Carburants. La stratégie de la CGT n'est-elle pas risquée?
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Carburants. La stratégie de la CGT n'est-elle pas risquée?
Recueilli par Carine JANIN.
En privant les automobilistes de carburant, la CGT ne risque-t-elle pas de retourner l'opinion contre elle? L'analyse de Dominique Andolfatto, professeur de science politique.
Entretien avec Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, spécialiste du syndicalisme. Il est l'auteur, notamment, de « Histoire des syndicats » (1906-2010), paru au Seuil en 2011.
Dominique Andolfatto, professeur de science politique.
En se radicalisant, avec l'appui de la Fédération de la chimie, dont relèvent les raffineries, que cherche la CGT?
Elle constate que la stratégie de la rue patine. Le volume des manifestations n'est pas à la hauteur de ses attentes et le gouvernement fait la sourde oreille. Tout cela exaspère la direction de la CGT… Qui n'entend pas en rester là et veut lancer toutes ses forces dans le mouvement comme s'il s'agissait, pour elle, d'une sorte de va-tout.
Elle cherche à retrouver ou réaffirmer son leadership syndical, écorné par un tangage de la direction depuis le départ de Bernard Thibault et des déboires électoraux.
Sans doute s'agit-il aussi, plus ambitieusement, d'affirmer un leadership de l'opposition de gauche au gouvernement, cette opposition étant émiettée, sinon orpheline.
Ce serait faire d'une pierre deux coups : faire échec à une réforme-clé pour le pouvoir et au « social-libéralisme » qui l'animerait (selon ses opposants) et reconquérir un rôle politique central.
En bloquant les raffineries, la CGT ne risque-t-elle pas de retourner l'opinion contre elle?
En effet, qui dit « va-tout » dit aussi « quitte ou double ». Une partie de l'opinion est très critique. Le rationnement de carburant, et la crainte de ne pouvoir aller travailler, avec la perte de pouvoir d'achat qui s'en suivrait, ne peuvent guère réjouir…
Tout cela pour un bénéfice, à terme, qui reste à discuter.
Cela dit, la direction de la CGT fait aussi le pari que le grand nombre de mécontents de l'action de François Hollande, l'impopularité du gouvernement joueront en sa faveur. Autrement dit, qu'elle finira bien par gagner quelque chose.
En quelque sorte, la CGT fait le pari que le contexte présente un effet d'aubaine pour elle… Et, bien sûr, aboutira au retrait d'une réforme qu'elle-même, et l'opinion publique, rejettent.
François Hollande a parlé ce matin d’une stratégie « portée par une minorité ». Qu’en pensez-vous?
La Fédération de la chimie, celle des ports et docks, sur lesquelles s'appuie la direction de la CGT pour relancer le mouvement social contre la loi El Khomri, sont un peu le conservatoire de la lutte des classes, au sein de la CGT.
Mais ce syndicalisme de classe et de lutte n’est pas forcément représentatif de toute la confédération CGT, convertie à un certain réalisme économique et politique depuis les années 1990. Sur le terrain, les équipes de la CGT ne sont pas nécessairement dans des stratégies permanentes de rapport de force avec les représentants patronaux, et sont moins jusqu'au-boutistes, plus constructives.
Cela dit, le leader de la CGT, Philippe Martinez, paraît très soutenu. Il a été largement adoubé à la tête de la CGT lors du récent congrès, à Marseille. On ne peut donc pas sous-entendre que sa stratégie serait minoritaire…
La CGT cherche aussi à conserver sa place dans le paysage syndical français?
Oui. Depuis les années 1990, la CGT ne faisait plus des luttes une valeur cardinale. Elle affirmait parallèlement un syndicalisme plus constructif, un syndicalisme de négociations et de propositions.
Mais la nouvelle direction - sans doute pour consolider sa légitimité et redonner à la CGT une plus forte « aura » - a décidé de renouer avec certains fondamentaux : « lutte des classes » et « grève générale » ….
Avec les nouvelles règles de représentativité syndicale qui s'appliqueront l'an prochain, et qu'elle a elle-même souhaitées, la CGT a d'ores et déjà déjà perdu la première place dans les entreprises de plus de 50 salariés, étant doublé par la CFDT. Laquelle a choisi de faire profil bas, mais semble récolter les fruits d'un travail syndical de fond.
Comment cela peut-il finir?
Difficile de faire de la météo sociale. Les actions de blocages se terminent souvent aussi soudainement qu'elles ont commencé. Soit leurs protagonistes obtiennent gain de cause, en tout ou partie. Soit le mouvement finit par s'épuiser.
La CGT semble faire le pari que l'opinion publique la soutient et paraît résolue à faire durer le mouvement tant que le gouvernement ne cèdera pas.
Mais cette opinion, empêchée de se déplacer, voire de travailler et de gagner sa vie, pourrait se retourner rapidement...
http://www.ouest-france.fr/economie/transports/penurie-de-carburant/la-strategie-de-la-cgt-nest-elle-pas-risquee-4248246
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