Qui est Alice Guy, pionnière du cinéma de fiction injustement oubliée ?
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Qui est Alice Guy, pionnière du cinéma de fiction injustement oubliée ?
par Léa VIRIET
Première réalisatrice au monde, mais aussi productrice ou encore scénariste, Alice Guy est française. Elle est née il y a 146 ans et est l’une des pionnières du cinéma. Pourtant, peu de gens la connaissent. Portrait de cette femme au parcours extraordinaire.
Elle s’est fait une place dans le milieu du cinéma dès la fin du XIXe siècle et s’est distinguée par son talent. Pourtant, rien ne l’y prédestinait. Alice Guy est née à Saint-Mandé (Val-de-Marne) le 1er juillet 1873, il y a tout juste 146 ans.
Elle est la dernière d’une fratrie de cinq enfants. Tous vivent au Chili, où leur père, Émile Guy, est libraire. Seule Alice reste en France : « Elle est élevée par sa grand-mère, en Suisse, jusqu’à ses six ans, raconte Emmanuelle Gaume, qui a réalisé un documentaire sur cette femme, Elle s’appelle Alice Guy. Il y a un doute sur ses origines : elle ne serait pas la fille de son père, ce qui expliquait cette différence de traitement. »
Sa mère, Marie, revient la chercher et la ramène au Chili, où elle grandit auprès de sa famille pendant quelques années. « Elle voit sa mère très malheureuse. Ses souvenirs positifs, ce sont les moments avec ses nourrices chiliennes qui lui apprennent l’espagnol. D’ailleurs, Régine Blaché-Bolton, sa petite-fille, m’a raconté qu’Alice parlait en espagnol avec ses sœurs quand elles ne voulaient pas être comprises de leur entourage », sourit Emmanuelle Gaume. Son père va finalement la ramener en France et la placera dans un pensionnat à la frontière suisse.
Assistante de Léon Gaumont
L’unique frère d’Alice meurt à 17 ans d’une maladie cardiaque, juste avant son père. Alice va alors s’installer à Paris avec sa mère et va faire des études de sténographie. Cela va lui permettre de décrocher, à 21 ans, un emploi au Comptoir général de photographie.
« C’est un dénommé Léon Gaumont (qui n’est, à l’époque, qu’employé, et qui rachètera l’entreprise, NdlR) qui va la recevoir. Quand il lui dit qu’elle est bien jeune, elle lui répond : « Vous savez, la jeunesse, ça me passera. » Elle affirme qu’il l’a engagée de suite, poursuit Emmanuelle Gaume. Alice devient alors son assistante. »
Alice Guy en 1895, dans un petit film réalisé avec Léon Gaumont. (Photo : Régine Blaché-Bolton)
En mars 1895, elle assiste à un tournant du cinéma : elle se rend avec Léon Gaumont à la projection des frères Lumière qui montre La Sortie de l’usine Lumière à Lyon, considéré comme le premier film projeté sur grand écran.
C’est un déclic pour Alice. « Dans ses mémoires (Autobiographie d’une pionnière du cinéma, publié en 1976, huit ans après sa mort, NdlR), elle explique très bien qu’elle a laissé les hommes discuter de l’aspect technique, des caméras, pendant qu’elle s’apercevait que le cinéma allait permettre de raconter des histoires, et même des histoires inventées », détaille la journaliste Véronique Le Bris, fondatrice du webmagazine féminin dédié au cinéma Ciné-Woman, et à l’origine du prix Alice Guy. (1)
Le premier film de fiction au monde
Rapidement, Alice s’essaie à la réalisation, avec l’accord de Léon Gaumont, du moment que ce soit en dehors de ses heures de travail. En 1896, à peine âgée de 23 ans, elle tourne ce qui est considéré comme le tout premier film de fiction : La fée aux choux. Ce film fait d’elle la première réalisatrice au monde et marque le début de sa carrière, qui durera vingt-quatre ans. Dans ce court-métrage d’une minute, disponible sur YouTube, https://youtu.be/fMSbpeb2d6Y
une fée danse dans un champ et extirpe des bébés d’énormes choux.
Le film est un succès et Alice va progressivement prendre de l’importance au sein de Gaumont. « Léon Gaumont lui dit qu’elle peut continuer. Elle se prend au jeu et il s’avère qu’elle a vraiment du talent, commente Véronique Le Bris. Elle devient rapidement la directrice des prises de vue de Gaumont. »
Si elle tourne des films très différents, une thématique revient régulièrement, souligne Emmanuelle Gaume : « Une partie de son œuvre est plutôt sociale, elle aime faire des films qui traitent des droits des femmes et des enfants. Je pense notamment son film Les résultats du féminisme (1906), où les hommes et les femmes échangent leur rôle. C’est une comédie, mais qui dit quelque chose de la société de l’époque. »
« Be natural »
La même année, elle se fait remarquer avec « la première superproduction française » selon les mots de Véronique Le Bris : La Vie du Christ. Le film, qui dure 33 minutes, mobilise environ 300 figurants et « est tourné en décor naturel dans la forêt de Fontainebleau, une prouesse technique, s’enthousiasme Emmanuelle Gaume. Elle avait un sens extraordinaire du décor et des lumières comme l’a signalé Martin Scorsese (le réalisateur italo-américain avait fait un discours en son hommage, en 2001, NdlR). C’est ce qui fait l’originalité et la patte de son cinéma : elle se bat pour tourner dehors dans des décors naturels, avec des lumières naturelles, et avec des vrais gens. D’ailleurs, elle aura plus tard comme slogan « Be natural » (« Soyez naturel »). »
Alice va aussi tester le matériel qui est à sa disposition dans la maison Gaumont. Elle réalise ainsi, entre 1902 et 1906, une centaine de phonoscènes (en quelque sorte l’ancêtre du clip : des images sont synchronisées avec une bande-son, NdlR) : des opéras, des chansons ou encore des monologues. Un dispositif novateur, puisque le cinéma parlant n’arrive qu’en 1927.
En 1907, alors âgée de 33 ans, Alice Guy se marie : l’heureux élu s’appelle Herbert Blaché. C’est un Britannique de neuf ans son cadet, qui travaille lui aussi chez Gaumont. Juste après leur mariage, Léon Gaumont envoie Herbert Blaché aux États-Unis : il est chargé de promouvoir le chronophone, le procédé développé par Gaumont mais qui fera un flop, et de diriger les studios Gaumont à Flushing (Queens, New York). « Alice le suit, la mort dans l’âme », confie Véronique Le Bris. Le couple a un premier enfant, Simone. Mais la passionnée de cinéma s’ennuie loin des caméras.
La femme la mieux payée des États-Unis
Après avoir travaillé quelque temps dans la succursale Gaumont, Alice décide de voler de ses propres ailes. Elle fonde la Solax, sa société de production, en 1910. Elle rencontre très vite un succès phénoménal : « Avec 25 000 dollars de salaire mensuel, elle devient même la femme la mieux payée des États-Unis », écrit TV5 Monde dans un article datant de 2014.
Enceinte de son deuxième enfant – un garçon qui s’appellera Réginald – elle supervise la construction de son studio. Elle l’établit à Fort Lee, la capitale américaine du cinéma à l’époque. « Des westerns, des drames, des fictions sociales sur les travailleurs, sur les migrants, des comédies… Je crois qu’elle a exploré tous les styles », affirme Jackie Buet, directrice du festival international de films de femmes de Créteil. « Jusqu’en 1917, elle va cartonner, assure Véronique Le Bris. Pour moi, c’est simple, elle a tout inventé dans le cinéma de fiction ! »
Alice Guy va aussi tourner avec des animaux. (Photo : Régine Blaché-Bolton)
Mais ce succès ne va pas durer éternellement. En 1919, Herbert Blaché la quitte pour une actrice et part à Hollywood, le nouveau haut lieu du cinéma. Si elle traverse les États-Unis pour le rejoindre et l’assister sur le tournage de deux films, cela ne suffira pas à sauver leur couple : ils divorcent en 1922.
Parallèlement, comme expliqué dans le documentaire Elle s’appelle Alice Guy par l’actrice Alexandra Lamy qui incarne Alice Guy, « Herbert a joué en bourse toutes [leurs] économies et a tout perdu. » Une fois séparés, Alice doit « vendre tout ce que [son] mari a bien voulu [lui] laisser. Il a bradé [son] studio, joué avec [son] argent pendant des années ». Ruinée, Alice décide de rentrer en France avec ses deux enfants.
Morte sans avoir vu ses films
« Quand elle revient en France, quinze ans après être partie, elle pense que personne ne l’a oubliée. Et là, elle tombe des nues : toutes les portes du cinéma se ferment », relate Véronique Le Bris. « Elle a 50 ans. Elle vivote avec ses enfants et écrit des romans-feuilletons pour la presse », poursuit Emmanuelle Gaume.
Sa fille, Simone, trouve du travail à l’ambassade américaine. Alice va vivre à ses crochets et la suivre à Paris, en Suisse, à Bruxelles et aux États-Unis. « C’est une fusion mère-fille autour d’une dépendance mutuelle : Simone avait récupéré sa maman que le cinéma lui avait enlevée et Alice avait besoin de l’aide de sa fille. »
Alice Guy meurt le 24 mars 1968, à Wayne (New Jersey, États-Unis), à l’âge de 94 ans. « On dit qu’elle est morte sans avoir vu ses films », pointe Emmanuelle Gaume.
En effet, la cinéaste a à son actif plus de 800 films (le chiffre exact n’est pas connu), mais n’a pas réussi à remettre la main dessus de son vivant. Et pour cause : certains ont été détruits ou attribués à d’autres réalisateurs. « À l’époque, les films n’étaient pas signés, il n’y avait pas de générique. C’était des films de marque (Gaumont, Pathé…), pas de réalisateurs. Il ne faut pas oublier qu’au départ, le cinéma, c’est une industrie, rappelle-t-elle. Les films sont des produits, qu’on vend et qu’on doit produire en très grande quantité pour avoir toujours de la nouveauté. Les films, on les produit, on les détruit… »
Heureusement, pointe Jackie Buet, « avec le temps et grâce aux collectionneurs, on retrouve progressivement des films d’Alice Guy ».
(1) Le prix Alice Guy récompense les réalisatrices d’aujourd’hui, tout en mettant en avant « la pionnière des pionnières ». Des films d’Alice Guy sont présentés avant de primer une réalisatrice.
Première réalisatrice au monde, mais aussi productrice ou encore scénariste, Alice Guy est française. Elle est née il y a 146 ans et est l’une des pionnières du cinéma. Pourtant, peu de gens la connaissent. Portrait de cette femme au parcours extraordinaire.
Elle s’est fait une place dans le milieu du cinéma dès la fin du XIXe siècle et s’est distinguée par son talent. Pourtant, rien ne l’y prédestinait. Alice Guy est née à Saint-Mandé (Val-de-Marne) le 1er juillet 1873, il y a tout juste 146 ans.
Elle est la dernière d’une fratrie de cinq enfants. Tous vivent au Chili, où leur père, Émile Guy, est libraire. Seule Alice reste en France : « Elle est élevée par sa grand-mère, en Suisse, jusqu’à ses six ans, raconte Emmanuelle Gaume, qui a réalisé un documentaire sur cette femme, Elle s’appelle Alice Guy. Il y a un doute sur ses origines : elle ne serait pas la fille de son père, ce qui expliquait cette différence de traitement. »
Sa mère, Marie, revient la chercher et la ramène au Chili, où elle grandit auprès de sa famille pendant quelques années. « Elle voit sa mère très malheureuse. Ses souvenirs positifs, ce sont les moments avec ses nourrices chiliennes qui lui apprennent l’espagnol. D’ailleurs, Régine Blaché-Bolton, sa petite-fille, m’a raconté qu’Alice parlait en espagnol avec ses sœurs quand elles ne voulaient pas être comprises de leur entourage », sourit Emmanuelle Gaume. Son père va finalement la ramener en France et la placera dans un pensionnat à la frontière suisse.
Assistante de Léon Gaumont
L’unique frère d’Alice meurt à 17 ans d’une maladie cardiaque, juste avant son père. Alice va alors s’installer à Paris avec sa mère et va faire des études de sténographie. Cela va lui permettre de décrocher, à 21 ans, un emploi au Comptoir général de photographie.
« C’est un dénommé Léon Gaumont (qui n’est, à l’époque, qu’employé, et qui rachètera l’entreprise, NdlR) qui va la recevoir. Quand il lui dit qu’elle est bien jeune, elle lui répond : « Vous savez, la jeunesse, ça me passera. » Elle affirme qu’il l’a engagée de suite, poursuit Emmanuelle Gaume. Alice devient alors son assistante. »
Alice Guy en 1895, dans un petit film réalisé avec Léon Gaumont. (Photo : Régine Blaché-Bolton)
En mars 1895, elle assiste à un tournant du cinéma : elle se rend avec Léon Gaumont à la projection des frères Lumière qui montre La Sortie de l’usine Lumière à Lyon, considéré comme le premier film projeté sur grand écran.
C’est un déclic pour Alice. « Dans ses mémoires (Autobiographie d’une pionnière du cinéma, publié en 1976, huit ans après sa mort, NdlR), elle explique très bien qu’elle a laissé les hommes discuter de l’aspect technique, des caméras, pendant qu’elle s’apercevait que le cinéma allait permettre de raconter des histoires, et même des histoires inventées », détaille la journaliste Véronique Le Bris, fondatrice du webmagazine féminin dédié au cinéma Ciné-Woman, et à l’origine du prix Alice Guy. (1)
Le premier film de fiction au monde
Rapidement, Alice s’essaie à la réalisation, avec l’accord de Léon Gaumont, du moment que ce soit en dehors de ses heures de travail. En 1896, à peine âgée de 23 ans, elle tourne ce qui est considéré comme le tout premier film de fiction : La fée aux choux. Ce film fait d’elle la première réalisatrice au monde et marque le début de sa carrière, qui durera vingt-quatre ans. Dans ce court-métrage d’une minute, disponible sur YouTube, https://youtu.be/fMSbpeb2d6Y
une fée danse dans un champ et extirpe des bébés d’énormes choux.
Le film est un succès et Alice va progressivement prendre de l’importance au sein de Gaumont. « Léon Gaumont lui dit qu’elle peut continuer. Elle se prend au jeu et il s’avère qu’elle a vraiment du talent, commente Véronique Le Bris. Elle devient rapidement la directrice des prises de vue de Gaumont. »
Si elle tourne des films très différents, une thématique revient régulièrement, souligne Emmanuelle Gaume : « Une partie de son œuvre est plutôt sociale, elle aime faire des films qui traitent des droits des femmes et des enfants. Je pense notamment son film Les résultats du féminisme (1906), où les hommes et les femmes échangent leur rôle. C’est une comédie, mais qui dit quelque chose de la société de l’époque. »
« Be natural »
La même année, elle se fait remarquer avec « la première superproduction française » selon les mots de Véronique Le Bris : La Vie du Christ. Le film, qui dure 33 minutes, mobilise environ 300 figurants et « est tourné en décor naturel dans la forêt de Fontainebleau, une prouesse technique, s’enthousiasme Emmanuelle Gaume. Elle avait un sens extraordinaire du décor et des lumières comme l’a signalé Martin Scorsese (le réalisateur italo-américain avait fait un discours en son hommage, en 2001, NdlR). C’est ce qui fait l’originalité et la patte de son cinéma : elle se bat pour tourner dehors dans des décors naturels, avec des lumières naturelles, et avec des vrais gens. D’ailleurs, elle aura plus tard comme slogan « Be natural » (« Soyez naturel »). »
Alice va aussi tester le matériel qui est à sa disposition dans la maison Gaumont. Elle réalise ainsi, entre 1902 et 1906, une centaine de phonoscènes (en quelque sorte l’ancêtre du clip : des images sont synchronisées avec une bande-son, NdlR) : des opéras, des chansons ou encore des monologues. Un dispositif novateur, puisque le cinéma parlant n’arrive qu’en 1927.
En 1907, alors âgée de 33 ans, Alice Guy se marie : l’heureux élu s’appelle Herbert Blaché. C’est un Britannique de neuf ans son cadet, qui travaille lui aussi chez Gaumont. Juste après leur mariage, Léon Gaumont envoie Herbert Blaché aux États-Unis : il est chargé de promouvoir le chronophone, le procédé développé par Gaumont mais qui fera un flop, et de diriger les studios Gaumont à Flushing (Queens, New York). « Alice le suit, la mort dans l’âme », confie Véronique Le Bris. Le couple a un premier enfant, Simone. Mais la passionnée de cinéma s’ennuie loin des caméras.
La femme la mieux payée des États-Unis
Après avoir travaillé quelque temps dans la succursale Gaumont, Alice décide de voler de ses propres ailes. Elle fonde la Solax, sa société de production, en 1910. Elle rencontre très vite un succès phénoménal : « Avec 25 000 dollars de salaire mensuel, elle devient même la femme la mieux payée des États-Unis », écrit TV5 Monde dans un article datant de 2014.
Enceinte de son deuxième enfant – un garçon qui s’appellera Réginald – elle supervise la construction de son studio. Elle l’établit à Fort Lee, la capitale américaine du cinéma à l’époque. « Des westerns, des drames, des fictions sociales sur les travailleurs, sur les migrants, des comédies… Je crois qu’elle a exploré tous les styles », affirme Jackie Buet, directrice du festival international de films de femmes de Créteil. « Jusqu’en 1917, elle va cartonner, assure Véronique Le Bris. Pour moi, c’est simple, elle a tout inventé dans le cinéma de fiction ! »
Alice Guy va aussi tourner avec des animaux. (Photo : Régine Blaché-Bolton)
Mais ce succès ne va pas durer éternellement. En 1919, Herbert Blaché la quitte pour une actrice et part à Hollywood, le nouveau haut lieu du cinéma. Si elle traverse les États-Unis pour le rejoindre et l’assister sur le tournage de deux films, cela ne suffira pas à sauver leur couple : ils divorcent en 1922.
Parallèlement, comme expliqué dans le documentaire Elle s’appelle Alice Guy par l’actrice Alexandra Lamy qui incarne Alice Guy, « Herbert a joué en bourse toutes [leurs] économies et a tout perdu. » Une fois séparés, Alice doit « vendre tout ce que [son] mari a bien voulu [lui] laisser. Il a bradé [son] studio, joué avec [son] argent pendant des années ». Ruinée, Alice décide de rentrer en France avec ses deux enfants.
Morte sans avoir vu ses films
« Quand elle revient en France, quinze ans après être partie, elle pense que personne ne l’a oubliée. Et là, elle tombe des nues : toutes les portes du cinéma se ferment », relate Véronique Le Bris. « Elle a 50 ans. Elle vivote avec ses enfants et écrit des romans-feuilletons pour la presse », poursuit Emmanuelle Gaume.
Sa fille, Simone, trouve du travail à l’ambassade américaine. Alice va vivre à ses crochets et la suivre à Paris, en Suisse, à Bruxelles et aux États-Unis. « C’est une fusion mère-fille autour d’une dépendance mutuelle : Simone avait récupéré sa maman que le cinéma lui avait enlevée et Alice avait besoin de l’aide de sa fille. »
Alice Guy meurt le 24 mars 1968, à Wayne (New Jersey, États-Unis), à l’âge de 94 ans. « On dit qu’elle est morte sans avoir vu ses films », pointe Emmanuelle Gaume.
En effet, la cinéaste a à son actif plus de 800 films (le chiffre exact n’est pas connu), mais n’a pas réussi à remettre la main dessus de son vivant. Et pour cause : certains ont été détruits ou attribués à d’autres réalisateurs. « À l’époque, les films n’étaient pas signés, il n’y avait pas de générique. C’était des films de marque (Gaumont, Pathé…), pas de réalisateurs. Il ne faut pas oublier qu’au départ, le cinéma, c’est une industrie, rappelle-t-elle. Les films sont des produits, qu’on vend et qu’on doit produire en très grande quantité pour avoir toujours de la nouveauté. Les films, on les produit, on les détruit… »
Heureusement, pointe Jackie Buet, « avec le temps et grâce aux collectionneurs, on retrouve progressivement des films d’Alice Guy ».
(1) Le prix Alice Guy récompense les réalisatrices d’aujourd’hui, tout en mettant en avant « la pionnière des pionnières ». Des films d’Alice Guy sont présentés avant de primer une réalisatrice.
Re: Qui est Alice Guy, pionnière du cinéma de fiction injustement oubliée ?
Une pionnière tombée dans l’oubli
Alice Guy a été longtemps effacée de l’histoire du cinéma. (Photo : Régine Blaché-Bolton)
Emmanuelle Gaume, Jackie Buet et Véronique Le Bris s’accordent toutes sur le fait qu’Alice Guy, qui a d’ailleurs reçu la Légion d’honneur en 1958, n’est pas reconnue à sa juste valeur. « Il n’y a pas de volonté de montrer ses films, peu de rétrospectives lui sont consacrées, déplore Véronique Le Bris. Je trouve ça tellement injuste qu’on considère qu’elle n’a pas d’importance parce que c’est une femme ! » Jackie Buet abonde : « Il y a un temps d’oubli énorme la concernant. Je trouve qu’on devrait pourtant être fiers d’avoir une cinéaste aussi prolifique et talentueuse. »
Emmanuelle Gaume considère quant à elle qu’Alice Guy a en quelque sorte « de la chance : comme elle est la seule femme du début du cinéma, on s’intéresse facilement à elle aujourd’hui. Mais c’est aussi parce que c’est une femme qu’on a voulu l’éliminer de l’histoire. Il y a, sur les femmes artistes de tout temps, une omerta, un couvercle : on n’a pas voulu accepter qu’elles existent. »
Aujourd’hui, « la place des femmes dans le cinéma reste un problème », selon Jackie Buet, qui reconnaît toutefois que quelques initiatives commencent à être mises en place. Ainsi, en mai 2018, le Festival de Cannes a été le premier signataire d’une charte pour la parité femmes-hommes dans les festivals de cinéma. En 2019, leur liste des membres des comités de sélection et programmateurs était paritaire. Une petite avancée pour ce milieu encore très (trop ?) masculin.
Alice Guy a été longtemps effacée de l’histoire du cinéma. (Photo : Régine Blaché-Bolton)
Emmanuelle Gaume, Jackie Buet et Véronique Le Bris s’accordent toutes sur le fait qu’Alice Guy, qui a d’ailleurs reçu la Légion d’honneur en 1958, n’est pas reconnue à sa juste valeur. « Il n’y a pas de volonté de montrer ses films, peu de rétrospectives lui sont consacrées, déplore Véronique Le Bris. Je trouve ça tellement injuste qu’on considère qu’elle n’a pas d’importance parce que c’est une femme ! » Jackie Buet abonde : « Il y a un temps d’oubli énorme la concernant. Je trouve qu’on devrait pourtant être fiers d’avoir une cinéaste aussi prolifique et talentueuse. »
Emmanuelle Gaume considère quant à elle qu’Alice Guy a en quelque sorte « de la chance : comme elle est la seule femme du début du cinéma, on s’intéresse facilement à elle aujourd’hui. Mais c’est aussi parce que c’est une femme qu’on a voulu l’éliminer de l’histoire. Il y a, sur les femmes artistes de tout temps, une omerta, un couvercle : on n’a pas voulu accepter qu’elles existent. »
Aujourd’hui, « la place des femmes dans le cinéma reste un problème », selon Jackie Buet, qui reconnaît toutefois que quelques initiatives commencent à être mises en place. Ainsi, en mai 2018, le Festival de Cannes a été le premier signataire d’une charte pour la parité femmes-hommes dans les festivals de cinéma. En 2019, leur liste des membres des comités de sélection et programmateurs était paritaire. Une petite avancée pour ce milieu encore très (trop ?) masculin.
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