Le Groenland s’assombrit, ce qui accélère son réchauffement

Par Olivier DUPLESSIX
Par manque de tempêtes apportant leur lot de neige fraîche, le Groenland s’assombrit. Une étude américaine a montré que ce changement n’est pas sans conséquence : moins blanc, le sol réfléchit moins la lumière du soleil, ce qui accélère le réchauffement du territoire.


Image satellite après image satellite, le manteau neigeux s’amenuise et devient gris, le paysage perd peu à peu de sa blancheur… Par manque de tempêtes apportant leur lot de neige fraîche, le Groenland s’assombrit. C’est ce que montre une étude publiée lundi 17 mai dans la revue Geophysical Research Letters. Les scientifiques ont effectué des mesures satellitaires et réalisé des modèles informatiques pour montrer que la réflectivité (ou albédo) de la calotte glaciaire a diminué au cours des dernières décennies.

La calotte glaciaire se réchauffe

Visible depuis le ciel, ce léger changement de couleur n’est pas sans conséquence : moins blanc, le Groenland réfléchit moins la lumière du soleil, ce qui accélère le réchauffement du territoire.

Selon les chercheurs, la température à la surface de la calotte glaciaire a déjà augmenté de 2,7 C° par rapport à 1982. En fondant, la neige laisse de gigantesques plaies de terre et de roche, plus sombres. Ainsi à nu, le sol absorbe plus de chaleur, ce qui accentue le réchauffement du Groenland.

Restait à comprendre cet assombrissement : est-il causé par la présence dans la neige de particules absorbant la lumière (de la suie issue de la combustion d’énergies fossiles), ou par autre chose ?

Pour répondre à cette question, des chercheurs américains du Dartmouth College, une université privée du New Hampshire, ont parcouru des centaines de kilomètres au Groenland afin de mener deux campagnes de prélèvements et de relevés, durant les étés 2016 et 2017.

Moins de tempêtes, cela signifie moins de neige fraîche à tomber. (Photod d’illustration : Jean-Yves Dufil)

« L’une des neiges les plus propres du monde »

Les mesures effectuées sur le terrain ont montré que la quantité d’impuretés était trop faible pour affecter l’albédo. Ce qui signifie que la pollution ne peut être tenue responsable de cet assombrissement : « Il s’agit de l’une des neiges les plus propres du monde », affirme Gabriel Lewis, l’un des principaux auteurs de l’étude.

Selon les scientifiques, il faut chercher du côté du ciel. Ils expliquent qu’un blocage atmosphérique, pouvant stagner plusieurs semaines au-dessus de certaines parties du Groenland, a réduit le nombre de tempêtes de neige. « Lorsque la neige tombe et reste à la surface, au soleil, elle change de forme et les flocons grossissent, explique Gabriel Lewis. Le même phénomène climatique entraîne par ailleurs le maintien d’air plus chaud au-dessus de ces régions, ainsi qu’une réduction de la couverture nuageuse. »

Le Groenland à commencer à fondre

Les rayons du soleil étant moins filtrés, la transformation des flocons de neige au sol est ainsi encore accélérée. « C’est comme un triple coup dur. Tout cela contribue à ce que le Groenland fonde de plus en plus vite, résume Erich Osterberg, chercheur principal pour cette étude. En quelques heures déjà, puis en quelques jours, vous obtenez cette baisse en réflectivité, et c’est pourquoi la neige fraîche est si importante. »

La fonte du Groenland devrait s’accélérer dans les années à venir. « On a du mal à appréhender cette vitesse de fonte, relate Pierre-Henri Blard, du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy. Le Groenland est tellement gros, qu’il faudra des centaines d’années pour qu’il fonde complètement… » Toujours est-il que les premiers effets du réchauffement climatique sont déjà perceptibles.