Loi Travail : l'article dont personne ne parle

Publié le 04/09/2016 à 19:56
Loi Travail : l'article dont personne ne parle
Gael Chatelain / consultant en management/organisation et auteurLe 31/08 à 10:28



Loi Travail : l'article dont personne ne parle

LE CERCLE/HUMEUR - Non, la loi Travail ne se résume pas au très contesté article 2 portant sur « la hiérarchie des normes ». Un autre article, moins connu, s'intéresse quant à lui au droit à la déconnexion. Oui, Myriam El Khomri pense à notre bien-être au travail.

123 articles et 100 pages d’un texte indigeste au possible. L’ennui et le sommeil m’assaillaient gravement lorsque, page 73 de la version de la loi publiée dans le journal officiel du 9 août 2016, mon intérêt est (enfin) titillé. La loi Travail parle du droit à la déconnexion numérique et ne se résume pas uniquement à l'article 2 sur la « la hiérarchie des normes » !

L’article L. 2242-8 du Code du travail est ainsi modifié. Attention, prenez votre respiration : « Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur élabore une charte, après avis du comité d’entreprise ou à défaut, des délégués du personnel.

Cette charte définit ces modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en oeuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017. »

Des sujets mis sur la table

Dit autrement, toutes les entreprises vont devoir mettre sur la table l e sujet du droit à la déconnexion avant janvier prochain ! Certes, il n’y a rien de coercitif dans cette loi puisque si aucun accord n’est trouvé, une simple charte pourra être mise en place. Mais, a minima, admettons que le fait d’obliger les entreprises à parler de ce sujet est déjà un progrès. En effet, les sujets suivants devront être abordés :

1) Quid des courriels après 19.00 ? Faudra-t-il, comme Volkswagen en Allemagne, fermer les serveurs entre 18.00 et 8.00 du matin ?

2) Quid des courriels pendant les vacances ? Faudra-t-il comme Daimler (encore en Allemagne) les supprimer totalement ?

3- Quid des ordinateurs portables qui peuvent, au final, être un fil à la patte du collaborateur ?

Lire aussi :

> 5 bonnes raisons d'oublier ses mails pendant les vacances

http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-158867-5-bonnes-raisons-pour-oublier-vos-mails-pendant-vos-vacances-2014064.php?OW9eJevyHuFFd5QQ.99


> Benoît Hamon veut pousser les entreprises à un « devoir de déconnexion »
http://business.lesechos.fr/directions-numeriques/digital/transformation-digitale/021751474118-loi-travail-benoit-hamon-veut-pousser-les-entreprises-a-un-devoir-de-deconnexion-208220.php?dYQcM6fLmCAYRKhg.99


4- Quid des téléphones portables professionnels qui finissent par se transformer en bureau mobile permettant de gérer courriels, SMS et appels pro quasiment H24/365 jours par an ?

5- Quid des vidéoconférences qui transforment son chez-soi en annexe du bureau ? Parler à son boss en sortant de la douche… pas toujours plaisant.

6- Quid des GPS sur les voitures de fonction ?

Un droit bientôt reconnu, même s'il reste des progrès à faire

Tous ces sujets deviennent critiques en entreprise. Les générations Y et Z ne peuvent pas s’en souvenir. Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre... un temps où ni le web, ni les ordinateurs portables, ni les smartphones n’étaient présents. Les ultra-connectés diront que tous ces outils ont grandement amélioré la productivité des collaborateurs.

La réalité est toute différente. En supprimant la coupure quotidienne avec le travail, sans parler des vacances, le niveau de stress augmente et, in fine, l’implication et l’efficacité au quotidien s’en trouvent réduites. En France, on parle de 3,2 millions de personnes au bord ou en train de faire un « burn-out » !

Ne soyons pas naïfs, la loi Travail portée par Myriam El Khomri ne changera pas grand-chose à court terme. Cependant, même si dans la plus grande partie des entreprises, il n’y aura qu’une simple charte en lieu et place d’un règlement du type Volkswagen ou Daimler, a minima, le sujet sera mis sur la table et gageons que certaines d’entre elles saisiront cette occasion pour mettre en place une véritable politique du bien-être en entreprise, incluant le droit à la déconnexion, politique qui sera l’occasion pour elles de communiquer vers l’extérieur de façon positive en travaillant son image recruteur.

De façon cynique, ce seront les entreprises en avant sur ces sujets qui attireront les meilleurs éléments. Un certain nombre d’entreprises ont déjà des chartes, mais, trop souvent, il ne s’agit que de déclaration d’intentions. Désormais, il s’agit de mettre la technologie au service du bien-être des collaborateurs.

Trop de managers se disent « si mes collaborateurs répondent à mes mails la nuit, ce n’est pas de ma faute, je ne les force pas à le faire ». L’entreprise doit prendre le relai et couper les serveurs mails… faire en sorte que la technologie soit une opportunité, pas une menace.

Gaël Chatelain est consultant en management/organisation et auteur

@gchatelain

article les echos



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http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-159978-ce-dont-personne-ne-parle-pas-sur-la-loi-el-khomeri-2023852.php?wxWbgbAPy4zD6YRp.99