développement du crédit, frein à la croissance
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développement du crédit, frein à la croissance
Le développement du crédit, frein à la croissance et moteur des inégalités
Par Romaric Godin | 29/03/2016, 17:29
•ARTICLE LA TRIBUNE
La finance est-elle une bonne base pour la croissance future ? (Crédits : © Lucas Jackson / Reuters) L'OCDE souligne dans une note que le développement du crédit finit par réduire la croissance à long terme. L'essor de la finance est, du reste, un facteur fort d'inégalités sociales.
Depuis plus de quarante ans, la croissance occidentale va souvent de pair avec une croissance du crédit et de la finance. L'âge d'or de cette logique a été le début des années 2000, mais le coup d'arrêt de 2007-2008. Depuis, les économistes et les politiques ont une attitude parfois assez peu clairvoyante sur les liens entre croissance et finance : à court terme, on tente de réamorcer la croissance par une reprise du crédit en se montrant prudent sur la régulation ou en inondant le système financier de liquidités, tandis qu'à plus long terme, on insiste sur la nécessité de trouver d'autres ressorts à la croissance et de mieux réguler les banques et le crédit.
L'effet négatif du crédit sur la croissance
Une étude publiée ce mardi 29 mars par l'OCDE examine les liens entre la croissance du crédit et les objectifs de croissance « durable » affichés par l'ONU, particulièrement la lutte contre les inégalités. Si les deux auteurs, Boris Cournede et Oliver Denk, soulignent que, dans les pays peu développés, le crédit peu avoir un effet très positif, il n'en va pas de même pour les pays plus développés. Sur les 50 dernières années, ils sont ainsi parvenus à la conclusion assez étonnante qu'une croissance de 10 % du PIB du crédit aux agents privés par les institutions financières conduisait en moyenne à un recul de 0,3 point de la croissance à long terme. Le crédit aux ménages aurait l'effet le plus négatif en ôtant pas moins de 0,7 point à la croissance à long terme pour une croissance de 10 % du PIB. « Aux niveaux atteints aujourd'hui par les pays de l'OCDE, une nouvelle accumulation du crédit est susceptible de réduire encore la croissance potentielle à long terme », concluent les auteurs.
Trop de crédits
Les auteurs soulignent que ce lien négatif s'explique par trois facteurs principaux. La dérégulation financière d'abord qui, si elle a pu profiter initialement à l'économie réelle, est, selon les auteurs « allée trop loin et a donné lieu à trop de crédits. » La nature des crédits ensuite. Le développement des crédits aux ménages pèse, on l'a vu, davantage sur la croissance et ce sont souvent ces crédits, via les emprunts à la consommation ou les emprunts immobiliers qui se sont développés, créant des corrections parfois violentes, comme on a pu le constater en Espagne, en Grèce ou en Irlande.
Le « too big to fail », handicap pour la croissance
Enfin, les deux auteurs soulignent un fait souvent sous-estimé : la règle du « trop grand pour tomber » (« Too big to fail »), qui revient en réalité à accorder une garantie implicite de l'Etat aux créanciers des banques, est un moyen supplémentaire de réduire la croissance à long terme. Les terribles corrections des pays d'Europe périphériques suite aux « sauvetages » bancaires l'ont empiriquement prouvé. Les auteurs constatent que l'effet négatif de la croissance du crédit sur la croissance à long terme est plus faible lorsque les créanciers ont supporté le coût d'une faillite bancaire. En bref, le développement de la finance profite de moins en moins aux économies et pèse négativement de plus en plus sur elles.
La finance, creuset des inégalités
L'étude de l'OCDE met également en avant le lien fort qui existe entre l'industrie financière et le creusement des inégalités. D'abord, par la forte proportion de salaires élevés dans l'industrie financière. Selon les auteurs, cette effet de distorsion est encore aggravé par la tendance à la croissance de ces salaires qui ne sont pas couvert par une hausse proportionnelle de la productivité, donc qui semble injustifiée et qui est de nature à creuser encore les inégalités. Le caractère naturellement inégal des richesses créées par les marchés financiers est également mis en avant.
L'inégalité de la distribution de crédits
Enfin, les auteurs soulignent les inégalités issues de la distribution de crédits. « Les banques concentrent leurs prêts sur les emprunteurs à fort revenus », souvent pour des questions de risques, relèvent les auteurs qui remarquent, par exemple, que « le crédit est deux fois plus inégalement répartis que les revenus des ménages dans la zone euro. » Du coup, les plus riches peuvent saisir davantage d'opportunités. Les crédits sont donc susceptibles « d'amplifier les inégalités de revenus, de consommation et d'opportunités. »
Des solutions ?
L'étude met en avant une série de solutions pour réduire ces effets négatifs. Les auteurs proposent de favoriser l'autofinancement par des incitations fiscales, de renforcer les ratios de capitalisation pour les banques ou d'encourager l'actionnariat le plus large possible. « D'autres réformes », ajoutent-ils, « sont nécessaires pour réduire les subventions implicites et explicites des institutions trop grandes pour tomber. » Parmi ces dernières, l'OCDE promeut des méthodes jugées radicales par beaucoup : séparation bancaire, scission des trop grandes banques et « plans de résolution crédibles. » Les auteurs préviennent qu'à court terme, ces mesures pourraient limiter la croissance, mais les effets à long terme seraient donc bénéfiques.
Une pierre dans le jardin de la BCE
Ce texte de l'OCDE est intéressant dans la mesure où il remet en cause plusieurs éléments sur lesquels la zone euro, notamment, tente de sortir d'une crise initialement causée par un excès de crédit accordés par les géants de la finance. La stratégie de la BCE de chercher à tout prix à relancer le crédit bancaire par les milliards d'euros de l'assouplissement quantitatif semble ainsi une lourde erreur sur le long terme. Les autorités monétaires et politiques feraient donc fausse route, principalement en raison d'un réflexe de dépendance vis-à-vis de la finance.
Un réflexe fâcheux
Ce réflexe - provoqué en partie seulement par les traités européens - empêche de développer des moyens alternatifs de relancer l'économie, notamment par l'utilisation massive des fonds de la BCE au profit des Etats ou de la BEI. La mise en place d'un "fléchage" vers des dépenses "utiles" de l'argent créé par la BCE pourrait aussi être une solution. Si l'on en croit l'OCDE, la croissance qui pourrait être issue de la politique actuelle devrait être structurellement plus faible.
Reposer la question de la séparation bancaire
Deuxième leçon : il semble que, contrairement à ce que prétend le secteur bancaire, le besoin de régulation reste d'actualité. La question notamment de la séparation bancaire afin de casser le « too big to fail » mériterait d'être à nouveau posée. Elle a été largement écartée par les Etats, notamment par le gouvernement français en 2012. Or, aucun plan de résolution crédible ne peut prendre place sans cette contrainte. Celui de l'union bancaire demeure essentiellement soumis à ce doute. Du coup, il n'est pas certain que la garantie implicite des Etats envers les géants bancaires soit levée. Dès lors, les effets négatifs du crédit moderne n'ont pas de raison de ne pas se reproduire à l'avenir.
Par Romaric Godin | 29/03/2016, 17:29
•ARTICLE LA TRIBUNE
La finance est-elle une bonne base pour la croissance future ? (Crédits : © Lucas Jackson / Reuters) L'OCDE souligne dans une note que le développement du crédit finit par réduire la croissance à long terme. L'essor de la finance est, du reste, un facteur fort d'inégalités sociales.
Depuis plus de quarante ans, la croissance occidentale va souvent de pair avec une croissance du crédit et de la finance. L'âge d'or de cette logique a été le début des années 2000, mais le coup d'arrêt de 2007-2008. Depuis, les économistes et les politiques ont une attitude parfois assez peu clairvoyante sur les liens entre croissance et finance : à court terme, on tente de réamorcer la croissance par une reprise du crédit en se montrant prudent sur la régulation ou en inondant le système financier de liquidités, tandis qu'à plus long terme, on insiste sur la nécessité de trouver d'autres ressorts à la croissance et de mieux réguler les banques et le crédit.
L'effet négatif du crédit sur la croissance
Une étude publiée ce mardi 29 mars par l'OCDE examine les liens entre la croissance du crédit et les objectifs de croissance « durable » affichés par l'ONU, particulièrement la lutte contre les inégalités. Si les deux auteurs, Boris Cournede et Oliver Denk, soulignent que, dans les pays peu développés, le crédit peu avoir un effet très positif, il n'en va pas de même pour les pays plus développés. Sur les 50 dernières années, ils sont ainsi parvenus à la conclusion assez étonnante qu'une croissance de 10 % du PIB du crédit aux agents privés par les institutions financières conduisait en moyenne à un recul de 0,3 point de la croissance à long terme. Le crédit aux ménages aurait l'effet le plus négatif en ôtant pas moins de 0,7 point à la croissance à long terme pour une croissance de 10 % du PIB. « Aux niveaux atteints aujourd'hui par les pays de l'OCDE, une nouvelle accumulation du crédit est susceptible de réduire encore la croissance potentielle à long terme », concluent les auteurs.
Trop de crédits
Les auteurs soulignent que ce lien négatif s'explique par trois facteurs principaux. La dérégulation financière d'abord qui, si elle a pu profiter initialement à l'économie réelle, est, selon les auteurs « allée trop loin et a donné lieu à trop de crédits. » La nature des crédits ensuite. Le développement des crédits aux ménages pèse, on l'a vu, davantage sur la croissance et ce sont souvent ces crédits, via les emprunts à la consommation ou les emprunts immobiliers qui se sont développés, créant des corrections parfois violentes, comme on a pu le constater en Espagne, en Grèce ou en Irlande.
Le « too big to fail », handicap pour la croissance
Enfin, les deux auteurs soulignent un fait souvent sous-estimé : la règle du « trop grand pour tomber » (« Too big to fail »), qui revient en réalité à accorder une garantie implicite de l'Etat aux créanciers des banques, est un moyen supplémentaire de réduire la croissance à long terme. Les terribles corrections des pays d'Europe périphériques suite aux « sauvetages » bancaires l'ont empiriquement prouvé. Les auteurs constatent que l'effet négatif de la croissance du crédit sur la croissance à long terme est plus faible lorsque les créanciers ont supporté le coût d'une faillite bancaire. En bref, le développement de la finance profite de moins en moins aux économies et pèse négativement de plus en plus sur elles.
La finance, creuset des inégalités
L'étude de l'OCDE met également en avant le lien fort qui existe entre l'industrie financière et le creusement des inégalités. D'abord, par la forte proportion de salaires élevés dans l'industrie financière. Selon les auteurs, cette effet de distorsion est encore aggravé par la tendance à la croissance de ces salaires qui ne sont pas couvert par une hausse proportionnelle de la productivité, donc qui semble injustifiée et qui est de nature à creuser encore les inégalités. Le caractère naturellement inégal des richesses créées par les marchés financiers est également mis en avant.
L'inégalité de la distribution de crédits
Enfin, les auteurs soulignent les inégalités issues de la distribution de crédits. « Les banques concentrent leurs prêts sur les emprunteurs à fort revenus », souvent pour des questions de risques, relèvent les auteurs qui remarquent, par exemple, que « le crédit est deux fois plus inégalement répartis que les revenus des ménages dans la zone euro. » Du coup, les plus riches peuvent saisir davantage d'opportunités. Les crédits sont donc susceptibles « d'amplifier les inégalités de revenus, de consommation et d'opportunités. »
Des solutions ?
L'étude met en avant une série de solutions pour réduire ces effets négatifs. Les auteurs proposent de favoriser l'autofinancement par des incitations fiscales, de renforcer les ratios de capitalisation pour les banques ou d'encourager l'actionnariat le plus large possible. « D'autres réformes », ajoutent-ils, « sont nécessaires pour réduire les subventions implicites et explicites des institutions trop grandes pour tomber. » Parmi ces dernières, l'OCDE promeut des méthodes jugées radicales par beaucoup : séparation bancaire, scission des trop grandes banques et « plans de résolution crédibles. » Les auteurs préviennent qu'à court terme, ces mesures pourraient limiter la croissance, mais les effets à long terme seraient donc bénéfiques.
Une pierre dans le jardin de la BCE
Ce texte de l'OCDE est intéressant dans la mesure où il remet en cause plusieurs éléments sur lesquels la zone euro, notamment, tente de sortir d'une crise initialement causée par un excès de crédit accordés par les géants de la finance. La stratégie de la BCE de chercher à tout prix à relancer le crédit bancaire par les milliards d'euros de l'assouplissement quantitatif semble ainsi une lourde erreur sur le long terme. Les autorités monétaires et politiques feraient donc fausse route, principalement en raison d'un réflexe de dépendance vis-à-vis de la finance.
Un réflexe fâcheux
Ce réflexe - provoqué en partie seulement par les traités européens - empêche de développer des moyens alternatifs de relancer l'économie, notamment par l'utilisation massive des fonds de la BCE au profit des Etats ou de la BEI. La mise en place d'un "fléchage" vers des dépenses "utiles" de l'argent créé par la BCE pourrait aussi être une solution. Si l'on en croit l'OCDE, la croissance qui pourrait être issue de la politique actuelle devrait être structurellement plus faible.
Reposer la question de la séparation bancaire
Deuxième leçon : il semble que, contrairement à ce que prétend le secteur bancaire, le besoin de régulation reste d'actualité. La question notamment de la séparation bancaire afin de casser le « too big to fail » mériterait d'être à nouveau posée. Elle a été largement écartée par les Etats, notamment par le gouvernement français en 2012. Or, aucun plan de résolution crédible ne peut prendre place sans cette contrainte. Celui de l'union bancaire demeure essentiellement soumis à ce doute. Du coup, il n'est pas certain que la garantie implicite des Etats envers les géants bancaires soit levée. Dès lors, les effets négatifs du crédit moderne n'ont pas de raison de ne pas se reproduire à l'avenir.
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