pour le bien commun »
De telles dispositions sont illégales au regard de la Constitution, mais elles restent verbales, rarement dénoncées et toujours impunies. Les victimes ne prennent souvent pas le risque d’en parler, même aux syndicats. La situation ne s’améliore pas quand les jeunes mamans reviennent en poste, si elles reviennent, car plus de la moitié abandonnent leur travail.
« Lorsque j’ai demandé une formation pour une future promotion, ma supérieure m’a dit : vous avez pris un congé maternité, vous travaillez à horaires réduits, et en plus vous voulez une formation. Et puis quoi encore ? », se rappelle Mayu*.
« J’ai entendu cela trois fois en cinq ans, de la part de différents chefs », ajoute-t-elle.
Selon cette quadragénaire, le fait de travailler moins longtemps pour pouvoir s’occuper de son enfant a « ruiné la carrière qu’elle imaginait », tout en soulignant que les femmes qui occupent des postes d’encadrement ont souvent renoncé à procréer.
Laisser les bébés pleurer en public
Moins d’un million de nouveau-nés ont été enregistrés l’an passé au Japon, un total qui représente la moitié de celui d’il y a 50 ans, alors que la population était moins importante. C’est un véritable changement de culture qui est nécessaire pour inverser la tendance, insiste Mme Amano.
t le changement de mentalité ne doit pas se faire qu’au travail pour revitaliser la natalité de l’archipel. Les familles sont mal perçues dans l’espace public et les parents subissent une réelle pression pour que leurs enfants restent calmes dans l’espace public. Certains commerces, en effet, n’hésitent pas à afficher des panneaux enjoignant à faire taire les bébés qui pleurent.
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*Les prénoms ont été changés.
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