Archéologie. Un Breton fouille le net

Bertrand L'Hôtellier fait de la prospection aérienne sans quitter ses pénates grâce aux services de cartographie d'internet. Amateur éclairé, le Costarmoricain a déniché des sites archéologiques inédits du Grand-Ouest. «Site archéologique en vue!». Ce n'est pas derrière un hublot que Bertrand L'Hôtellier découvre de nouveaux horizons mais devant son écran d'ordinateur. Point de boussole, ni de cartes jaunies par le temps, pas d'avantage de pioche ou de lasso. Mais le logiciel de navigation 3D disponible sur internet: GoogleEarth. Grâce aux images enregistrées par satellites, le service de cartographie permet à n'importe qui et de n'importe où, de voir n'importe quel site du monde.

Des sites inédits Féru d'archéologie, Bertrand L'Hôtellier, de Pleumeur-Bodou, scrute les images de la région à ses heures perdues. À la recherche de traces au sol indiquant d'anciennes constructions, il publie chacune de ses trouvailles sur son blog «archeologie.canalblog.com».

http://archeologie.canalblog.com/


Créé en 2009, le site fait désormais figure de référence auprès des passionnés. Il va même remonter jusqu'aux oreilles des archéologues professionnels. Car des trésors, Bertrand L'Hôtellier en déniche. Octobre2011, il révèle la présence d'un site unique dans l'Orne, une enceinte quadrangulaire, sûrement protohistorique (bronze moyen, entre 1.500 à 1.200 ans avant J.C), près de Tournai-sur-Dive. «La Drac a confirmé cette découverte», appuie-t-il, enthousiaste. Car son activité ne consiste pas seulement à zoomer sur son écran. Il compare ensuite les traces avec les plans issus des cadastres napoléoniens ou encore les photographies de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). «La majeure partie des clichés date de 2003, période de canicule. Les zones humides comme les fossés fossilisés ressortent mieux».

«Un patrimoine à protéger» Parfois, Bertrand L'Hôtellier quitte son fauteuil et se déplace in situ: «Dans certains cas, je vais plus loin. À Plémy (22), par exemple, je suis convaincu qu'il y a un établissement gallo-romainimportant». Il déniche aussi les traces d'une double enceinte à Loudéac (22), «a priori totalement inédite». À la conquête de l'inconnu, il ne cesse d'explorer le territoire bretoncar «grosso modo, en dessous de la Loire, il n'y a plus grand-chose». Il communique chaque résultat de ses recherches, par mail, à la Drac. Une relation qu'il aimerait resserrer. «La prospection archéologique manque d'organisation. Les autorités doivent s'emparer de Google Earth pour ensuite prospecter au sol. Il y a urgence, un patrimoine à protéger. Du pain bénit pour les pilleurs», affirme l'explorateur. En attendant, s'il n'est pas encore l'interlocuteur privilégié des professionnels, il est celui des curieux et des connaisseurs: «Je reçois, en moyenne, une photo par jour de personne, de la France entière, me demandant d'interpréter les données. Elles sont souvent déçues d'ailleurs. Une trace de cercle, vue d'en haut, est le plus souvent une zone de pâture où un animal, attaché à un arbre, a tracé un rond, par exemple».

Érudit local Titulaire d'une maîtrise d'archéologie médiévale, Bertrand L'Hôtellier est considéré comme l'érudit local de la ville de Moncontour (22) dont il est originaire. Il a d'ailleurs participé à l'élaboration de l'ouvrage «LePatrimoine des communes des Côtes-d'Armor», paru aux Éditions Le Flohic, en 1999. Seul hic, les notices rédigées pour chaque objet du répertoire ont parfois alléché des cambrioleurs comme peut le faire son site, selon ses détracteurs. Car son activité ne fait pas l'unanimité. «Il est parfois reproché à mon blog de donner la localisation des sites et d'encourager indirectement les fouilles illégales. J'ai envie de répondre que les pilleurs munis de détecteur de métaux ne m'ont pas attendu». Si un incident lié à son blog lui revient, il promet de le fermer. Au risque de ne laisser aucun vestige de ses découvertes.