La belle vitrine du Salon de l’agriculture cache la vie brisée des paysans français
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La belle vitrine du Salon de l’agriculture cache la vie brisée des paysans français
La belle vitrine du Salon de l’agriculture cache la vie brisée des paysans français
Gérard Le Puill
Jeudi, 25 Février, 2016
Cette année, la mascotte du Salon de l’agriculture, Cerise, une vache de race bazadaise, n'arrivera pas à masquer la crise qui touche tous les secteurs agricoles : production laitière, viande bovine et même la production céréalière. Il a suffi que l’offre dépasse légèrement la demande solvable pour mettre les paysans en grande difficulté. A l'autre bout de la chaine, le consommateur n'est pas à la fête non plus. Pourtant, manger sain, manger juste et manger tous, c'est possible.
Pourquoi le prix du lait a-t-il tant chuté depuis un an ?
Dans les pays de l’Union européenne, entre 1984 et 2014, la production laitière était régulée par des quotas de production par pays. Ils avaient été mis en place en raison d’une surproduction durable, du temps où les prix agricoles étaient garantis dans une Europe à 10 pays contre 28 aujourd’hui. En France, les quotas ont donné un droit à produire et à ne pas dépasser par exploitation. Ce système a permis aux producteurs de percevoir des prix réguliers et suffisamment rémunérateurs.
Sur proposition de la Commission européenne, les pays membres décidèrent d’abandonner cette politique de régulation à partir d’avril 2015. Dès 2013, beaucoup d’éleveurs laitiers, poussés par leur laiterie, ont fait le choix d’augmenter leur troupeau dans plusieurs pays d’Europe. La collecte laitière européenne a augmenté d’environ 5 % en 2014 et 2015. Parallèlement, les débouchés se réduisaient à l’exportation, obligeant des laiteries à transformer toujours plus de lait en beurre et en poudre. Les cours de ces deux produits devenus excédentaires ont alors baissé, et les laiteries ont baissé le prix du lait payé aux paysans.
En France, des coopératives laitières avaient vendu des nouveaux droits à produire à leurs adhérents. Tel producteur rencontré en septembre 2015 a dépensé 2 900 euros pour avoir le droit de produire 80 000 litres de lait de plus dans son année, passant de 530 000 à 610 000 litres. Mais dans « l’Action agricole picarde » du 29 janvier dernier, on apprenait que la coopérative « Lact’Union » avait payé la tonne de lait 311 € en 2015, contre 366 € en 2014. Dans le cas d’un producteur qui aurait livré 610 tonnes en 2015, il aurait perçu 33 550 euros de moins qu’en 2014 pour un même volume. Une somme qui correspond en gros à la rémunération du travail de deux actifs.
Quand le lait ne paie plus, on sacrifie les vaches
Quand le nombre de vaches laitières augmente en Europe, on a aussi plus de veaux : la vache doit vêler chaque année pour maintenir son cycle de production laitière. La moitié des veaux étant des mâles, il y a plus d’animaux de boucherie. Davantage de vaches laitières de réforme partent aussi à l’abattoir tous les ans, surtout quand le prix du lait est en forte baisse. Elles sont transformées en viande hachée, vendue en steaks et autres préparations. Cela permet de convertir bas morceaux en pièces à griller en y introduisant de la graisse. En raison de son prix plus bas, le haché représente désormais 50 % de la consommation de viande bovine en France. Du coup, les pièces à griller issues de nos belles charolaises ou limousines peinent à trouver leur place sur les étals.
Parce qu’elle dispose de vastes zones herbagères, la France compte 4,2 millions de vaches à viande qui allaitent leur veau (contre environ 3,7 millions de laitières). Beaucoup de veaux issus de ces « allaitantes » sont vendus à dix mois à des pays comme l’Italie, l’Espagne, l’Algérie, la Grèce, la Turquie. Mais les vaches allaitantes de réforme et les génisses de trois ans sont surtout abattues en France. Et comme les abattages de bovins ont augmenté de 1,7 % en 2015 par rapport à 2014, cette petite offre supplémentaire a suffi pour faire baisser les cours. Or les éleveurs spécialisés en viande bovine ne vendent que des animaux de boucherie, et leur seule source de revenu est généralement inférieure à 1 000 euros mensuels par actif – quand leur niveau d’endettement ne les prive pas de tout revenu. Depuis les derniers avatars de la crise de la vache folle en 2001, le prix en rayon de la viande bovine a augmenté de 62 %, et les coûts de production dans les élevages de 58 %. Mais les prix payés aux paysans n’ont augmenté que de 10 à 15 %. Malgré un gain de productivité moyen de 2,5 % par an, les éleveurs de bovins à viande n’y arrivent plus.
Un temps de cochon pour les éleveurs de porcs
Selon Thierry Coué, syndicaliste breton de la FNSEA, beaucoup d’éleveurs de porcs en Bretagne perdent 600 euros par semaine. Cela dure depuis de longs mois et certains sont déjà ruinés. Dans l’élevage porcin aussi, la production européenne est supérieure aux débouchés solvables depuis que l’embargo russe empêche toute exportation vers ce pays, qui achetait du lard, des têtes, des pattes et autres bas morceaux aux abatteurs français. Le consommateur français, très amateur de jambon cuit et cru, ne consomme que 60 % de l’animal. Du coup les bas morceaux restent au frigo.
Parallèlement, les salaisonniers français importent de la viande. Ce qui met une pression permanente sur les cours à la production via le marché au cadran de Plérin, qui fonctionne selon le principe des enchères descendantes. L’éleveur doit se soumettre au prix proposé par tel ou tel acheteur où risquer de ne pas vendre ses cochons.
Performants techniquement, les éleveurs bretons, qui concentrent 58 % de la production porcine hexagonale, subissent directement la concurrence allemande, où beaucoup d’éleveurs tirent un revenu supplémentaire de la méthanisation des effluents d’élevage, qui permet de produire de l’électricité. Enfin, les abattoirs d’outre-Rhin utilisent 80 % de travailleurs détachés et sous-payés. De plus, leur viande est plus proche que celle des éleveurs bretons de certains bassins de consommation en France, ce qui est aussi le cas de la viande espagnole pour le sud du pays.
Depuis un an, même le prix du blé s’est effondré
La France a récolté 40 millions de tonnes de blé tendre en 2015. Elle n’en utilise que 5 à 6 millions pour faire du pain. Et à peine davantage pour l’alimentation du bétail. Depuis l’été dernier, la France dispose de plus de 30 millions de tonnes de blé pour l’exportation. Suite à trois récoltes abondantes au niveau mondial, l’offre planétaire dépasse la demande solvable. Les pays importateurs font jouer la concurrence. L’Égypte, premier importateur mondial de blé tendre, exige un taux de protéines de 11,5 %. Le blé français l’obtient difficilement car nos terres à blé manquent désormais de matière organique. Du coup, le prix du blé est tombé de 200 à 145 euros la tonne en France entre juillet 2015 et février 2016. Ce fonctionnement dévastateur de l’Europe agricole n’est hélas pas visible dans les allées du Salon de l’agriculture.
Re: La belle vitrine du Salon de l’agriculture cache la vie brisée des paysans français
En pleine crise des éleveurs, une chambre d'agriculture s'offre un voyage à 80.000 euros
◦Par Victoria Masson
◦Mis à jour le 24/02/2016 à 12:11
◦Publié le 24/02/2016 à 11:02
Depuis plusieurs semaines, les agriculteurs multiplient les manifestations, notamment en Bretagne, pour montrer leurs difficultés.
Alors que la colère gronde dans le monde agricole, des élus de la chambre du Finistère ont profité, avec leurs conjoints, d'un séjour de 10 jours en Afrique du sud. Les syndicats, indignés, demandent des explications.
AdvertisementARTICLE LE FIGARO
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/02/24/20002-20160224ARTFIG00113-la-chambre-d-agriculture-du-finistere-s-offre-un-voyage-a-80000-euros.php
80.000 euros. C'est le montant qu'a déboursé la chambre d'agriculture du Finistère pour envoyer 25 personnes, dont 11 élus, deux administratifs et 12 conjoints, pour un voyage d'étude en Afrique du sud, révèle la Coordination rurale dans un communiqué. Une escapade de 10 jours du 28 novembre au 11 décembre dernier qui, en pleine crise agricole, fait un peu tâche.
«Nous voulons savoir ce que l'on fait de l'argent qui doit revenir aux agriculteurs»
Vincent Pennober, de la Confédération paysanne
La Confédération paysanne et Coordination rurale, deux syndicats minoritaires dans la Chambre d'agriculture du Finistère, ont tenu lundi une conférence de pressepour demander des comptes. Ils ont également rappelé «qu'ils n'ont pas été associés à la décision de ce voyage», et regrettent avoir appris l'existence du voyage «par la presse». «Les finances de la chambre sont très serrées. Nous voulons savoir ce que l'on fait de l'argent qui doit revenir aux agriculteurs», dénonce Vincent Pennober de la Confédération paysanne lors de la conférence et relayé par le Télégramme. «Aller là-bas [en Afrique du sud] en période de crise, c'est être déconnecté de la réalité. Beaucoup de professionnels n'ont plus confiance dans leurs syndicats, cette opération risque de les discréditer encore plus», ajoute Véronique Le Floc'h de la Coordination rurale.
Une dépense difficile à justifier pour André Sergent, président de la chambre d'agriculture du Finistère. «Je sais que des SMS circulent encore à propos du voyage d'étude que nous avons effectué l'année dernière avec des chiffres démesurés sur le coût de ce déplacement, déclarait-il dans une interview au siteTerra. De tous temps, l'agriculture bretonne s'est développée chaque fois qu'elle est allée voir ailleurs et c'est un devoir pour les responsables de toutes les organisations agricoles. On ne prépare pas l'avenir en restant chez soi». Quelques jours plus tôt, une manifestation devant la chambre à Quimperdénonçait ce voyage, des banderoles indiquant «c'étais (sic) bien les vacances?», rapporteOuest France.
Les conjoints des élus ont assuré leurs parts du voyage, explique toutefois Jean-Hervé Caugant, vice-président de la chambre, au Télégramme. «Le voyage a coûté 80.000 euros dont 27.818 euros représentant la part des conjoints qu'ils ont assumée», précise-t-il. Les 50.000 euros restant ont été pris en charge par la Maison de l'élevage, association liée à la chambre. Quant à la possibilité d'annuler le voyage, elle avait bien été envisagé explique le vice-président au journal: «ce voyage était prévu depuis 2014, et nous avions failli l'annuler. Finalement, ce n'est jamais le bon moment».
ARTICLE LE FIGARO
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/02/24/20002-20160224ARTFIG00113-la-chambre-d-agriculture-du-finistere-s-offre-un-voyage-a-80000-euros.php
◦Par Victoria Masson
◦Mis à jour le 24/02/2016 à 12:11
◦Publié le 24/02/2016 à 11:02
Depuis plusieurs semaines, les agriculteurs multiplient les manifestations, notamment en Bretagne, pour montrer leurs difficultés.
Alors que la colère gronde dans le monde agricole, des élus de la chambre du Finistère ont profité, avec leurs conjoints, d'un séjour de 10 jours en Afrique du sud. Les syndicats, indignés, demandent des explications.
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80.000 euros. C'est le montant qu'a déboursé la chambre d'agriculture du Finistère pour envoyer 25 personnes, dont 11 élus, deux administratifs et 12 conjoints, pour un voyage d'étude en Afrique du sud, révèle la Coordination rurale dans un communiqué. Une escapade de 10 jours du 28 novembre au 11 décembre dernier qui, en pleine crise agricole, fait un peu tâche.
«Nous voulons savoir ce que l'on fait de l'argent qui doit revenir aux agriculteurs»
Vincent Pennober, de la Confédération paysanne
La Confédération paysanne et Coordination rurale, deux syndicats minoritaires dans la Chambre d'agriculture du Finistère, ont tenu lundi une conférence de pressepour demander des comptes. Ils ont également rappelé «qu'ils n'ont pas été associés à la décision de ce voyage», et regrettent avoir appris l'existence du voyage «par la presse». «Les finances de la chambre sont très serrées. Nous voulons savoir ce que l'on fait de l'argent qui doit revenir aux agriculteurs», dénonce Vincent Pennober de la Confédération paysanne lors de la conférence et relayé par le Télégramme. «Aller là-bas [en Afrique du sud] en période de crise, c'est être déconnecté de la réalité. Beaucoup de professionnels n'ont plus confiance dans leurs syndicats, cette opération risque de les discréditer encore plus», ajoute Véronique Le Floc'h de la Coordination rurale.
Une dépense difficile à justifier pour André Sergent, président de la chambre d'agriculture du Finistère. «Je sais que des SMS circulent encore à propos du voyage d'étude que nous avons effectué l'année dernière avec des chiffres démesurés sur le coût de ce déplacement, déclarait-il dans une interview au siteTerra. De tous temps, l'agriculture bretonne s'est développée chaque fois qu'elle est allée voir ailleurs et c'est un devoir pour les responsables de toutes les organisations agricoles. On ne prépare pas l'avenir en restant chez soi». Quelques jours plus tôt, une manifestation devant la chambre à Quimperdénonçait ce voyage, des banderoles indiquant «c'étais (sic) bien les vacances?», rapporteOuest France.
Les conjoints des élus ont assuré leurs parts du voyage, explique toutefois Jean-Hervé Caugant, vice-président de la chambre, au Télégramme. «Le voyage a coûté 80.000 euros dont 27.818 euros représentant la part des conjoints qu'ils ont assumée», précise-t-il. Les 50.000 euros restant ont été pris en charge par la Maison de l'élevage, association liée à la chambre. Quant à la possibilité d'annuler le voyage, elle avait bien été envisagé explique le vice-président au journal: «ce voyage était prévu depuis 2014, et nous avions failli l'annuler. Finalement, ce n'est jamais le bon moment».
ARTICLE LE FIGARO
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/02/24/20002-20160224ARTFIG00113-la-chambre-d-agriculture-du-finistere-s-offre-un-voyage-a-80000-euros.php
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