Bretagne 2070. Des vignes à la place des choux-fleurs ?

3 février 2016 à 12h09
/ Propos recueillis par Armelle Menguy


Élevé en Ille-et-Vilaine dans le milieu agricole, Jean Jouzel ne l'écarte pas. A l'horizon 2070.... L'un des plus grands spécialistes du climat à l'échelle de la planète ira le 12 février prochain à la rencontre des légumiers de la région paimpolaise. Il a bien voulu répondre à nos questions.


Connaissez-vous bien les inquiétudes du monde agricole à propos du réchauffement climatique ?

Il y a une semaine, je suis allé parler au conseil départemental d'Ille- et-Vilaine et il m'a été dit que les agriculteurs en crise, ceux qui manifestaient à ce moment-là, se posaient aussi beaucoup cette question du climat. Moi je n'oublie jamais de leur dire qu'ils sont l'un des acteurs du réchauffement, avec l'émanation des méthanes. Il y a forcément des impacts de leur part. Mais aussi des opportunités. La réalité, quand on regarde bien le réchauffement, ce sont des hivers de plus en plus doux ; de plus en plus humides aussi ; ça, c'est une moyenne à retenir car bien sûr, il y aura encore des hivers rigoureux.


Le message est-il difficile à faire passer ?

Le milieu agricole sait vivre avec un climat qui varie mais ce qui change la donne, c'est que nous ne sommes plus du tout dans le fait que cela a toujours été comme ça ! C'est très récurrent d'entendre qu'il s'agit de cycles, que ça va revenir comme avant, que cela a toujours existé. En fait c'est faux. Ça ne va pas revenir comme dans les années 60, qu'on se le dise ! Et cela, le milieu a du mal à s'en persuader.

Comment vont-ils devoir s'adapter ?

Déjà, il faut accepter les choses. C'est la meilleure façon de s'adapter. Et pour moi, le fait de s'adapter, c'est déjà un grand pas. Il faut aussi s'informer au maximum. Cette année, on a eu un hiver exceptionnellement doux ; ce ne sera peut-être pas pareil l'an prochain, mais vous savez, il n'y a pas de recette miracle. Il leur faudra sûrement changer leurs dates de semis, changer de modes de culture, peut-être même de variétés de légumes ; en ayant toujours en tête qu'à certains moments, ils auront de la surproduction. Et je rappelle que l'évolution va être lente.

La Bretagne a un climat tempéré. Va-t-elle le garder ?

Tant que le Gulf Stream nous protège, oui, le climat breton restera tempéré. Si on dit qu'on aura cinq degrés de plus à la fin du siècle, on aura alors un climat provençal actuel mais dans les dix à trente ans qui viennent, ce sera surtout plus de douceur et de pluie en moyenne. Je tiens à rappeler qu'il faut aussi se préoccuper des ressources en eau et qu'il va falloir replanter des haies qui ont la capacité à réguler les ruissellements d'eau.

On pourrait avoir des vignes à la place des choux-fleurs dans 50 ans ?

Ce n'est pas idiot de le penser ! Mais plus sérieusement, et à propos de vignobles, le Bordelais souffrira plus que la Bretagne. Car les légumes pourront supporter un degré de plus alors que les vignes, non. S'il fait trop chaud, il y aura plus de sucres dans le vin et le degré d'alcool augmentera.

En venant voir les légumiers le 12 février, qu'allez-vous surtout leur dire ?

Je n'ai pas encore préparé mon discours mais je vais évoquer la Cop 21, et surtout répondre à toutes leurs questions. Je sais qu'ils vont me parler du changement effectif du climat, qu'ils vont vouloir savoir si cela va s'amplifier et comment on peut expliquer le phénomène.


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