Indemnités prud’homales :
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Indemnités prud’homales :
Indemnités prud’homales : le plafonnement, fausse bonne idée ?
Le Populaire du Centre
Plafonner les indemnités prud’hommes ? Le projet de loi El Khomri y songe, mais suscite un tel tollé que son examen a été reporté. Enquête.
«On voulait se défendre. Les patrons n'ont pas tous les droits. » Camille et Sophie (*) en ont fait une position de principe. Licenciées pour motif économique, l'été dernier, de leur entreprise de ganterie, à Saint-Junien, elles ont gagné, avec quatre autres collègues, leur procès en première instance devant les prud'hommes, début février. Enfin, « gagné » : neuf mois de salaire pour Camille, 53 ans, dont 38 ans dans la société en question et 500 € pour Sophie, la trentaine et quinze ans d'ancienneté. Elles n'ont d'ailleurs pas touché cet argent, la décision étant encore susceptible d'appel. « Il ne faut pas compter là-dessus pour rebondir et ça sera encore pire avec cette loi », tranche Camille.
Reporté de quinze jours
La loi en question, c'est le projet El Khomri, qui suscite une telle levée de bouclier que son examen en conseil des Ministres a été reporté, hier de quinze jours, par Manuel Valls. D'ici là, un nouveau round de négociations a été acté par la ministre du Travail. Le texte sera-t-il modifié ? Nul ne le sait, mais s'il était adopté en l'état, le montant des indemnités des deux travailleuses aurait sans doute été tout autre.
Le projet prévoit un barème, lié à l'ancienneté du salarié. Minimum : trois mois pour moins de deux ans de présence. Maximum : quinze mois pour les employés présents dans la société depuis plus de 20 ans. Le 23 février, neuf syndicats se sont prononcés contre ce dispositif. « Ça ne semble pas une bonne réponse à la situation économique actuelle, analyse Éric Brunie (CFDT). Les indemnités correspondent à un préjudice. Ce sont des dommages et intérêts, en quelque sorte, qui tiennent compte de situations particulières. » Pour Camille, comme pour Sophie, la procédure a servi à panser les plaies laissées par la violence d'un licenciement. « Ça répare tout le mal qu'on nous fait », précise l'aînée.
« En moyenne, les indemnités correspondent à dix mois de salaires, estime Dominique Pradignac, conseiller prud'homal, élu sur la liste CGT. En Haute-Vienne, on est autour de huit-neuf mois. C'est peu, surtout quand on sait que le délai moyen pour retrouver un emploi est de 497 jours. Ça ne couvre même pas cette période. »
Camille et Sophie, elles, ont eu la chance de retrouver un emploi « en cinq mois ». « Si ça n'avait pas été le cas, ce n'est pas avec neuf mois de salaires que j'aurais tenu jusqu'à la retraite », souligne Camille. « J'ai le cas d'un salarié, un cadre qui s'était beaucoup investi dans sa société, raconte Éric Brunie. On va demander un an de salaire. Avec le barème El Khomri, on pourrait être perdant. » Le plafonnement des indemnités pourrait également influer, à la baisse, sur les départs négociés. « Ça va avoir un effet négatif sur les ruptures conventionnelles », prophétise Laurent Guéry, président du Conseil des Prud'hommes de Limoges. Ça enlève aussi beaucoup de liberté aux juges. »
Le patronat partagé
Alors que le gouvernement voit dans cette limitation une façon d'encourager l'embauche, les organisations patronales sont plus partagées sur la question. « La situation économique est incertaine, analyse Jean-Christophe Chastagnier, patron du MEDEF 87. Il y a la peur du lendemain. En cas d'embauche, certains employeurs ont la crainte de ne pas pouvoir - ou alors très difficilement, se séparer du salarié. »
« Quand on embauche, on ne pense pas à ça, balaie Laurence Beaubelique, présidente de la CGPME Haute-Vienne. Les chefs d'entreprise ne pensent pas comme ça. Ce qui les pousse à embaucher, c'est l'activité et pas autre chose ». La représentante des PME y voit cependant un avantage, celui « de ne plus mettre en péril la vie d'une entreprise ».
« Le tribunal de commerce a déjà dit que nous étions des fossoyeurs d'entreprise, mais c'est faux, rejette Laurent Guéry. Franchement, avec la parité, on a l'objectivité : les employeurs que nous côtoyons connaissent les difficultés des entreprises. »
(*) Prénoms modifiés.
Sébastien Dubois
sébastien.dubois@centrefracne.com
Le Populaire du Centre
Plafonner les indemnités prud’hommes ? Le projet de loi El Khomri y songe, mais suscite un tel tollé que son examen a été reporté. Enquête.
«On voulait se défendre. Les patrons n'ont pas tous les droits. » Camille et Sophie (*) en ont fait une position de principe. Licenciées pour motif économique, l'été dernier, de leur entreprise de ganterie, à Saint-Junien, elles ont gagné, avec quatre autres collègues, leur procès en première instance devant les prud'hommes, début février. Enfin, « gagné » : neuf mois de salaire pour Camille, 53 ans, dont 38 ans dans la société en question et 500 € pour Sophie, la trentaine et quinze ans d'ancienneté. Elles n'ont d'ailleurs pas touché cet argent, la décision étant encore susceptible d'appel. « Il ne faut pas compter là-dessus pour rebondir et ça sera encore pire avec cette loi », tranche Camille.
Reporté de quinze jours
La loi en question, c'est le projet El Khomri, qui suscite une telle levée de bouclier que son examen en conseil des Ministres a été reporté, hier de quinze jours, par Manuel Valls. D'ici là, un nouveau round de négociations a été acté par la ministre du Travail. Le texte sera-t-il modifié ? Nul ne le sait, mais s'il était adopté en l'état, le montant des indemnités des deux travailleuses aurait sans doute été tout autre.
Le projet prévoit un barème, lié à l'ancienneté du salarié. Minimum : trois mois pour moins de deux ans de présence. Maximum : quinze mois pour les employés présents dans la société depuis plus de 20 ans. Le 23 février, neuf syndicats se sont prononcés contre ce dispositif. « Ça ne semble pas une bonne réponse à la situation économique actuelle, analyse Éric Brunie (CFDT). Les indemnités correspondent à un préjudice. Ce sont des dommages et intérêts, en quelque sorte, qui tiennent compte de situations particulières. » Pour Camille, comme pour Sophie, la procédure a servi à panser les plaies laissées par la violence d'un licenciement. « Ça répare tout le mal qu'on nous fait », précise l'aînée.
« En moyenne, les indemnités correspondent à dix mois de salaires, estime Dominique Pradignac, conseiller prud'homal, élu sur la liste CGT. En Haute-Vienne, on est autour de huit-neuf mois. C'est peu, surtout quand on sait que le délai moyen pour retrouver un emploi est de 497 jours. Ça ne couvre même pas cette période. »
Camille et Sophie, elles, ont eu la chance de retrouver un emploi « en cinq mois ». « Si ça n'avait pas été le cas, ce n'est pas avec neuf mois de salaires que j'aurais tenu jusqu'à la retraite », souligne Camille. « J'ai le cas d'un salarié, un cadre qui s'était beaucoup investi dans sa société, raconte Éric Brunie. On va demander un an de salaire. Avec le barème El Khomri, on pourrait être perdant. » Le plafonnement des indemnités pourrait également influer, à la baisse, sur les départs négociés. « Ça va avoir un effet négatif sur les ruptures conventionnelles », prophétise Laurent Guéry, président du Conseil des Prud'hommes de Limoges. Ça enlève aussi beaucoup de liberté aux juges. »
Le patronat partagé
Alors que le gouvernement voit dans cette limitation une façon d'encourager l'embauche, les organisations patronales sont plus partagées sur la question. « La situation économique est incertaine, analyse Jean-Christophe Chastagnier, patron du MEDEF 87. Il y a la peur du lendemain. En cas d'embauche, certains employeurs ont la crainte de ne pas pouvoir - ou alors très difficilement, se séparer du salarié. »
« Quand on embauche, on ne pense pas à ça, balaie Laurence Beaubelique, présidente de la CGPME Haute-Vienne. Les chefs d'entreprise ne pensent pas comme ça. Ce qui les pousse à embaucher, c'est l'activité et pas autre chose ». La représentante des PME y voit cependant un avantage, celui « de ne plus mettre en péril la vie d'une entreprise ».
« Le tribunal de commerce a déjà dit que nous étions des fossoyeurs d'entreprise, mais c'est faux, rejette Laurent Guéry. Franchement, avec la parité, on a l'objectivité : les employeurs que nous côtoyons connaissent les difficultés des entreprises. »
(*) Prénoms modifiés.
Sébastien Dubois
sébastien.dubois@centrefracne.com
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