Des dizaines de milliers de tombes de poilus menacées de disparition
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Des dizaines de milliers de tombes de poilus menacées de disparition
C’est à la fois un devoir de mémoire et un travail de bénédictin qu’a entrepris Le Souvenir français. Dans une campagne lancée cet automne, l’association entend recenser les tombes des soldats morts en 1914-1918 et dispersés dans les cimetières des 36000 communes françaises. Il y a urgence, alors que la France célèbre le centenaire de la première guerre mondiale : nombre de sépultures sont menacées de disparaître, quand elles n’ont pas déjà disparu, faute d’entretien et d’héritiers pour en assurer la pérennité.
Le Souvenir français, dont l’appellation désuète remonte à sa création en 1887, est méconnu mais fort de 190 000 adhérents et 1750 comités locaux. Il s’est donné comme mission «l’entretien des sépultures et des monuments commémoratifs [qui rendent] hommage au courage et à la fidélité de tous ces hommes et ces femmes morts au champ d’honneur ». L’association refuse ainsi la fatalité qu’annonçait l’écrivain et ancien combattant Roland Dorgelès, auteur en 1919 des Croix de bois : « On nous oubliera, le temps inexorable fera son œuvre, les soldats mourront une seconde fois. »
«Le droit à une sépulture perpétuelle aux frais de l’Etat»
Paradoxe de la Grande Guerre. Elle reste dans l’histoire nationale comme l’un des pires moments d’inhumanité, de barbarie déguisée sous les atours d’un conflit moderne. Mais elle est aussi la première où le soldat a été considéré comme un individu, un être à part entière. Jusqu’alors, les militaires tués au combat étaient le plus souvent jetés, puis oubliés, dans des fosses communes, avec pour les plus chanceux l’aumône d’un monument collectif rappelant leur sacrifice. Il en était encore ainsi en 1914, au début des hostilités. Les « pertes» étaient enterrées à la va-vite, au gré de la guerre de mouvement. A l’exemple de l’écrivain Alain-Fournier, mort le 22 septembre 1914 et retrouvé en 1991 dans l’anonymat d’une fosse commune avec vingt camarades.
Mais, très vite, une protestation devait s’élever contre ce traitement dégradant. Sorti des rangs de l’armée, l’appel à la dignité des morts – à défaut de celle des vivants – était relayé par l’opinion publique puis les politiques. Il aboutit à deux lois en 1915. La première, du 2 juillet, créait la mention « mort pour la France », comme une reconnaissance de dette de la nation. La seconde, adoptée le 29 décembre 1915, accordait aux poilus « le droit à une sépulture perpétuelle aux frais de l’Etat ».
La grande majorité du 1,4 million de morts français fut regroupée dans les 265 nécropoles nationales, qui rassemblent 740 000 corps. Ces alignements de tombes font désormais partie du paysage dans l’est et le nord de la France. Leur entretien incombe à l’Etat, au ministère de la défense, par l’intermédiaire de l’Office national des anciens combattants. Mais, à la demande de certaines familles, les corps de 240 000 soldats français leur furent restitués après la guerre. Ils furent enterrés dans les cimetières communaux. Soit regroupés dans des petits carrés militaires (il en existe 3 200 sur le territoire). Soit inhumés près des leurs.
Un avertissement sur la stèle
C’est pour ces tombes que Le Souvenir français s’inquiète aujourd’hui. « Nous constatons qu’en pleine commémoration du centenaire, de nombreuses tombes d’ancien combattant disparaissent », regrette Serge Barcellini, le président général de l’association. Souvent trois ou quatre générations se sont succédé depuis l’armistice du 11 novembre 1918. Beaucoup de ces sépultures ont été délaissées par les héritiers. Or les communes ont le droit de récupérer un emplacement s’il n’est plus entretenu. Elles posent un avertissement sur la stèle qui est mis à exécution au bout de trois ans, si aucun ayant droit ne se signale. Les restes sont alors exhumés, incinérés ou déposés sous sac plastique dans l’ossuaire du cimetière.
Même les concessions accordées à perpétuité – le plus courant à l’époque – n’accordent aucune garantie d’éternité. Les communes peuvent les récupérer après trente ans pour le commun des mortels, cinquante ans pour les soldats tués au combat. A Paris, de nombreuses tombes de poilu ont ainsi disparu depuis longtemps. Dans la pratique, selon la tradition, du moins pour les petites communes qui ont moins le souci de la place que les grandes villes, les municipalités attendent souvent cent ans avant de libérer l’espace. Et c’est ainsi que les tombes des soldats de la première guerre se retrouvent actuellement menacées.
«Un élément de mémoire qui rassemble»
Le Souvenir français propose aux communes de prendre en charge l’entretien des tombes en déshérence. Tantôt l’association regroupe les dépouilles dans un carré militaire, comme elle l’a fait récemment dans le cimetière de Montrouge. Tantôt elle restaure les tombes individuelles : ce fut le cas en octobre de celle de Jean-Albert Montiès, mort en juillet 1918 et inhumé au cimetière Gaillard à Agen. « Ces tombes sont un élément de mémoire qui rassemble », justifie Serge Barcellini.
Dans le Nord, Philippe Duretête, responsable du comité Flandre-Lys du Souvenir français, fait ainsi le tour des cimetières de sa région à la recherche des stèles non entretenues. «Parfois, elles sont couvertes de lierre, les mentions sont effacées par l’humidité, explique ce bénévole, technicien de maintenance à Estaires. On engage alors le dialogue avec la mairie pour savoir quoi faire. » Les 45 membres de Flandre-Lys découvrent régulièrement de telles tombes délaissées. L’un d’eux récupère parfois dans la poubelle du cimetière un pot de fleurs pas trop moche, jeté par une famille. Il le dispose sur l’emplacement du poilu négligé par les siens et le pays. Afin de montrer que quelqu’un pense encore au « mort pour la France » abandonné là.
http://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/des-dizaines-de-milliers-de-tombes-de-poilus-menac%c3%a9es-de-disparition/ar-CCeOoj?li=AAaCKnE&ocid=ASUDHP
Le Souvenir français, dont l’appellation désuète remonte à sa création en 1887, est méconnu mais fort de 190 000 adhérents et 1750 comités locaux. Il s’est donné comme mission «l’entretien des sépultures et des monuments commémoratifs [qui rendent] hommage au courage et à la fidélité de tous ces hommes et ces femmes morts au champ d’honneur ». L’association refuse ainsi la fatalité qu’annonçait l’écrivain et ancien combattant Roland Dorgelès, auteur en 1919 des Croix de bois : « On nous oubliera, le temps inexorable fera son œuvre, les soldats mourront une seconde fois. »
«Le droit à une sépulture perpétuelle aux frais de l’Etat»
Paradoxe de la Grande Guerre. Elle reste dans l’histoire nationale comme l’un des pires moments d’inhumanité, de barbarie déguisée sous les atours d’un conflit moderne. Mais elle est aussi la première où le soldat a été considéré comme un individu, un être à part entière. Jusqu’alors, les militaires tués au combat étaient le plus souvent jetés, puis oubliés, dans des fosses communes, avec pour les plus chanceux l’aumône d’un monument collectif rappelant leur sacrifice. Il en était encore ainsi en 1914, au début des hostilités. Les « pertes» étaient enterrées à la va-vite, au gré de la guerre de mouvement. A l’exemple de l’écrivain Alain-Fournier, mort le 22 septembre 1914 et retrouvé en 1991 dans l’anonymat d’une fosse commune avec vingt camarades.
Mais, très vite, une protestation devait s’élever contre ce traitement dégradant. Sorti des rangs de l’armée, l’appel à la dignité des morts – à défaut de celle des vivants – était relayé par l’opinion publique puis les politiques. Il aboutit à deux lois en 1915. La première, du 2 juillet, créait la mention « mort pour la France », comme une reconnaissance de dette de la nation. La seconde, adoptée le 29 décembre 1915, accordait aux poilus « le droit à une sépulture perpétuelle aux frais de l’Etat ».
La grande majorité du 1,4 million de morts français fut regroupée dans les 265 nécropoles nationales, qui rassemblent 740 000 corps. Ces alignements de tombes font désormais partie du paysage dans l’est et le nord de la France. Leur entretien incombe à l’Etat, au ministère de la défense, par l’intermédiaire de l’Office national des anciens combattants. Mais, à la demande de certaines familles, les corps de 240 000 soldats français leur furent restitués après la guerre. Ils furent enterrés dans les cimetières communaux. Soit regroupés dans des petits carrés militaires (il en existe 3 200 sur le territoire). Soit inhumés près des leurs.
Un avertissement sur la stèle
C’est pour ces tombes que Le Souvenir français s’inquiète aujourd’hui. « Nous constatons qu’en pleine commémoration du centenaire, de nombreuses tombes d’ancien combattant disparaissent », regrette Serge Barcellini, le président général de l’association. Souvent trois ou quatre générations se sont succédé depuis l’armistice du 11 novembre 1918. Beaucoup de ces sépultures ont été délaissées par les héritiers. Or les communes ont le droit de récupérer un emplacement s’il n’est plus entretenu. Elles posent un avertissement sur la stèle qui est mis à exécution au bout de trois ans, si aucun ayant droit ne se signale. Les restes sont alors exhumés, incinérés ou déposés sous sac plastique dans l’ossuaire du cimetière.
Même les concessions accordées à perpétuité – le plus courant à l’époque – n’accordent aucune garantie d’éternité. Les communes peuvent les récupérer après trente ans pour le commun des mortels, cinquante ans pour les soldats tués au combat. A Paris, de nombreuses tombes de poilu ont ainsi disparu depuis longtemps. Dans la pratique, selon la tradition, du moins pour les petites communes qui ont moins le souci de la place que les grandes villes, les municipalités attendent souvent cent ans avant de libérer l’espace. Et c’est ainsi que les tombes des soldats de la première guerre se retrouvent actuellement menacées.
«Un élément de mémoire qui rassemble»
Le Souvenir français propose aux communes de prendre en charge l’entretien des tombes en déshérence. Tantôt l’association regroupe les dépouilles dans un carré militaire, comme elle l’a fait récemment dans le cimetière de Montrouge. Tantôt elle restaure les tombes individuelles : ce fut le cas en octobre de celle de Jean-Albert Montiès, mort en juillet 1918 et inhumé au cimetière Gaillard à Agen. « Ces tombes sont un élément de mémoire qui rassemble », justifie Serge Barcellini.
Dans le Nord, Philippe Duretête, responsable du comité Flandre-Lys du Souvenir français, fait ainsi le tour des cimetières de sa région à la recherche des stèles non entretenues. «Parfois, elles sont couvertes de lierre, les mentions sont effacées par l’humidité, explique ce bénévole, technicien de maintenance à Estaires. On engage alors le dialogue avec la mairie pour savoir quoi faire. » Les 45 membres de Flandre-Lys découvrent régulièrement de telles tombes délaissées. L’un d’eux récupère parfois dans la poubelle du cimetière un pot de fleurs pas trop moche, jeté par une famille. Il le dispose sur l’emplacement du poilu négligé par les siens et le pays. Afin de montrer que quelqu’un pense encore au « mort pour la France » abandonné là.
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