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Les pesticides sont interdits dans nos jardins, par quoi les remplacer ?

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Message par Admin Ven 1 Fév - 19:26

ouest france
Par Bastien Castagneyrol, chercheur en écologie, Inra

Les pesticides sont interdits dans nos jardins, par quoi les remplacer ? Sans1409

Le Roundup de Monsanto ne peut plus être utilisé par les jardiniers amateurs depuis le 1er janvier, en France. Car il est désormais interdit de se procurer, d’utiliser ou de stocker des produits à base de pesticides de synthèse. Alors comment protéger les plantations des ravageurs présents dans nos jardins ?

Depuis le 1er janvier, les jardiniers amateurs français n’ont plus le droit de se procurer, d’utiliser ou de stocker des produits à base de pesticides de synthèse, tels que le Roundup de Monsanto.

Les ravageurs combattus par les pesticides ne comptent pas pour autant déserter nos potagers. Dès lors, comment protéger nos plantations ? En recherchant sur Google des solutions pour « jardiner sans pesticides », on retrouve souvent l’idée selon laquelle diversifier les plantes composant un jardin constituerait une arme efficace contre les ravageurs. Qu’en est-il réellement ?

Les ravageurs désignent les insectes herbivores nuisibles pour l’agriculteur, le jardinier ou l’heureux propriétaire d’une terrasse fleurie ; en s’alimentant sur les plantes – sans les tuer, ce ne sont pas des prédateurs – ils compromettent la production ou la conservation de denrées alimentaires, ou altèrent l’esthétique des plantes d’ornement. Le doryphore, insecte de la famille des coléoptères, est par exemple l’un des pires ennemis de la pomme de terre. De son côté, la mineuse du marronnier, chenille ravageuse, donne une teinte brune aux feuilles de marronnier dès le début de l’été, leur donnant l’air moribond.

Des ravageurs aux goûts sélectifs

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La piéride du chou est un papillon dont la chenille ne s’attaque qu’à la famille de plantes incluant le chou. (Photo : Maxime Raynal/Wikimedia, CC BY-NC-ND)

Tous les herbivores n’attaquent pas toutes les plantes, et toutes les plantes ne subissent pas les assauts de tous les herbivores. Ces interactions dépendent des espèces des unes et des autres.

Les écologues distinguent les espèces spécialistes, des espèces généralistes. Les herbivores dits « spécialistes » ne sont capables de s’attaquer qu’à un petit nombre de plantes de la même famille. La piéride du chou, par exemple, est un papillon dont la chenille ne s’attaque qu’aux Brassicacées, la famille de plantes incluant le chou.

À l’inverse, la chenille du papillon dite « noctuelle méditerranéenne » peut s’alimenter sur une gamme de plantes beaucoup plus large, appartenant à des familles botaniques différentes. On la qualifie donc d’espèce « généraliste ».

Cette préférence des herbivores pour certaines plantes explique la capacité de résistance d’un potager comportant des plantes diverses.

Les monocultures, cibles privilégiées des ravageurs

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Les grandes monocultures sont particulièrement susceptibles d’être attaquées par les herbivores spécialistes. (Photo : dmums/Flickr)

Prenons un paysage agricole dominé par les champs de colza. Pour un insecte herbivore spécialiste friand de cette plante oléagineuse, c’est le paradis !

Dans les années 1970, le chercheur américain Richard B. Root a formulé l’hypothèse selon laquelle ces grandes monocultures seraient plus susceptibles d’être attaquées par les herbivores spécialistes : ceux-ci auraient une plus grande chance de coloniser ces champs et seraient donc moins susceptibles d’en partir.

Cette hypothèse, dite « de concentration de la ressource » a été largement vérifiée depuis. Dans ce contexte, la diversité des plantes joue le rôle de « diluant » : les plantes hôtes de l’herbivore spécialiste se retrouvent mélangées au milieu d’autres espèces végétales que l’herbivore ne reconnaît pas, voire même évite.

Cela s’applique autant à la diversité des plantes dans un champ qu’à la diversité des cultures à l’échelle du paysage. Lorsqu’ils prospectent dans leur environnement à la recherche de nourriture, les herbivores spécialistes seraient plus susceptibles de se perdre en chemin quand leur ressource est diluée.

Toutes les études ne vont toutefois pas dans le même sens. Il arrive qu’ils se concentrent au contraire dans les rares parcelles ou sur les quelques plantes hôtes qu’ils trouvent ! La diversité des plantes ne fait donc pas tout, parce qu’aux yeux et aux antennes de l’herbivore, toutes ne se valent pas.

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Une chenille du bombyx disparate, ravageur des arbres feuillus, sur une feuille de chêne. (Photo : Bastien Castagneyrol, CC BY-NC-ND)

Comment les herbivores reconnaissent-ils et choisissent-ils leurs plantes hôtes ?

Tout comme nous, les insectes herbivores utilisent leurs sens, la vue, l’odorat et le goût. Par exemple, les récepteurs olfactifs présents sur leurs antennes permettent aux insectes herbivores de reconnaître et de s’orienter vers les odeurs attractives émises par leurs plantes hôtes, tout en évitant les odeurs répulsives émises par celles qui n’entrent pas dans leur régime alimentaire.

Des chercheurs de l’université d’Uppsala, en Suède, ont ainsi montré que des plants de pommes de terre cultivées en présence d’odeurs d’oignons étaient moins attractifs pour des pucerons que des plants 100 % pommes de terre ! On appelle « résistance par association » celle conférée par la présence de plantes voisines.

Attention toutefois : associer différentes espèces de plantes ne marche pas à tous les coups ! Le phénomène inverse, dit de « susceptibilité par association », existe tout autant. Une plante émettant des composés répulsifs pour certains herbivores peut les amener à se concentrer sur les plantes voisines qui se retrouvent ainsi plus vulnérables. Dans un exemple classique, Jennifer White et Thomas Whitham ont montré que le peuplier était plus attaqué par la chenille arpenteuse d’automne lorsqu’ils étaient associés à l’érable négundo

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Une chenille de pyrale du buis, bien cachée entre des feuilles de buis. (Photo : Bastien Castagneyrol, CC BY-NC-ND)

Encourager les ennemis des herbivores

En l’absence de pesticides de synthèse, le jardinier amateur pourra aussi utiliser la diversité des plantes pour favoriser les ennemis des herbivores. La diversité de taille ou d’architecture des plantes crée par exemple des habitats hétérogènes qui abritent une plus grande diversité de prédateurs (notamment des araignées, des carabes, des syrphes) que celle de cultures très homogènes.

De plus, les prédateurs et les parasitoïdes – des organismes dont les larves se développent dans le corps des herbivores et les rongent de l’intérieur – peuvent bénéficier du nectar produit par certaines plantes et y trouver une source de nourriture complémentaire en cas de manque de proies. Dans ces deux cas, la diversité des plantes favorise la diversité et l’activité des prédateurs, ce qui – souvent, mais pas systématiquement – peut conduire à un meilleur contrôle des insectes herbivores.

Les conseils pratiques délivrés par de nombreux sites internet pour « jardiner sans pesticides » s’appuient donc sur des éléments bien établis. La recherche en écologie montre effectivement que la diversité des plantes permet de limiter l’impact des insectes herbivores sur les plantes – en réduisant l’accessibilité des herbivores à leurs plantes hôtes et rendant plus probable le contrôle biologique exercé par les ennemis naturels des herbivores.

Mais ce que les recommandations omettent de préciser, c’est que toutes les associations ne se valent pas. Il est donc urgent de mieux comprendre pourquoi certaines associations de plantes « marchent », ou pas, pour lutter efficacement contre les insectes herbivores. Mélanger des plantes trop ressemblantes entre elles pourrait avoir des effets contraires à ceux attendus. La recherche en écologie a de beaux jours devant elle !

La version originale de cet article a été publiée dans The Conversation.
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