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Quand le libéralisme détruit l’agriculture

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Message par Admin Mer 27 Juil - 17:41

Gérard Le Puill
Lundi, 25 Juillet, 2016
Humanite.fr

Quand le libéralisme détruit l’agriculture 4513





Si le printemps pourri est responsable de la baisse sensible des rendements céréaliers en France cette année, c’est surtout la politique agricole de libre échange promue par la Commission européenne et acceptée par les Etats membres qui ruine aujourd’hui une bonne partie de la paysannerie. Raison de plus pour ne pas négocier un nouveau de libre échange avec les Etats-Unis.




Avec le beau temps, seulement perturbé par quelques orages locaux, la moisson avance vite. Il suffisait de se déplacer ce week-end entre l’Ile-de-France et la Corrèze pour s’en rendre compte, en Beauce comme en Champagne Berrichonne. Mais les rendements ne sont pas à la hauteur des attentes des paysans, qu’ils soient spécialisés dans ces productions ou qu’ils cultivent seulement quelques hectares afin d’avoir de la paille et du grain pour le bétail quand ils sont éleveurs. Alors que l’on laissait entendre un recul de 10% de la récolter de blé tendre par rapport à l’an dernier voilà deux semaines, on parle aujourd’hui d’un recul global de 20%, voire davantage en orge d’hiver comme en blé tendre. De plus, les grains étant petits, leur poids spécifique tourne souvent autour de 71-72 kilos pour un hectolitre de volume, soit cinq à six points de moins qu’en année normale. Facteur aggravant, les prix des céréales vont rester bas du fait d’un stock de report élevé dans les grands bassins de la production mondiale. Du coup, une qualité hétérogène risque de pénaliser les blés français, ainsi que l’orge, sur les marchés à l’exportation.

Opportuniste en diable, Valérie Pécresse, présidente Les Républicains de la région Ile-de-France , a publié dès le 22 juillet un communiqué dans lequel ont peut lire : « Les premiers rendements constatés sont historiquement bas et laissent présager d’importantes difficultés pour l’ensemble des producteurs, déjà fragilisés par plusieurs années de faibles cours et en particulier pour les jeunes installés(…) Valérie Pécresse demande au gouvernement de prendre en compte ce contexte dans le choix que doit faire la France d’ici fin juillet, dans l’application de la Politique agricole commune (PAC). La gravité de la situation impose aujourd’hui de sursoir à tout prélèvement supplémentaire sur le secteur des grandes cultures, tel qu’il est prévu par la réforme de la PAC ». A lire ce communiqué, on a le sentiment que son contenu a été suggéré par les militants franciliens de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), le syndicat spécialisés de la FNSEA pour les céréales à paille.

Cela étant, les céréaliers ne sont pas seuls à souffrir. Le Figaro de ce lundi publie plusieurs témoignages de paysans dont un éleveur de porcs de la Manche qui a pu renégocier « deux prêts de 300.000€ à un taux de 2% sur 15 ans, contre 4,8% et 5,6% auparavant ». Pourra-t-il pour autant s’en sortir ? Beaucoup dépendra d’une remonté durable des cours du porc, lesquels connaissent une embellie temporaire grâce aux importations chinoises qui risquent toutefois de n’être que ponctuelles. A propos du porc justement, un correspondant de La France Agricole à Amsterdam indique que la filière porcine de ce pays qui exporte beaucoup de viande et de charcuterie cumule un déficit de 2,7 milliards d’euros. L’élevage familial a beaucoup souffert ces dernières années de la présence des travailleurs détachés dans les fermes et surtout dans les abattoirs allemands qui ont réduit ainsi leurs coûts de production. Parallèlement, la production porcine montait aussi en puissance chez le voisin polonais.

Du coup, aux Pays Bas, ce que certains appellent «l’assainissement du secteur» sera, selon le correspondant de La France Agricole «orchestré par des sociétés de développement créées pour la circonstance. Elles accompagneront les cessations d’activité en douceur : arrêt et vente des exploitations, rachat des droits à produire, reconversion des terrains, des exploitants, des salariés… ». 60% des 5.000 élevages de porcs que compte actuellement le pays seraient ainsi condamnés à disparaître. Certains oseront peut-être parler de « destructions créatrices », au profit d’élevages plus grands et plus industrialisés. Mais n’est pas cela qu’il conviendrait d’éviter aujourd’hui si on veut réduire le bilan carbone de l’agriculture à production constante? Et ne faut-il pas se poser en permanence ce type de question tant pour la production céréalière, la production laitière et la production de viande qu’elle soit bovine, porcine ou autre ?

Ces questions étaient au cœur du débat que le MODEF de Corrèze organisait sur le TAFTA samedi à Chanteix à et qu’animait Olivier Morin, de l’Humanité l’occasion de la fête champêtre annuelle du syndicat paysan. Dans ce département on produit de la viande de qualité à partir de la valorisation de l’herbe et de cultures céréalières locales. Importer une viande bovine américaine dont nous n’avons pas besoin après une baisse sensible des tarifs douaniers serait un mauvais calcul économique et écologique. C’est ce qu’on montré plusieurs intervenants dont Patrick Sage, éleveur et secrétaire département du MODEF tout comme Jean Mouzat, président national du syndicat et éleveur à Chanteix. L’agriculture, ont-il montré n’a pas à servir de monnaie d’échange dans un troc dont le but serait de favoriser l’ouverture de certains secteurs du marché intérieur américain aux firmes européennes de l’industrie et des services. Invités à donner leur avis sur ce traité, les deux élus de droite dont le sénateur Daniel Chasseing ne savaient pas trop sur quel pied danser.

Ce débat a aussi montré que le public, dès lors qu’on l’informe des risques liés au réchauffement climatique, est plus sensible à cette question que la plupart des décideurs politiques. Ce sujet nous interpelle tous sur le type d’agriculture qu’il convient de mettre en place afin qu’elle soit de plus en plus résiliente face au réchauffement. Sans résoudre le moindre problème à court terme, la fuite en avant dans l’agrandissement d’exploitations spécialisées avec les économies d’échelle comme unique argument aggrave la situation à moyen et long terme. Cette indispensable réflexion portant sur le long terme et agri-écologie est totalement occultée par Xavier Beulin , président de la FNSEA qui , interrogé dans le Figaro de ce lundi, préconise indirectement la fuite en avant dans l’agrandissement quand il déclare : « il faudra aussi des mesures sociales d’accompagnement. Il est nécessaire de voir la réalité en face et d’oser parler de mesures de préretraite et de reconversion professionnelle… ».

Quand le libéralisme économique détruit à cet point l’agriculture et met la planète en danger, cette façon de « voir la réalité en face » est à trop courte vue monsieur le président de la FNSEA. Ainsi , ce matin , une longue dépêche de l’AFP indiquait que « entre 75.000 et 80.000 habitants » vivant dans le quartier de West Point à Monrovia « doivent quitter leur bidonville, le plus grand du Libéria, face à la montée des eaux » de l’océan. Tandis l’eau des puits est devenue salée et impropre à la consommation, le président d’une association de victimes de la montée des eaux déclare : « la seule solution c’est la délocalisation, sinon la totalité du quartier sera emportée par la mer ».
Les exemples de ce type sont désormais quotidiens. Les enjeux mis en exergue lors de la COP21 à Paris se confirment de manière accélérée avec ces six premiers mois de 2016 qui ont été les plus chauds sur la planète depuis que l’on y relève les températures. Ils confirment que « la maison brûle », en France comme ailleurs pour reprendre une expression désormais célèbre. Toutefois, la majorité des décideurs politiques, mais aussi certains responsables syndicaux, continuent de regarder ailleurs. Jusqu’à quand ?
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