1974. La planche à voile arrive par la Bretagne
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1974. La planche à voile arrive par la Bretagne
Publié le 01 juillet 2018 à 09h00
Championnat du Finistère de planche à voile à Crozon, en 1983. (Archives Le Télégramme)
Créée au milieu des années 1960 aux États-Unis, la planche à voile va trouver de nombreux adeptes dans l’Hexagone dix ans plus tard. C’est notamment en Bretagne que cette nouvelle pratique se développe et se démocratise, au point d’en faire l’un des sports les plus populaires de la fin du XXe siècle.
La planche à voile est américaine. Elle est née de l’imagination de Newman Darby en 1964. Ce surfeur de Pennsylvanie monte un mât et une voile sur une planche. Assez rudimentaire, ce prototype est amélioré par les Californiens Jim Drake et Hoyle Schweitzer quatre ans plus tard. Les deux compères - le premier est ingénieur aéronautique, le second surfeur - imaginent un gréement original qui vient se fixer sur la planche de surf, permettant à la voile de basculer d’avant en arrière et ainsi au véliplanchiste de se diriger. Le tout est complété par une dérive placée en dessous de la planche, au centre, pour assurer la stabilité. Ils baptisent leur trouvaille Windsurf, et déposent la marque Windsurfer aux États-Unis, mais aussi dans deux pays d’Europe, en Allemagne et en Grande-Bretagne, négligeant la France.
Si le principe est révolutionnaire, la pratique reste très confidentielle. En 1973, la société hollandaise Ten Cate achète la licence Windsurfer pour le vieux continent et commence à importer les premiers modèles. Un modèle est présenté pour la première fois au Salon nautique de Paris cette année-là, sans pour autant déchaîner les passions.
Une renaissance
C’est pourtant lors de ce salon que Patrick Carn, un Breton de Bénodet, est subjugué par la pratique : « J’avais été étonné de cette nouvelle manière de se déplacer sur l’eau, étant attiré par toutes les formes de voile de manière générale. Et je n’ai cessé de tourner durant tout le salon autour de ce matériel ! », explique l’intéressé, dans un reportage de l’émission « Thalassa » en 1983. La compagnie hollandaise lui propose de représenter la marque en France, et c’est ainsi que les premières planches à voile apparaissent un an plus tard sur les plages du sud de la Bretagne, entre Loctudy et la Trinité-sur-Mer. « Pendant trois ans, j’ai prêché dans le désert. Entre 1973 et 1975, on ne croyait pas du tout à cet engin-là comme un engin nautique et encore moins de sport… », poursuit Patrick Carn.
Pourtant, la planche à voile trouve peu à peu ses adeptes. Comme la marque américaine n’a pas déposé de brevets en France, les petits fabricants copient la Windsurf et ce nouveau sport se développe peu à peu sur le littoral français.
« On estime à 280 le nombre de flotteurs vendus en France en 1974 (au salon nautique), à 14 600 en 1978 (chiffres des constructeurs) et au double l’année suivante », précise le sociologue Denis Jallat. Contrairement aux autres pays européens, la France connaît à la fin des années 1970 un engouement sans précédent pour la planche à voile ; non pas pour son côté compétition, mais bien pour son côté ludique de sport de plage.
Une démocratisation partie de la Bretagne
L’invention de la planche à voile est, au même titre que celle de la bicyclette à la fin du XIXe siècle, une révolution sociale, technique et culturelle, explique le sociologue Philippe Lacombe. […] Aucun engin préexistant ne permettait d’aller ainsi sur l’eau, seul, de s’y déplacer debout et rapidement. […] Certains auteurs considèrent que l’engin est une totale innovation, dont les racines s’inscrivent dans le mouvement de contre-culture américain des années soixante ». Une invention qui permet à de nombreux pratiquants de découvrir les joies de la voile, pour un budget qui reste raisonnable. Car si les premières planches à voile coûtaient cher, leur succès grandissant pousse de nombreuses marques à innover.
Mais un acteur va bouleverser le marché, et rendre ce loisir accessible à tous : BIC. Le fabricant franco-italien de briquets et de stylos-billes rachète en 1979 l’usine Tabur Marine, située à Vannes, et lance la production standardisée. « Le développement rapide de la planche à voile n’avait pas échappé à cet amoureux de la mer qu’était le Baron Bich (créateur du célèbre stylo, NDLR), explique le site internet de la marque. Il croit dans ce sport et investit dans un outil industriel performant qui lui permet de produire des dizaines de milliers d’unités à un prix abordable. À cette époque, la planche à voile avait un destin tout tracé : devenir le sport nautique populaire de la fin du XXe siècle. Sous cette impulsion, BIC Sport devient rapidement numéro un mondial et près de 80 000 modèles sortent de l’usine de Vannes ».
La pratique de la planche à voile va cependant s’essouffler au cours des années 1990. D’abord perçue comme un loisir, la discipline sportive va couper l’élite des véliplanchistes de sa base. Paradoxalement, le funboard (littéralement planche d’amusement), une variante du windsurf qui apporte des sensations de glisse et de vitesse tout en permettant des acrobaties, est trop technique pour une bonne partie des pratiquants…
le déclin face aux nouvelles pratiques
Au cours des années 1980, la France est le premier pays au monde en termes de production et de pratiquants sur planche à voile. La Bretagne est la région moteur de ce développement, de par ses pionniers, ses spots comme La Torche (qui a accueilli les championnats du monde à plusieurs reprises) et ses fabricants. En 1984, une planche sur six vendue dans le monde était bretonne, et sortait de l’usine BIC Sport, contre moins de 5 000 unités annuelles aujourd’hui. Avec la baisse des ventes de planches à voile, l’usine vannetaise va se tourner progressivement vers les nouvelles pratiques, comme le surf, le paddle, ou le kitesurf. Cette dernière activité - une planche tractée par le vent à l’aide d’un cerf-volant - est née en Bretagne.
On la doit à Dominique et Bruno Legaignoux. En effet, le kite à boudins gonflables utilisé aujourd’hui, qui a permis l’essor du kitesurf à la fin des années 1990, a été imaginé et développé par ces deux frères originaires de Quimper. Ils créent une aile de traction en deux lignes, disposant d’une structure rigide gonflable, capable de redécoller de l’eau. Popularisée à Hawaï par le surfeur Laird Hamilton, une légende qui incarne à lui seul le monde de la glisse aquatique, la pratique va prendre son envol là où elle est née, dans la région.
En 2000, la marque américaine Naish, qui a acheté une licence aux frères Legaignoux, organise la Naish Wave Party dans le Nord-Finistère, à Santec, sur le spot du Dossen. Sur une mer assez calme, et avec une légère brise, les véliplanchistes font pâle figure face aux adeptes du kitesurf, qui multiplient, pendant quatre jours, les figures et s’envolent littéralement de plusieurs mètres au-dessus de l’océan. De quoi impressionner les 25 000 spectateurs, et les milliers d’autres qui découvrent les photos sur un nouveau support : Internet. À partir de ce moment, de nombreux pratiquants se tourneront vers le surf et kitesurf…
https://www.letelegramme.fr/histoire/1974-la-planche-a-voile-arrive-par-la-bretagne-01-07-2018-12011829.php
Championnat du Finistère de planche à voile à Crozon, en 1983. (Archives Le Télégramme)
Créée au milieu des années 1960 aux États-Unis, la planche à voile va trouver de nombreux adeptes dans l’Hexagone dix ans plus tard. C’est notamment en Bretagne que cette nouvelle pratique se développe et se démocratise, au point d’en faire l’un des sports les plus populaires de la fin du XXe siècle.
La planche à voile est américaine. Elle est née de l’imagination de Newman Darby en 1964. Ce surfeur de Pennsylvanie monte un mât et une voile sur une planche. Assez rudimentaire, ce prototype est amélioré par les Californiens Jim Drake et Hoyle Schweitzer quatre ans plus tard. Les deux compères - le premier est ingénieur aéronautique, le second surfeur - imaginent un gréement original qui vient se fixer sur la planche de surf, permettant à la voile de basculer d’avant en arrière et ainsi au véliplanchiste de se diriger. Le tout est complété par une dérive placée en dessous de la planche, au centre, pour assurer la stabilité. Ils baptisent leur trouvaille Windsurf, et déposent la marque Windsurfer aux États-Unis, mais aussi dans deux pays d’Europe, en Allemagne et en Grande-Bretagne, négligeant la France.
Si le principe est révolutionnaire, la pratique reste très confidentielle. En 1973, la société hollandaise Ten Cate achète la licence Windsurfer pour le vieux continent et commence à importer les premiers modèles. Un modèle est présenté pour la première fois au Salon nautique de Paris cette année-là, sans pour autant déchaîner les passions.
Une renaissance
C’est pourtant lors de ce salon que Patrick Carn, un Breton de Bénodet, est subjugué par la pratique : « J’avais été étonné de cette nouvelle manière de se déplacer sur l’eau, étant attiré par toutes les formes de voile de manière générale. Et je n’ai cessé de tourner durant tout le salon autour de ce matériel ! », explique l’intéressé, dans un reportage de l’émission « Thalassa » en 1983. La compagnie hollandaise lui propose de représenter la marque en France, et c’est ainsi que les premières planches à voile apparaissent un an plus tard sur les plages du sud de la Bretagne, entre Loctudy et la Trinité-sur-Mer. « Pendant trois ans, j’ai prêché dans le désert. Entre 1973 et 1975, on ne croyait pas du tout à cet engin-là comme un engin nautique et encore moins de sport… », poursuit Patrick Carn.
Pourtant, la planche à voile trouve peu à peu ses adeptes. Comme la marque américaine n’a pas déposé de brevets en France, les petits fabricants copient la Windsurf et ce nouveau sport se développe peu à peu sur le littoral français.
« On estime à 280 le nombre de flotteurs vendus en France en 1974 (au salon nautique), à 14 600 en 1978 (chiffres des constructeurs) et au double l’année suivante », précise le sociologue Denis Jallat. Contrairement aux autres pays européens, la France connaît à la fin des années 1970 un engouement sans précédent pour la planche à voile ; non pas pour son côté compétition, mais bien pour son côté ludique de sport de plage.
Une démocratisation partie de la Bretagne
L’invention de la planche à voile est, au même titre que celle de la bicyclette à la fin du XIXe siècle, une révolution sociale, technique et culturelle, explique le sociologue Philippe Lacombe. […] Aucun engin préexistant ne permettait d’aller ainsi sur l’eau, seul, de s’y déplacer debout et rapidement. […] Certains auteurs considèrent que l’engin est une totale innovation, dont les racines s’inscrivent dans le mouvement de contre-culture américain des années soixante ». Une invention qui permet à de nombreux pratiquants de découvrir les joies de la voile, pour un budget qui reste raisonnable. Car si les premières planches à voile coûtaient cher, leur succès grandissant pousse de nombreuses marques à innover.
Mais un acteur va bouleverser le marché, et rendre ce loisir accessible à tous : BIC. Le fabricant franco-italien de briquets et de stylos-billes rachète en 1979 l’usine Tabur Marine, située à Vannes, et lance la production standardisée. « Le développement rapide de la planche à voile n’avait pas échappé à cet amoureux de la mer qu’était le Baron Bich (créateur du célèbre stylo, NDLR), explique le site internet de la marque. Il croit dans ce sport et investit dans un outil industriel performant qui lui permet de produire des dizaines de milliers d’unités à un prix abordable. À cette époque, la planche à voile avait un destin tout tracé : devenir le sport nautique populaire de la fin du XXe siècle. Sous cette impulsion, BIC Sport devient rapidement numéro un mondial et près de 80 000 modèles sortent de l’usine de Vannes ».
La pratique de la planche à voile va cependant s’essouffler au cours des années 1990. D’abord perçue comme un loisir, la discipline sportive va couper l’élite des véliplanchistes de sa base. Paradoxalement, le funboard (littéralement planche d’amusement), une variante du windsurf qui apporte des sensations de glisse et de vitesse tout en permettant des acrobaties, est trop technique pour une bonne partie des pratiquants…
le déclin face aux nouvelles pratiques
Au cours des années 1980, la France est le premier pays au monde en termes de production et de pratiquants sur planche à voile. La Bretagne est la région moteur de ce développement, de par ses pionniers, ses spots comme La Torche (qui a accueilli les championnats du monde à plusieurs reprises) et ses fabricants. En 1984, une planche sur six vendue dans le monde était bretonne, et sortait de l’usine BIC Sport, contre moins de 5 000 unités annuelles aujourd’hui. Avec la baisse des ventes de planches à voile, l’usine vannetaise va se tourner progressivement vers les nouvelles pratiques, comme le surf, le paddle, ou le kitesurf. Cette dernière activité - une planche tractée par le vent à l’aide d’un cerf-volant - est née en Bretagne.
On la doit à Dominique et Bruno Legaignoux. En effet, le kite à boudins gonflables utilisé aujourd’hui, qui a permis l’essor du kitesurf à la fin des années 1990, a été imaginé et développé par ces deux frères originaires de Quimper. Ils créent une aile de traction en deux lignes, disposant d’une structure rigide gonflable, capable de redécoller de l’eau. Popularisée à Hawaï par le surfeur Laird Hamilton, une légende qui incarne à lui seul le monde de la glisse aquatique, la pratique va prendre son envol là où elle est née, dans la région.
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