"Inscrite à Pôle emploi depuis trois ans, mon conseiller me dit d'arranger mon CV"
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"Inscrite à Pôle emploi depuis trois ans, mon conseiller me dit d'arranger mon CV"
"Inscrite à Pôle emploi depuis trois ans, mon conseiller me dit d'arranger mon CV"
Evelyne Clémentpublié le 27/11/2014 à 16:02, mis à jour à 21:41
Alors que les chiffres du chômage en octobre sont publiés ce jeudi, Evelyne, 43 ans, raconte la galère qu'elle partage avec quelque 2,2 millions de chômeurs de longue durée. Et rage de se voir réduite au "code ROME" attribué par Pôle emploi.
Une chômeuse "de longue durée" raconte son parcours difficile à Pôle Emploi.
afp.com/Philippe Huguen
"Chômeur de longue durée". Il y a 20 ans, entendre cette expression me laissait toujours sceptique. Diplômée d'un Bac + 4, cadre dans une importante entreprise de distribution, du haut de mes 23 ans, je pensais que ces personnes ne se donnaient pas toujours les moyens de trouver un emploi. "Quand on veut, on peut".
En ce vendredi après-midi pluvieux d'octobre 2014, je regarde les derniers chiffres annoncés par Pôle Emploi. 5 431 500 chômeurs toutes catégories confondues dont 2 200 000 de chômeurs de longue durée, soit + 10% d'augmentation sur un an.
Au bord du burn out dans mon entreprise
"Longue durée"... Qui s'envisagerait à long terme comme chômeur? Selon, l'Insee, "la longue durée" s'entend pour l'actif au chômage depuis plus d'un an. Un rapide calcul me confirme que depuis deux ans et cinq mois je suis classée dans cette catégorie.
Un an, ça paraît long. Mais chez Pôle emploi, ça passe très vite. Je me suis inscrite le 1er juin 2011, suite à une rupture conventionnelle à mon initiative pour quitter l'enseigne de bricolage où je travaille depuis neuf ans.
Dans un contexte familial pesant (divorce et naissance de mon second enfant avec une grave malformation), je suis au bord du burn out. Si je ne quitte pas ce secteur, un drame risque d'arriver. Je suis usée.
Pourtant, à cet instant, il ne fait aucun doute qu'avec mes compétences, mon parcours dans de grandes entreprises et mon entrain naturel, je vais réussir ma reconversion. Il me faut juste un peu de temps pour y réfléchir et mettre en place avec Pôle emploi un plan d'action.
Le code ROME, un code-barre collé à la nuque
Premier entretien quinze jours après l'inscription sur Internet. A aucun moment, on me demande pourquoi une rupture conventionnelle. Mes deux interlocutrices - l'une venant de l'ex-Assedic semble être en formation-, sont plus occupées à valider les cases du logiciel qu'à s'interroger sur la personne en face d'elles. Je fournis mon CV à jour. Première question: "quel métier doit-on rentrer dans votre PPAE (Projet Personnalisé d'Accès à l'Emploi)"? Qu'est-ce que j'en sais, moi? Je suis justement là pour qu'on m'aide à en trouver un nouveau. On décide donc d'inscrire ma dernière fonction occupée. Je vais être convoquée sous trois mois par un conseiller qui me suivra durant toute ma durée de chômage. En fait, j'attends pratiquement quatre mois pour rencontrer cette personne.
On a basculé mon dossier au Pôle emploi "Cadres" parce que, me dit-on, on y consacrera plus de temps. Au premier rendez-vous, toujours aucune question sur ma rupture d'un CDI de neuf ans. Je fais part de ma volonté de reconversion et demande un bilan de compétences: mon DIF à 100% pourrait le financer. Dans ce cas, Pôle emploi n'a rien à payer, sous réserve de l'accord du conseiller. La réponse est sans appel: le bilan ne sert à rien. Ma conseillère m'assure que la majorité des gens retournent finalement dans leur secteur. N'ayant que vingt minutes à consacrer à chaque candidat, elle semble plutôt pressée de rentrer un code ROME dans mon PPAE. Le code ROME, c'est un peu comme un code-barre qu'on vous collerait sur la nuque. Cette étiquette détermine votre profil et les offres qu'on va vous proposer, auxquelles vous serez obligé de répondre. Comment l'attribuer à quelqu'un qui souhaite changer d'activité?
Elle m'inscrit à un atelier, obligatoire, pour faire le point sur ma motivation. La motivation, je l'ai. Je travaille depuis mes 17 ans. Animatrice de colonie de vacances, employée libre-service, dame de cantine, vendeuse en charcuterie, agent de bibliothèque universitaire, agent d'assurance. A 23 ans, en sortie d'études, j'avais déjà cumulé six ans de CDD étudiant. L'atelier ne m'apporte rien. Ce que j'ai besoin de connaître, ce sont mes compétences transférables à un autre secteur d'activité et à un autre métier.
Des formations qui ne débouchent sur aucun poste
Au deuxième rendez-vous, un mois et demi plus tard, elle me presse de décider d'un projet, sinon il faudra répondre aux propositions dans le secteur de la grande distribution. Je me décide donc pour une formation via le CNED pour préparer des concours administratifs, pour trouver des postes aux horaires compatibles avec ma situation familiale. Le CNED étant "en litige" avec mon organisme d'OPCA, je ne peux utiliser mon DIF et doit prendre à ma charge 100% de la formation: 1100 euros.
Je tente huit concours en deux années. La première fois, je suis reçue première sur liste complémentaire. Jamais un poste ne se présentera. La deuxième, à l'oral, le jury s'interroge sur ma capacité à intégrer la fonction publique après vingt ans passés dans le privé, et restera totalement hermétique à mes arguments. Le système donne la préférence à des personnes déjà en poste dans la fonction publique mais ça, personne ne le dit. Quid de l'équité entre tous les candidats? Comble de l'ironie, à ce concours, les postes ne seront pas tous pourvus! Car certains contractuels déjà en fonction ailleurs n'acceptent pas toujours les postes - trop éloignés de leur domicile, par exemple.
Seul un cabinet de RH extérieur reconnaît ma souffrance
En mai 2014, je suis inscrite chez Pôle emploi depuis trois ans. Mon conseiller (encore un nouveau) me dit que mes candidatures peuvent effrayer, qu'il faudrait peut-être "arranger" mon CV. J'étais manager, directrice de magasin ; je deviens "responsable administrative". Parallèlement, l'agence de ma ville décide de nous faire suivre par un cabinet de Ressources Humaines extérieur. Chômeurs de courte et de longue durée sont "invités" à rencontrer chaque semaine pendant trois mois une consultante pour déterminer un projet. Le but officiel: que chaque inscrit ait un emploi dans les trois mois. Le vécu: un contrôle de nos recherches plutôt qu'un véritable accompagnement
Cette nouvelle interlocutrice est débordée. On lui confie autant de dossiers qu'aux conseillers Pôle Emploi qui ont parfois jusqu'à 300 demandeurs d'emploi à gérer. 300. Comment rencontrer chacun dans de bonnes conditions? Néanmoins, ce sera la seule personne à mettre en évidence la souffrance vécue durant mes expériences professionnelles et à préconiser un vrai bilan de compétences avec un psychologue du travail
Il faut vite s'atteler à inscrire un projet dans le dossier qui sera rendu à l'agence. Elle n'a cependant aucun pouvoir pour le faire aboutir. Du projet qu'elle note dans le compte-rendu, de mes 42 candidatures envoyées (150 environ depuis ma sortie de formation, avec une disponibilité géographique totale), il ne ressortira rien. Pas le moindre rendez-vous. Seuls sept employeurs ont répondu par courrier; les autres ne s'en sont pas donné la peine.
Les conseillers en ligne, où comment isoler encore plus les chômeurs
Six mois après cet atelier, je n'ai toujours pas été convoquée par mon conseiller... qui a encore changé. Pourtant le rapport du cabinet RH est clair. A-t-il seulement été lu?
On me propose maintenant de passer au "100% Web", des échanges et des ateliers dématérialisés avec des conseillers en ligne. Un "chat"; un "callback". Je réfléchis puis décide de ne pas adhérer au système. La confiance me fait défaut, sans parler du risque d'un problème technique, connexion ou matériel. En acceptant ce "100% Web", le chômeur pourrait ne même plus sortir de chez lui. Plus le temps passe, plus il devient inemployable, plus il doute, plus il s'isole. Pourtant le besoin d'un contact réel avec les conseillers, les autres chômeurs, les psychologues du travail est criant.
Alors, que les gouvernements affirment s'occuper du problème chômage, je n'en doute pas, mais celui des chômeurs, j'ai toute l'expérience pour penser le contraire. Nous ne sommes ni des chiffres ni des codes ROME. Et il serait temps de nous écouter.
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/emploi/chomeuse-longue-duree-nous-ne-sommes-pas-des-codes-rome_1626133.html#TfULQiLooz1vYJBd.99
Evelyne Clémentpublié le 27/11/2014 à 16:02, mis à jour à 21:41
Alors que les chiffres du chômage en octobre sont publiés ce jeudi, Evelyne, 43 ans, raconte la galère qu'elle partage avec quelque 2,2 millions de chômeurs de longue durée. Et rage de se voir réduite au "code ROME" attribué par Pôle emploi.
Une chômeuse "de longue durée" raconte son parcours difficile à Pôle Emploi.
afp.com/Philippe Huguen
"Chômeur de longue durée". Il y a 20 ans, entendre cette expression me laissait toujours sceptique. Diplômée d'un Bac + 4, cadre dans une importante entreprise de distribution, du haut de mes 23 ans, je pensais que ces personnes ne se donnaient pas toujours les moyens de trouver un emploi. "Quand on veut, on peut".
En ce vendredi après-midi pluvieux d'octobre 2014, je regarde les derniers chiffres annoncés par Pôle Emploi. 5 431 500 chômeurs toutes catégories confondues dont 2 200 000 de chômeurs de longue durée, soit + 10% d'augmentation sur un an.
Au bord du burn out dans mon entreprise
"Longue durée"... Qui s'envisagerait à long terme comme chômeur? Selon, l'Insee, "la longue durée" s'entend pour l'actif au chômage depuis plus d'un an. Un rapide calcul me confirme que depuis deux ans et cinq mois je suis classée dans cette catégorie.
Un an, ça paraît long. Mais chez Pôle emploi, ça passe très vite. Je me suis inscrite le 1er juin 2011, suite à une rupture conventionnelle à mon initiative pour quitter l'enseigne de bricolage où je travaille depuis neuf ans.
Dans un contexte familial pesant (divorce et naissance de mon second enfant avec une grave malformation), je suis au bord du burn out. Si je ne quitte pas ce secteur, un drame risque d'arriver. Je suis usée.
Pourtant, à cet instant, il ne fait aucun doute qu'avec mes compétences, mon parcours dans de grandes entreprises et mon entrain naturel, je vais réussir ma reconversion. Il me faut juste un peu de temps pour y réfléchir et mettre en place avec Pôle emploi un plan d'action.
Le code ROME, un code-barre collé à la nuque
Premier entretien quinze jours après l'inscription sur Internet. A aucun moment, on me demande pourquoi une rupture conventionnelle. Mes deux interlocutrices - l'une venant de l'ex-Assedic semble être en formation-, sont plus occupées à valider les cases du logiciel qu'à s'interroger sur la personne en face d'elles. Je fournis mon CV à jour. Première question: "quel métier doit-on rentrer dans votre PPAE (Projet Personnalisé d'Accès à l'Emploi)"? Qu'est-ce que j'en sais, moi? Je suis justement là pour qu'on m'aide à en trouver un nouveau. On décide donc d'inscrire ma dernière fonction occupée. Je vais être convoquée sous trois mois par un conseiller qui me suivra durant toute ma durée de chômage. En fait, j'attends pratiquement quatre mois pour rencontrer cette personne.
On a basculé mon dossier au Pôle emploi "Cadres" parce que, me dit-on, on y consacrera plus de temps. Au premier rendez-vous, toujours aucune question sur ma rupture d'un CDI de neuf ans. Je fais part de ma volonté de reconversion et demande un bilan de compétences: mon DIF à 100% pourrait le financer. Dans ce cas, Pôle emploi n'a rien à payer, sous réserve de l'accord du conseiller. La réponse est sans appel: le bilan ne sert à rien. Ma conseillère m'assure que la majorité des gens retournent finalement dans leur secteur. N'ayant que vingt minutes à consacrer à chaque candidat, elle semble plutôt pressée de rentrer un code ROME dans mon PPAE. Le code ROME, c'est un peu comme un code-barre qu'on vous collerait sur la nuque. Cette étiquette détermine votre profil et les offres qu'on va vous proposer, auxquelles vous serez obligé de répondre. Comment l'attribuer à quelqu'un qui souhaite changer d'activité?
Elle m'inscrit à un atelier, obligatoire, pour faire le point sur ma motivation. La motivation, je l'ai. Je travaille depuis mes 17 ans. Animatrice de colonie de vacances, employée libre-service, dame de cantine, vendeuse en charcuterie, agent de bibliothèque universitaire, agent d'assurance. A 23 ans, en sortie d'études, j'avais déjà cumulé six ans de CDD étudiant. L'atelier ne m'apporte rien. Ce que j'ai besoin de connaître, ce sont mes compétences transférables à un autre secteur d'activité et à un autre métier.
Des formations qui ne débouchent sur aucun poste
Au deuxième rendez-vous, un mois et demi plus tard, elle me presse de décider d'un projet, sinon il faudra répondre aux propositions dans le secteur de la grande distribution. Je me décide donc pour une formation via le CNED pour préparer des concours administratifs, pour trouver des postes aux horaires compatibles avec ma situation familiale. Le CNED étant "en litige" avec mon organisme d'OPCA, je ne peux utiliser mon DIF et doit prendre à ma charge 100% de la formation: 1100 euros.
Je tente huit concours en deux années. La première fois, je suis reçue première sur liste complémentaire. Jamais un poste ne se présentera. La deuxième, à l'oral, le jury s'interroge sur ma capacité à intégrer la fonction publique après vingt ans passés dans le privé, et restera totalement hermétique à mes arguments. Le système donne la préférence à des personnes déjà en poste dans la fonction publique mais ça, personne ne le dit. Quid de l'équité entre tous les candidats? Comble de l'ironie, à ce concours, les postes ne seront pas tous pourvus! Car certains contractuels déjà en fonction ailleurs n'acceptent pas toujours les postes - trop éloignés de leur domicile, par exemple.
Seul un cabinet de RH extérieur reconnaît ma souffrance
En mai 2014, je suis inscrite chez Pôle emploi depuis trois ans. Mon conseiller (encore un nouveau) me dit que mes candidatures peuvent effrayer, qu'il faudrait peut-être "arranger" mon CV. J'étais manager, directrice de magasin ; je deviens "responsable administrative". Parallèlement, l'agence de ma ville décide de nous faire suivre par un cabinet de Ressources Humaines extérieur. Chômeurs de courte et de longue durée sont "invités" à rencontrer chaque semaine pendant trois mois une consultante pour déterminer un projet. Le but officiel: que chaque inscrit ait un emploi dans les trois mois. Le vécu: un contrôle de nos recherches plutôt qu'un véritable accompagnement
Cette nouvelle interlocutrice est débordée. On lui confie autant de dossiers qu'aux conseillers Pôle Emploi qui ont parfois jusqu'à 300 demandeurs d'emploi à gérer. 300. Comment rencontrer chacun dans de bonnes conditions? Néanmoins, ce sera la seule personne à mettre en évidence la souffrance vécue durant mes expériences professionnelles et à préconiser un vrai bilan de compétences avec un psychologue du travail
Il faut vite s'atteler à inscrire un projet dans le dossier qui sera rendu à l'agence. Elle n'a cependant aucun pouvoir pour le faire aboutir. Du projet qu'elle note dans le compte-rendu, de mes 42 candidatures envoyées (150 environ depuis ma sortie de formation, avec une disponibilité géographique totale), il ne ressortira rien. Pas le moindre rendez-vous. Seuls sept employeurs ont répondu par courrier; les autres ne s'en sont pas donné la peine.
Les conseillers en ligne, où comment isoler encore plus les chômeurs
Six mois après cet atelier, je n'ai toujours pas été convoquée par mon conseiller... qui a encore changé. Pourtant le rapport du cabinet RH est clair. A-t-il seulement été lu?
On me propose maintenant de passer au "100% Web", des échanges et des ateliers dématérialisés avec des conseillers en ligne. Un "chat"; un "callback". Je réfléchis puis décide de ne pas adhérer au système. La confiance me fait défaut, sans parler du risque d'un problème technique, connexion ou matériel. En acceptant ce "100% Web", le chômeur pourrait ne même plus sortir de chez lui. Plus le temps passe, plus il devient inemployable, plus il doute, plus il s'isole. Pourtant le besoin d'un contact réel avec les conseillers, les autres chômeurs, les psychologues du travail est criant.
Alors, que les gouvernements affirment s'occuper du problème chômage, je n'en doute pas, mais celui des chômeurs, j'ai toute l'expérience pour penser le contraire. Nous ne sommes ni des chiffres ni des codes ROME. Et il serait temps de nous écouter.
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/emploi/chomeuse-longue-duree-nous-ne-sommes-pas-des-codes-rome_1626133.html#TfULQiLooz1vYJBd.99
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