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Le loup en Bretagne

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Message par Admin Jeu 29 Nov - 21:12

Publié le 25 novembre 2018 à 09h00 telegramme

Le loup en Bretagne  Sans1544
C’est dans le village du Cloître-Saint-Thégonnec que fut versée la dernière prime de chasse au loup, en 1884.

Présent depuis l’Antiquité dans la péninsule armoricaine, le loup a longtemps cohabité avec l’homme. Ce grand prédateur a fait partie de la vie quotidienne des campagnes, alimentant peur et superstition dans l’imaginaire de la société rurale bretonne.

Il y a quelques mois, l’Observatoire du loup annonçait le retour du Canis lupus - le loup gris - dans la région à l’horizon 2020. Une information qui a défrayé la chronique, comme en témoigne Marion Le Vée, responsable du Musée du loup au Cloître-Saint-Thégonnec dans le Finistère : « Les gens sont étonnés, mais pourtant la Bretagne a abrité une population de loups assez importante pendant des siècles. Avec ses landes et ses forêts, la région reste un territoire propice pour cet animal. D’après les scientifiques, il pourrait faire son retour permanent d’ici une dizaine d’années ».

En évoquant le loup, c’est la crainte qui refait surface, une peur ancestrale qui s’explique par des relations compliquées qu’ont entretenues pendant longtemps l’homme et la bête. « Encore aujourd’hui, quand les enfants viennent au musée, ils ont une image très négative du loup », poursuit Marion Le Vée.

Un animal sacré chez les Celtes

Pourtant, le loup n’a pas toujours été cet animal honni. Dans l’Antiquité, il fait partie du monde divin. Lug, le dieu suprême de la mythologie celtique, est représenté accompagné de deux loups. Symbole de la puissance de la nature, l’animal fait référence à la force et la fertilité. Les guerriers n’hésitent pas à le porter en totem, en recouvrant leur casque d’une tête de loup, en partant au combat.

La bête est aussi synonyme de sagesse dans la tradition celtique bretonne. Bleiz (loup en breton) est le nom de l’un des derniers grands druides dans la mythologie arthurienne, il serait l’instructeur de Merlin l’Enchanteur. La légende raconte qu’il vivait comme un ermite dans la forêt, entouré de loups, et qu’il soignait les animaux. Plus près de nous, plusieurs Vitae de saints bretons comptent dans leur histoire des loups comme protagonistes, et l’animal revient régulièrement parmi les attributs d’hommes d’Église : Brieuc, Hervé, Envel, Thégonnec, Ronan…

« Les contes traditionnels, comme les récits vécus, vont dans le même sens et permettent d’établir un palmarès où la première place se joue entre le cheval et le mouton, suivis du cochon, de la vache, de la chèvre et du chien, explique François de Beaulieu, dans un ouvrage consacré au sujet. Les attaques sur le bétail étaient courantes et pouvaient provoquer des pertes localement importantes, spécialement sur le cheptel ovin, en dépit d’une surveillance constante […]. Mais comme les hommes savaient défendre leur cheptel, la base de l’alimentation des loups était constituée de petites proies et de charognes ».

Un animal diabolique

La réputation du loup prend un coup à partir de la fin du Moyen-Âge. On l’accuse de devenir anthropophage et de se délecter de la chair humaine. « En effet, à cause des guerres secouant la région, les cadavres sont laissés sur le champ de bataille, sans sépulture, précise Marion Le Vée. Le loup en a profité pour se nourrir, par facilité. À partir de ce moment-là, plusieurs histoires ont été montées, notamment par l’Église, et on voit son image se dégrader ».

Les mémoires du Chanoine Jean Moreau, écrit après la Guerre de la Ligue (1588-1598) en sont l’illustration. Il explique que les loups sont un des fléaux de l’Apocalypse avec la guerre, la peste et la famine. « La population commence à croire que les loups anthropophages sont des morts ressuscités en forme de loups », note Pierre Le Buhan dans son ouvrage « Le loup et l’homme » en Bretagne. Si certaines bêtes s’en prennent à des êtres vivants et marquent durablement l’imaginaire collectif régional, le phénomène reste cependant marginal. L’auteur recense 81 victimes pour 89 attaques de loups entre 1590 et 1880, dont plus d’un tiers se déroule juste après la fin de la Guerre de la Ligue.

Entre fantasme et réalité

Ces quelques faits divers vont cependant faire la mauvaise réputation du loup, qui terrorise maintenant les campagnes bretonnes. « De nombreuses superstitions sont nées autour de l’animal, poursuit Marion Le Vée. Il existait plusieurs techniques pour le faire fuir : on faisait des feux à l’entrée des villages toutes les nuits, on clouait des pattes de loup sur les portes d’entrée des maisons, on évitait de prononcer son nom… »

Toute la société se met à vouloir l’éradiquer et on l’accuse maintenant de propager la rage. Pourtant, « plus prudent que froussard, mangeur d’homme si l’occasion lui en est donnée, le loup n’est qu’un prédateur opportuniste cherchant à survivre », note François de Beaulieu. Battues, empoisonnements et autres pièges vont se multiplier, d’autant plus que la chasse au loup devient lucrative. À chaque bête tuée, le chasseur reçoit une prime. Le coup de grâce est donné par la IIIe République qui, en 1880, décide de multiplier par huit ces primes. En 1893, pour la prise d’un loup adulte, on recevait 100 francs, de quoi acheter 55 kg de pain !

Avec quelque 300 bêtes recensées au début du XIXe siècle, le loup disparaît officiellement de Bretagne en 1906.

Pour en savoir plus


Un site : www.museeduloup.fr

Deux livres :- « Le loup et l’homme en Bretagne » , Pierre Le Buhan, éditions du Berceau, 2015.- « Quand on parle du loup en Bretagne », François de Beaulieu », éditions Le Télégramme, 2004.




Musée du loup. Un lieu unique en France

Sur la place du village du Cloître-Saint-Thégonnec, on peut s’étonner de voir la fontaine municipale entourée de loups en pierre. Situé au sein du parc naturel régional d’Armorique, la commune abrite depuis 1991 le Musée du loup, seule institution de l’Hexagone exclusivement dédiée à cet animal. « Le musée ne se trouve pas dans cette commune par hasard, explique la responsable, Marion Le Vée. C’est ici qu’a été versée la dernière prime pour avoir tué un loup dans les monts d’Arrée, le 6 octobre 1884. C’est Pierre Berrehar, un habitant du village, qui l’a reçue. » La création de ce musée unique en France, on la doit à un homme : Édouard Lebeurier, un naturaliste qui a fait don de toutes ses archives au conservateur de la réserve des Landes du Cragou, François de Beaulieu. Afin de mettre en valeur cette collection, une exposition estivale, intitulée « Le loup et le paysage », est présentée au public en 1991 au Cloître-Saint-Thégonnec. Avec le succès rencontré, la mairie décide de prolonger l’exposition au sein de l’ancienne école de garçons du village. Au fil des années, le musée, géré par l’association « Sur les pas de Lebeurier » se développe. Elle propose aujourd’hui un parcours ludique qui revient sur l’histoire du loup en Bretagne et dans le monde, à travers notamment les contes et légendes et présente également un portrait complet de ce mammifère, sa façon de vivre, sa biologie et sa cohabitation possible avec les troupeaux et les hommes. L’occasion de changer son point de vue sur ce prédateur et de le réhabiliter pour les 10 000 à 13 000 visiteurs annuels.

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