Frappée par sa supérieure,salariée a ensuite été licenciée
Page 1 sur 1
Frappée par sa supérieure,salariée a ensuite été licenciée
Publié le 12/10/2016 à 17:41 ARTICLE msn
Getty Images Nada, ancienne femme de ménage conteste son licenciement aux prud'hommes. Elle affirme avoir brutalisée par sa chef. "La direction a sanctionné la supérieure", répond l'entreprise.
Nada, femme de ménage dans une entreprise pendant 20 ans, affirme avoir été brutalisée par sa chef. Son employeur lui a reproché des fautes professionnelles et l'a licenciée. Elle conteste cette décision aux prud'hommes.
Les conflits qui animent les prud'hommes reflètent quotidiennement notre histoire sociale. L'audience en bureau de jugement est publique. Régulièrement, une journaliste de L'Express assiste aux débats.
Paris, tribunal des prud'hommes, section commerce, le 13 juin 2016 à 16h15.
Le président est entouré de trois conseillers. Deux avocates lui font face.
Le président: "Vous nous indiquez le contexte ?"
L'avocate de Nada: "Frappée par sa supérieure, ma cliente, salariée femme de ménage, reçoit un avertissement avant d'être licenciée. Elle n'a jamais fait de vagues pendant 22 ans. Elle reçoit une sanction disciplinaire puis on la licencie en lui reprochant des fautes au niveau de son travail."
Le président: "A-t-elle mené une action pour cette agression ?"
L'avocate de Nada: "Oui monsieur le président. Ma cliente a déposé une main courante que vous avez dans le dossier. Elle s'est sentie victime. Elle avait une ecchymose à l'oeil. Elle avait 61 ans. A la suite de cette agression, elle a eu de graves problèmes de santé. Elle est entrée dans un état dépressif et s'est fait licencier après avoir reçu une sanction disciplinaire. Venir devant votre conseil après tant d'années puisque l'affaire s'est déroulée en 2012 peut paraître dérisoire. Mais ce dossier introduit en 2014 a d'abord été radié puis rétabli pour différentes raisons de procédure qu'il n'est pas utile de préciser, sauf si le conseil souhaite que je m'en explique. Ma cliente reçoit l'aide juridictionnelle (1) : voilà dans quelles conditions je me présente à vous. Je souhaite une réparation, l'annulation de l'avertissement du 30 octobre 2012 et 5.856 euros de dommages et intérêts pour les faits que je vous ai exposés."
L'avocate de l'employeur: "Je souhaite faire une petite rectification. Cette salariée n'a pas travaillé 22 ans pour la société que je représente mais 4 ans puisque votre cliente était dans une entreprise qui a été rachetée 4 ans avant les faits."
L'avocate de Nada:"Ce n'est pas l'objet du débat."
L'avocate de l'employeur:"Monsieur le président, on vous saisi en 2014, plus de deux ans après l'avertissement et on vous demande 4 mois de dommages et intérêts. Je reprends l'affaire. Le 2 octobre 2012, la supérieure hiérarchique de cette salariée lui explique pour la n-ième fois que sa prestation ne convient pas. Visiblement, il y a eu une altercation et sa supérieure hiérarchique l'a poussée. Je veux ici rassurer le conseil: la direction a sanctionné la supérieure par une mise à pied pour motif disciplinaire."
Le président: "La salariée brutalisée a, elle aussi, été sanctionnée !"
L'avocate de l'employeur: "La salariée reçoit un avertissement le 30 octobre pour des faits d'insuffisance professionnelle puis elle est licenciée. Elle n'a pas contesté l'avertissement à l'époque. De plus, même si elle a été bousculée, l'état de la salariée ne nécessite pas d'arrêt de travail."
L'avocate de Nada:"Confrère, vous savez très bien que ma cliente n'est pas une spécialiste des rouages juridiques. Elle ne s'arrête pas même si elle est blessée car elle a peur de perdre son travail. Elle ne conteste pas l'avertissement car elle ignore la procédure. Contrairement à l'employeur, elle n'a pas de conseil juridique. En revanche, elle agit quand elle prend conseil. Légalement, elle est dans les temps."
L'avocate de l'employeur: "Vous me donnez des certificats sur son état d'anxiété qui ne sont pas émis sur le moment mais 13 mois plus tard."
Le président: "Le conseil regardera les pièces, rassurez-vous."
L'avocate de l'employeur:"Un dernier mot monsieur le président. Cette dame a reçu ses indemnités de licenciement qui n'ont pas été contestées, elle avait des droits au chômage dont elle a pu bénéficier. Ensuite, toujours indemnisée par Pôle emploi, elle fait valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2015. En conséquence, je ne vois pas où est le préjudice subi et les 4 mois de dommages et intérêts ne sont pas justifiés. Je me permets de rappeler à votre conseil que le préjudice doit maintenant être démontré. Il n'y a plus de préjudice de principe depuis un arrêt récent de la cour de cassation."
16h40. Le président:"Les débats sont clos."
Verdict, le 19 septembre 2016.
L'avertissement du 30 octobre est annulé et la société est condamnée aux dépens (2).
(1) L'aide juridictionnelle permet, pour les personnes qui ont de faibles ressources, de bénéficier d'une prise en charge totale ou partielle par l'État des honoraires et frais de justice, et notamment pour pouvoir se faire assister par un avocat.
(2) En matière civile, les frais directement liés à la procédure sont appelés dépens, c'est-à-dire que le juge décide qui doit supporter le remboursement des frais de procédure.
Préjudice issu du licenciement: il faut désormais le prouver
Le préjudice de principe (ou automatique) issu du licenciement n'existe plus. Il était acquis depuis un arrêt de la cour sociale de la chambre de cassation du 29 avril 2003 (pourvoi 01-41364). Ce raisonnement avait abouti à l'arrêt du 11 janvier 2006 (pourvoi 03-46933) et à la jurisprudence du "cause nécessairement un préjudice". Cette non-obligation de prouver un préjudice était reprise dans tous les tribunaux de prud'hommes - au grand dam de la partie adverse qui réclamait sans cesse que le préjudice soit démontré.
Mais la jurisprudence a évolué et a mis un terme à cette pratique, par un arrêt du 13 avril 2016 (pourvoi 14-28293): "l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond ; le conseil de prud'hommes, qui a constaté que le salarié n'apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision". Désormais, tout préjudice doit être prouvé.
Getty Images Nada, ancienne femme de ménage conteste son licenciement aux prud'hommes. Elle affirme avoir brutalisée par sa chef. "La direction a sanctionné la supérieure", répond l'entreprise.
Nada, femme de ménage dans une entreprise pendant 20 ans, affirme avoir été brutalisée par sa chef. Son employeur lui a reproché des fautes professionnelles et l'a licenciée. Elle conteste cette décision aux prud'hommes.
Les conflits qui animent les prud'hommes reflètent quotidiennement notre histoire sociale. L'audience en bureau de jugement est publique. Régulièrement, une journaliste de L'Express assiste aux débats.
Paris, tribunal des prud'hommes, section commerce, le 13 juin 2016 à 16h15.
Le président est entouré de trois conseillers. Deux avocates lui font face.
Le président: "Vous nous indiquez le contexte ?"
L'avocate de Nada: "Frappée par sa supérieure, ma cliente, salariée femme de ménage, reçoit un avertissement avant d'être licenciée. Elle n'a jamais fait de vagues pendant 22 ans. Elle reçoit une sanction disciplinaire puis on la licencie en lui reprochant des fautes au niveau de son travail."
Le président: "A-t-elle mené une action pour cette agression ?"
L'avocate de Nada: "Oui monsieur le président. Ma cliente a déposé une main courante que vous avez dans le dossier. Elle s'est sentie victime. Elle avait une ecchymose à l'oeil. Elle avait 61 ans. A la suite de cette agression, elle a eu de graves problèmes de santé. Elle est entrée dans un état dépressif et s'est fait licencier après avoir reçu une sanction disciplinaire. Venir devant votre conseil après tant d'années puisque l'affaire s'est déroulée en 2012 peut paraître dérisoire. Mais ce dossier introduit en 2014 a d'abord été radié puis rétabli pour différentes raisons de procédure qu'il n'est pas utile de préciser, sauf si le conseil souhaite que je m'en explique. Ma cliente reçoit l'aide juridictionnelle (1) : voilà dans quelles conditions je me présente à vous. Je souhaite une réparation, l'annulation de l'avertissement du 30 octobre 2012 et 5.856 euros de dommages et intérêts pour les faits que je vous ai exposés."
L'avocate de l'employeur: "Je souhaite faire une petite rectification. Cette salariée n'a pas travaillé 22 ans pour la société que je représente mais 4 ans puisque votre cliente était dans une entreprise qui a été rachetée 4 ans avant les faits."
L'avocate de Nada:"Ce n'est pas l'objet du débat."
L'avocate de l'employeur:"Monsieur le président, on vous saisi en 2014, plus de deux ans après l'avertissement et on vous demande 4 mois de dommages et intérêts. Je reprends l'affaire. Le 2 octobre 2012, la supérieure hiérarchique de cette salariée lui explique pour la n-ième fois que sa prestation ne convient pas. Visiblement, il y a eu une altercation et sa supérieure hiérarchique l'a poussée. Je veux ici rassurer le conseil: la direction a sanctionné la supérieure par une mise à pied pour motif disciplinaire."
Le président: "La salariée brutalisée a, elle aussi, été sanctionnée !"
L'avocate de l'employeur: "La salariée reçoit un avertissement le 30 octobre pour des faits d'insuffisance professionnelle puis elle est licenciée. Elle n'a pas contesté l'avertissement à l'époque. De plus, même si elle a été bousculée, l'état de la salariée ne nécessite pas d'arrêt de travail."
L'avocate de Nada:"Confrère, vous savez très bien que ma cliente n'est pas une spécialiste des rouages juridiques. Elle ne s'arrête pas même si elle est blessée car elle a peur de perdre son travail. Elle ne conteste pas l'avertissement car elle ignore la procédure. Contrairement à l'employeur, elle n'a pas de conseil juridique. En revanche, elle agit quand elle prend conseil. Légalement, elle est dans les temps."
L'avocate de l'employeur: "Vous me donnez des certificats sur son état d'anxiété qui ne sont pas émis sur le moment mais 13 mois plus tard."
Le président: "Le conseil regardera les pièces, rassurez-vous."
L'avocate de l'employeur:"Un dernier mot monsieur le président. Cette dame a reçu ses indemnités de licenciement qui n'ont pas été contestées, elle avait des droits au chômage dont elle a pu bénéficier. Ensuite, toujours indemnisée par Pôle emploi, elle fait valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2015. En conséquence, je ne vois pas où est le préjudice subi et les 4 mois de dommages et intérêts ne sont pas justifiés. Je me permets de rappeler à votre conseil que le préjudice doit maintenant être démontré. Il n'y a plus de préjudice de principe depuis un arrêt récent de la cour de cassation."
16h40. Le président:"Les débats sont clos."
Verdict, le 19 septembre 2016.
L'avertissement du 30 octobre est annulé et la société est condamnée aux dépens (2).
(1) L'aide juridictionnelle permet, pour les personnes qui ont de faibles ressources, de bénéficier d'une prise en charge totale ou partielle par l'État des honoraires et frais de justice, et notamment pour pouvoir se faire assister par un avocat.
(2) En matière civile, les frais directement liés à la procédure sont appelés dépens, c'est-à-dire que le juge décide qui doit supporter le remboursement des frais de procédure.
Préjudice issu du licenciement: il faut désormais le prouver
Le préjudice de principe (ou automatique) issu du licenciement n'existe plus. Il était acquis depuis un arrêt de la cour sociale de la chambre de cassation du 29 avril 2003 (pourvoi 01-41364). Ce raisonnement avait abouti à l'arrêt du 11 janvier 2006 (pourvoi 03-46933) et à la jurisprudence du "cause nécessairement un préjudice". Cette non-obligation de prouver un préjudice était reprise dans tous les tribunaux de prud'hommes - au grand dam de la partie adverse qui réclamait sans cesse que le préjudice soit démontré.
Mais la jurisprudence a évolué et a mis un terme à cette pratique, par un arrêt du 13 avril 2016 (pourvoi 14-28293): "l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond ; le conseil de prud'hommes, qui a constaté que le salarié n'apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision". Désormais, tout préjudice doit être prouvé.
Sujets similaires
» Les motardes passent à la vitesse supérieure
» Une salariée licenciée pour un statut malheureux sur Facebook
» DIVERS TALENTS...................... CHEZ LES ENFANTS EN PREMIER ....ENSUITE LES ADULTES
» Une factrice de La Poste victime d'un AVC à Villeneuve d'Ascq : "Fais ton travail et on appellera les pompiers ensuite"
» Une salariée licenciée pour un statut malheureux sur Facebook
» DIVERS TALENTS...................... CHEZ LES ENFANTS EN PREMIER ....ENSUITE LES ADULTES
» Une factrice de La Poste victime d'un AVC à Villeneuve d'Ascq : "Fais ton travail et on appellera les pompiers ensuite"
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum