Ce 14 mai, François Ravaillac, 32 ans, demeurant.......

Paris, place de Grève, 1610.

Ce 14 mai, François Ravaillac, 32 ans, demeurant à Angoulême vient de tuer Henri IV dans l'actuelle rue de la Ferronnerie à Paris.

Arrêté et conduit à l'hôtel de Retz près du Louvre, il est immédiatement interrogé
« incontinent après qu'il eut commis le parricide de feu Roy Henry IV ».

Il révèle être arrivé à Paris deux ou trois semaines auparavant et qu'il loge au faubourg Saint-Honoré à l'enseigne des Trois Pigeons devant l 'église St-Roch et avoir pour profession de montrer « aux enfans à prier Dieu en la religion catholique, apostolique et romaine ».

« A dit qu'il a cherché (le roi) au Louvre où il a été plusieurs fois depuis son dessein faisant état de le tuer dans le Louvre où il fut vendredy dernier entre les deux portes, le voyant sortir en son carrosse, (il) le suivit jusque devant les Innocents, environ le lieu en où il l'avoit trefois fortuitement rencontré, qu'il ne voulut parler à luy, et voyant son carrosse arresté par les charettes (Paris est déjà encombré par une circulation difficile!), Sa Majesté au fonds, tournant le visage et panché du costé de Mr d'Epernon, luy donna dans le costé d'un coup ou deux de son couteau, passant son bras au-dessus de la roue du carrosse ».

« Dit qu'il pense avoir fait une grande faute dont il demande pardon à Dieu, à la Reine, à Monsieur le dauphin, à la cour et à tout le monde qui en peut recevoir préjudice ».
Il reconnaît le couteau (qu'on lui présente)

« tranchant des deux costez par la pointe, ayant le manche de corne de cerf (qu'il a auparavant volé dans une auberge) qui luy fut osté par un gentilhomme qui étoit à cheval ».
« A dit que personne quelconque ne l'a induit à ce faire (à tuer le roi), que le commun bruit des soldats qui disoient que si le Roy qui ne disoit son conseil à personne, vouloit faire la guerre contre le Saint Père, qu'ils luy assisteroient et mourroient pour cela, à laquelle raison s'est laissé persuader à la tentation qui l'a persuadé de tuer le Roy par ce que faisant la guerre contre le pape, c'est la faire contre Dieu, d'autant que le pape est Dieu... » ( Il interprète la décision royale d'intervenir militairement dans la succession des principautés de Clèves et Juliers comme le début d'une guerre contre le pape).

Condamné au supplice des regicides ( main brûlée, la peau tenaillée sur laquelle du plomb fondu est versé puis écartelé), il expire son crime le 27 mai:


« Procès verbal de … ce qui se passa avant et après le suplice en la place de Grève, du vingt septième jour de may mil six cens dix.

Incontinant trois heures, tiré de la chapelle pour sortir (de) la Conciergerie, les prisonniers en multitude et confusion aux injures
« méchant, traître ! » et autres semblables, l'ont voulu offenser sinon que les archers et autres officiers de la justice présens pour la main
forte et les armes les ont empêchez.

Sortant (de) la Conciergerie, pour monter au tombereau et y étant, le peuple de tous côtez et en si grand nombre que toute la place étoit difficile aux archers et officiers de la justice pour la main forte, s'est mis à crier les uns « méchant ! » les autres « parricide ! », les autres « traître ! Meurtrier ! » et autres paroles d'indignation et opprobres, et s'efforçant plusieurs (de) l'offenser et se jetter sur luy, dont la force les a empêchés ; et faisant lecture de la condamnation, sur les mots « tué le Roy de deux coups de couteau » (ils ont) recommencé leurs cris à plus haute voix et les mêmes opprobres qui ont continué jusqu'à l'église de Paris (Notre-Dame) où la clameur et cris ont été semblables à la lecture de l'arrest qui a été là exécuté pour l'amende honorable puis conduit à la Grève, recevant en chemin les mêmes injures et clameurs d'indignation (et de) déplaisir... plusieurs voulant se jetter sur luy.

Le cry fait à la Grève avant que de descendre du tombereau pour monter sur l'échafaut, encore admonesté (de révéler d'éventuels complices), a réitéré (ses) précédentes déclarations et prières au Roy et à la Reine et à tout le monde de luy pardonner la faute qu'il avoit faite grande, et faire prier Dieu pour luy, le peuple continuant ses clameurs d'injures et indignation contre luy.


Monté sur l'échaffaut, y a été consolé et exhorté par les docteurs qui, ayant fait ce qui étoit de leur profession, le greffier l'a d'abondant exhorté, finissant sa vie, penser à son salut par la nüe vérité (on l'incite toujours à révéler ses éventuels complices), à quoy n'a voulu dire que ce qu'il avoit dit au précédent.

Le feu mis à son bras tenant le couteau, s'est écrié « Ah Dieu ! » et plusieurs fois dit : « Jésus Maria ! » ; par après tenaillé, il a réitéré les cris et prières, faisant lesquelles plusieurs fois admonesté à reconnaître la vérité, n'a dit que comme au précédent, et le peuple avec grand rumeur, crié et répetté les opprobres et injures disant qu'il le falloit là laisser languir (prolonger ses souffrances), puis avec intervalle, le (plomb) fondu et huille (bouillante) jetté sur les playes (plaies) où il avoit été tenaillé, a continué fort hautement ses cris.

Sur ce, les docteurs luy ont derechef parlé et à ce faire nom obligatoire par le greffier, ont voulu faire les prières accoutumées pour le condamné(pour prier pour le salut de son âme), se sont debout découverts et commencé publiquement mais tout aussitôt le peuple en (hurlant) et confusion a crié contre eux disant qu'il ne falloit (pas) prier pour ce méchant et ce damné et autres de paroles semblables telles qu'ils ont été contraints cesser, et lors le greffier luy a remontré comme la grande indignation du peuple étoit le jugement contre luy qui l'obligeoit à se disposer dautant plus à la vérité ; il a continué (et) dit : « il n'y a que moy qui l'aye fait ».

Fait tirer les chevaux environ demie heure par intervalle arrêtez, enquis et admonesté, a persévéré en ses dénégations, et le peuple de toutes qualitez qu'ils étoient proche et loin, continué ses clameurs et témoignages de ressentimens du malheur de la perte du Roy, plusieurs (se sont) mis à tirer les cordes avec telle ardeur que l'un de la noblesse qui étoit proche a fait mettre son cheval au lieu de
l'un de ceux qui étoit recru, et enfin par une grande heure tiré sans être démembré, a rendu l'esprit et lors démembré, le peuple de toutes
qualités se sont jetté avec épées, couteaux, battons et autres choses qu'ils tenoient à fraper, couper, déchirer les membres ardemment mis en diverses pièces ravis à l'exécuteur, les trainant de qui ça qui là par les rues de tous côtez avec telle fureur que rien ne les a pû arrêter et ont été brulez en divers endroits de la ville. »


Source : original (copie du XVIIIe s) visible sur le site criminocorpus.org.fr/bibliothèque/doc/187/


Eglise St Roch en face de laquelle logeait Ravaillac. Paris.


Rue de la Ferronnerie, Paris.

Santé ce de condamnation de Ravaillac.

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