LA SANDALETTE DE PLOUHA
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Traité de Versailles. Le Breton Albert Jugon, "gueule cassée", assistait à la signature

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Traité de Versailles. Le Breton Albert Jugon, "gueule cassée", assistait à la signature Empty Traité de Versailles. Le Breton Albert Jugon, "gueule cassée", assistait à la signature

Message par Admin Mer 3 Juil - 22:17

Traité de Versailles. Le Breton Albert Jugon, "gueule cassée", assistait à la signature
© Le Télégramme https://www.letelegramme.fr/et-vous/grande-guerre-albert-jugon-pere-des-gueules-cassees-

Traité de Versailles. Le Breton Albert Jugon, "gueule cassée", assistait à la signature Sans2358
Blessé le 16 septembre 1914 en Belgique, Albert Jugon restera jusqu’en 1919 à l’hôpital du Val-de-Marne avec 200 autres mutilés du visage. Photo UBFT

Blessé au cours de la Première Guerre mondiale, Albert Jugon est l’une des cinq « Gueules cassées » présentes lors de la signature du Traité de Versailles, dont on fête le centenaire ce vendredi. Ce Breton, originaire d’Ille-et-Vilaine, n’aura de cesse de défendre le sort de ses compagnons d’arme. Il sera d’ailleurs l’un des cofondateurs de l’Union des Blessés de la face.

Fils d’un modeste tisserand breton, Albert Jugon naît le 3 octobre 1890 à Montreuil-sur-Ille, au nord de Rennes. Après ses études, il est incorporé le 19 octobre 1911 au 155e régiment d’infanterie, à Commercy, dans la Meuse. Promu caporal à la sortie de son service militaire, en septembre 1912, il quitte sa commune, comme beaucoup de Bretons de son âge, pour trouver du travail à Paris. Devenu aide-comptable, il s’installe à Argenteuil, en banlieue de la capitale, se marie et a deux filles. Mobilisé dès le 2 août 1914, Albert Jugon intègre le 1er régiment d’infanterie coloniale, basé à Cherbourg et quelques jours après, son unité part pour le sud de la Belgique : les soldats de la Coloniale sont engagés dans la bataille de Rossignol, le 22 août. Le Breton figure parmi les 400 survivants de la première brigade, qui comptait 6.800 hommes le matin même.

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Albert Jugon et Julien Szumlanski de l'association des Gueules cassées présentent un billet de loterie. Photo UBFT




Blessé lors de la bataille de la Marne


Suite à cette défaite, les armées françaises lancent une contre-offensive sur la Marne, au début du mois de septembre. Le régiment d’Albert Jugon est redéployé en Argonne. C’est là que la troupe est prise, le 16septembre, sous un violent bombardement allemand. Le Breton est touché par des éclats d’obus qui lui emportent la moitié de la figure et de la gorge ; une partie de sa langue est arrachée, son œil droit crevé… Malgré ses blessures, il trouve la force d’écrire sur un bout de papier : « Je suis certainement le plus grièvement blessé, évacuez les autres d’abord… et pensez à moi ensuite si vous avez le temps », message qu’il remet à un aumônier. Laissé pour mort pendant plusieurs jours au bord d’une tranchée, il est finalement ramassé par un brancardier et évacué à l’arrière, où il reste pendant plusieurs semaines entre la vie et la mort.

Gueule cassée

Albert Jugon est hospitalisé à Bordeaux puis à Paris, au sein de la 5e division du Val-de-Grâce du professeur Morestin, spécialiste de la chirurgie réparatrice. Surnommée « le service des baveux », car elle accueille les blessés de la face, cette section de l’hôpital ne désemplit pas durant le reste de la guerre. « Albert Jugon s’improvise l’infirmier de ses frères de souffrance, accomplissant les besognes les plus modestes et les plus touchantes, allant d’un lit à l’autre, prononçant à l’oreille de ceux qui souffraient les mots qui apaisent les douleurs, ceux qui réconfortent les âmes », raconte le site de la Fondation des Gueules cassées. Défiguré, le Breton restera au Val-de-Grâce jusqu’en 1919, avec 200 autres mutilés du visage encore en traitement. Cette année-là, Albert Jugon est désigné avec quatre autres convalescents pour assister à la signature du Traité de Versailles. En effet, Georges Clemenceau veut associer les grands blessés à ce traité de paix : « Vous avez souffert, mais voici votre récompense », s’exclame le président du Conseil.

Création de l’association

Malgré cet hommage, la réinsertion dans la société de ces blessés particuliers, qui sont tous des jeunes hommes dans la force de l’âge, est très compliquée. D’autant plus que les blessures au visage ne sont pas considérées comme invalidantes, et permettent peu l’obtention d’une pension. Face à ce constat, Albert Jugon et Bienaimé Jourdain, l’un de ses camarades rencontrés à l’hôpital, souhaitent créer une amicale d’anciens combattants blessés de la face. Les deux hommes placent à la tête de leur future association une personnalité : le colonel Yves Picot, un Brestois, mutilé comme eux, et député de Gironde. L’Union des Blessés de la face et de la tête est officiellement créée en 1921.

Si le nom initial, « Les Gueules cassées », a été refusé par la préfecture de Paris, cela n’empêche pas ses membres de se faire appeler ainsi pour marquer les esprits. Avec leur devise : « Sourire quand même », l’association multiplie les initiatives : rééducation des mutilés, allocations maladie et décès, aides aux orphelins, bourses d’études… Elle acquiert également plusieurs résidences pour accueillir les convalescents. « Jugon fut un grand animateur de l’Union des Blessés. Il s’occupait des détails, était omniprésent, exécutait les décisions et assurait le contact humain… », précise l’association.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Breton a la charge de préserver la maison de Moussy-le-Vieux, en Seine-et-Marne. À la mort de Jourdain, en 1948, Jugon devient secrétaire général de l’association. « C’est sur lui que reposa pendant les dix années qui suivirent, la destinée de l’Union. Soutenu par son idéal de solidarité humaine, il sut, une fois de plus, faire face aux événements en accueillant dans les rangs des "Gueules cassées" les nouvelles victimes de guerre venant d’Indochine et d’Algérie ». Albert Jugon s’éteint le 27 avril 1959 à Paris. Il repose au cimetière de Moussy, aux côtés du Colonel Picot et de Bienaimé Jourdain, et au milieu de ses camarades.

Pour en savoir plus

- Le site de l’Union des Blessés de la face, fondation des Gueules cassées : www.gueules-cassees.asso.fr

- « Le Colonel Picot et les Gueules cassées », N.Roubaud et R.N.Bréhamet, éd. NEL, 1960.

- « Gueules cassées… Et alors ? », C.Valade, éd. Alan Sutton, 2005.

- « Les Gueules cassées : les blessés de la face de la Grande guerre », S.Delaporte, éd. Agnès Vienot, 1996.





A l'origine de la création du Loto


L’Union des Blessés de la face est reconnue d’utilité publique dès 1927. Pourtant, dès son origine, elle refuse de demander des subventions publiques, préférant subvenir aux besoins de l’association et de ses membres par ses propres moyens. Malheureusement, la générosité du public ne suffit pas à soutenir financièrement le dispositif de prise en charge des mutilés de la face. C’est ainsi qu’Albert Jugon et ses amis lancent l’idée d’une grande souscription nationale, assortie d’une tombola, dont les lots vont de la bicyclette à l’avion de tourisme.

Appelée « la dette », cette loterie est lancée en 1927, et se développe avec d’autres associations de victimes de guerre dès 1931. Le premier billet est remis solennellement à Gaston Doumergue, président de la République, lors de sa visite au domaine de Moussy-le-Vieux. Le succès considérable de cette initiative amène l’État à créer, en 1933, la Loterie nationale au profit des anciens combattants et des calamités agricoles. Mais les billets émis sont trop chers (100 francs) et donc inaccessibles au plus grand nombre. Le colonel Picot a donc l’idée d’acheter les billets à l’État, de les fractionner en « dixièmes » qui seront ensuite revendus au public à un prix abordable. Une nouvelle fois, c’est un succès.

En 1935, l’État réglemente le fractionnement des billets entiers en dixièmes, officialisant ainsi la profession d’émetteurs de la Loterie nationale. Les Gueules cassées peuvent alors développer un réseau de distribution, offrant ainsi des emplois réservés aux mutilés et aux veuves de guerre. L’honorabilité des Gueules cassées leur permet très rapidement de décupler leurs ventes. Ils sont aidés en cela par la chance qui fait que, à de nombreuses reprises, le gros lot tombe entre les mains de gagnants qui ont acheté des dixièmes aux Gueules cassées. L’association restera associée à la Loterie nationale, puis au Loto (premier tirage en 1976) jusqu’en 1999.



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