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jean Conan. La vie épique d’un tisserand

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jean Conan. La vie épique d’un tisserand  Empty jean Conan. La vie épique d’un tisserand

Message par Admin Dim 10 Mar - 21:12

Publié le 18 février 2019 à 14h51 telegramme

jean Conan. La vie épique d’un tisserand  Sans1656

jean Conan entre comme domestique à l’abbaye de Beauport en 1777. C’est là qu’il apprend à lire et écrire auprès des moines pendant plus de six ans. Une chance pour ce jeune homme issu d’une famille modeste.

Jean Conan, tisserand originaire d’un village costarmoricain, va connaître une vie épique, entre les campagnes de pêche à Terre-Neuve et la Révolution. Il a transmis ces histoires romanesques dans ses « Avanturio », un récit autobiographique fondamental de la culture populaire bretonne du début du XIXe siècle.

C’est un peu par hasard que fut redécouvert le récit autobiographique de Jean Conan, intitulé en breton « Avanturio ar citoien Conan à Voengamp » (« Les Aventures du citoyen Conan de Guingamp ») en 1912, dans la bibliothèque du château de Lesquiffiou, à Pleyber-Christ dans le Finistère. « Logiquement, l’œuvre, la trace, le souvenir, le nom même de Jean Conan, étaient voués à une disparition inéluctable : lorsqu’il mourut en 1834, ses écrits étaient totalement inconnus et inédits… », explique Paolig Combot, docteur en études celtiques et auteur d’une thèse sur ce personnage hors du commun.

jean Conan. La vie épique d’un tisserand  Sans1657
Pleyber-Christ (29). Le château de Lesquiffiou lors des journées du patrimoine

Né le 3 septembre 1765 à Sainte-Croix près de Guingamp, Jean Conan vient au monde dans une famille pauvre de tisserands. Sans éducation, il entre comme domestique dans le monastère voisin, l’abbaye de Beauport, en 1777. Une chance pour ce jeune garçon, qui va apprendre à lire et écrire auprès des moines pendant plus de six ans, et passer ses nuits dans la bibliothèque de l’abbaye à dévorer nombre d’ouvrages religieux et profanes. Alors qu’il effectue son service militaire comme tambour dans une compagnie de chasseurs, le jeune Conan s’embarque sur le navire morutier le Sauvage suite à une déception amoureuse, à Noël 1786.

Attaqué par des « sauvages »


Le voilà traversant l’Atlantique direction la côte nord-américaine pour une campagne de pêche à la morue. Jean Conan et ses compagnons affrontent la tempête. Leur bateau percute un iceberg et coule, l’équipage ayant juste le temps d’embarquer dans une chaloupe et rejoindre Terre-Neuve où ils sont attaqués par des « sauvages », l’une des tribus indiennes peuplant les territoires canadiens.

Jean Conan passe quelques jours au milieu de ces populations autochtones, dont certaines sont plus pacifiques avec les étrangers européens : « Au Canada, dans une cabane, c’est une « sauvage » qui initie, non sans difficultés, le « jeune et bel homme », aux plaisirs de la chair, explique l’historien Joël Cornette, dans un article qu’il consacre à l’aventurier breton. Il faut préciser que cet apprentissage se déroule sous le regard de dix-huit Indiens et de trois de ses compagnons ! […] Ses « Avanturio » [nom du récit autobiographique de Jean Conan] sont aussi le récit de l’initiation, le plus souvent brutale, d’un candide breton, aux choses de la vie ».

Soldat de l’An II


Récupérés par un navire anglais, Conan et les autres matelots intègrent ensuite un autre équipage breton et travaillent plusieurs mois en mer, avant de rentrer à Brest, à la fin de l’année 1787. Considéré comme déserteur pour s’être embarqué sans autorisation, il obtient le pardon de son capitaine et peut rentrer libre à Sainte-Croix, début 1788. Quelque temps plus tard, il se marie avec une jeune femme de sept ans sa cadette et reprend l’activité de tisserand de son père. C’était sans compter la Révolution, qui entraîne son rappel dans l’armée d’Anjou, au printemps 1792.

« Les neuf années qu’il allait passer sous l’uniforme républicain devaient marquer profondément son subconscient : il allait y connaître les affres des guerres civiles et étrangères, recevoir plusieurs blessures et voir la mort de près », selon Paolig Combot. Conan consacre d’ailleurs près des deux tiers de son roman autobiographique à ces campagnes militaires. Il raconte avoir participé à la prise des Tuileries et aperçu la famille royale le 10 août 1792. Le jeune soldat participe ensuite aux campagnes du Palatinat et de Flandres, où il combat notamment à la célèbre bataille de Fleurus contre les Autrichiens, en juin 1794. Blessé, Conan est rapatrié à Paris, avant d’être renvoyé à Guingamp en convalescence.

Ses livres vendus comme papiers d’emballage


Deux mois après son retour, Jean Conan est convoqué par le général Valtoux. Le Breton doit reprendre du service pour lutter contre la chouannerie. Entre 1795 et 1800, il participe aux opérations de guérillas contre les chouans avant, enfin, de reprendre sa liberté et de retourner à la vie civile. C’est ainsi que se concluent les « Avanturio duar citoien Conan a Voengamp ». Le Breton redevient tisserand du côté de Trédrez dans le Trégor, où il finit ses jours.

Mais on ne sait que peu de chose sur cette vie d’après, beaucoup plus monotone. C’est pourtant à cette période qu’il écrit l’ensemble de son œuvre, son récit autobiographique mais également plusieurs pièces de théâtre en breton, dont une tragédie sur la vie de Geneviève de Brabant et une hagiographie de saint Yves. À sa mort, le 18 décembre 1834 à l’âge de 69 ans, Jean Conan lègue à ses enfants son métier à tisser ainsi qu’un sac plein de manuscrits. Une bonne partie de ces derniers seront vendus par sa progéniture comme papiers d’emballage pour pouvoir acheter du pain… Cinq œuvres seront pourtant sauvées, notamment grâce au folkloriste breton François-Marie Luzel.



Pour en savoir plus


« Jean Conan, aventurier et écrivain breton » de Paolig Combot, éditions Skol Vreizh - 1999.« Fils de mémoire, l’autobiographie de Jean Conan », article de Joël Cornette dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine n°39 -1992.« Les aventures extraordinaires du citoyen Jean Conan », traduction de Paolig Combot, éditions Skol Vreizh - 2001.




Un témoignage précieux pour la culture populaire bretonne


« À travers le récit de sa vie pleine de tribulations […], c’est tout un pan de la mémoire de Bretons oubliés qui ressurgit », s’enthousiasme l’historien Joël Cornette. En effet, malgré les progrès, en partie mesurables, de l’alphabétisation au siècle des Lumières, l’écriture appartient d’abord aux élites stylées des salons aux métiers nobles de l’office, du négoce ou de la boutique. Rares sont les mémoires des hommes et femmes du peuple des villes et des champs ».

C’est ainsi que le récit autobiographique des aventures de Jean Conan est un document rare et précieux, qui en fait un élément essentiel de la culture populaire bretonne. « Fort des savoirs acquis chez les moines de Beauport et de sa double culture - orale et écrite, populaire et littéraire, bretonne et française - il prit un beau jour la plume, explique Paolig Combot, docteur en études celtiques. Mais ce noircisseur de papier avait des choses à dire, une façon personnelle d’écrire et de construire, une réelle capacité de créer ; les quelque 29 000 vers conservés sont certes inégaux, mais ils constituent une œuvre riche, variée, originale… »

Véritable dramaturge, auteur de plusieurs pièces de théâtre en langue bretonne, le travail de Conan s’inspire des contes et légendes celtiques et bretonnes, de la culture orale mais aussi des superstitions et traditions religieuses présentes à l’époque dans la région. Et si ses « Avanturio » semblent parfois invraisemblables ou en tout cas un peu exagérées, peu importe, conclut Joël Cornette : « Conan se veut un héros, et il en rajoute […]. Avant de pratiquer de multiples tests d’authenticité - beaucoup se révéleront positifs - ne faut-il pas d’abord se laisser emporter par le plaisir de la découverte, lire ce récit comme le ferait un enfant ouvrant un livre d’aventures rempli d’images fortes et colorées ? »

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