L’énigme des pierres de Calanais résiste aux millénaires
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L’énigme des pierres de Calanais résiste aux millénaires
Correspondance, Benjamin CHABERT ouest france
Depuis plus de 5 000 ans, en Écosse, les pierres levées de Calanais défient la science et exhalent un parfum de mystère. Des mégalithes spectaculaires, dont la fonction d’origine reste une énigme.
Depuis Stornoway, 8 000 habitants, capitale de l’Île de Lewis et des très sauvages Hébrides extérieures, la route coupe des lacs bordés de mousses rousses, des hectares de pâturages ras, des sols gras et tourbeux, avant de déboucher sur cette colline verdoyante et dépeuplée : Calanais.
Les pierres s’y dressent par dizaines, sur les tertres, comme des questions. Un épais mystère recouvre ces roches, insondable et profond. Parmi les 21 ensembles mégalithiques de Calanais, certains auraient commencé à être érigés dès 2 900 ans avant J.-C., en même temps que les pierres bleues de Stonehenge en Angleterre et celles de Stenness dans les Orcades, cet archipel subarctique situé tout nord de l’Écosse, entre la Norvège et l’Islande. La fonction d’origine de ces roches dressées reste une énigme.
Une culture venue des Orcades
Ces mégalithes essaiment, à l’époque. C’est le résultat tangible « de la diffusion, depuis les Orcades en direction du sud, de croyances et de pratiques, liées à l’apparition d’un nouveau type de poterie, baptisée Grooved Ware (littéralement « ouvrage cannelé ») » et importée par le peuple éponyme », explique Alison Sheridan, archéologue préhistorienne et conservatrice au National Museum of Scotland.
« Un pot dans le style des ouvrages cannelés, typique des Orcades, a été retrouvé à Calanais », confirme-t-elle. Aucun doute pour l’archéologue : « Ceux qui l’ont fabriqué avaient probablement navigué jusque dans les Orcades, ainsi que dans la Boyne Valley, en Irlande. » Découverte plus importante encore : les pierres de Calanais sont bel et bien inspirées de celles de Stenness, dans les Orcades.
Depuis plusieurs millénaires, en Écosse, les pierres levées de Calanais défient la science. (Photo : Benjamin Chabert)
La nouveauté technique du peuple Grooved Ware a-t-elle conduit à leur domination culturelle sur les îles ? L’adoption de la poterie cannelée semble coïncider avec l’adhésion des peuples à de nouvelles croyances et pratiques, à l’origine de l’édification d’amas de pierres (cairns) plus complexes et plus imposants : les mégalithes que nous connaissons. Le mot vient d’ailleurs du grec mégas (grand) et lithos (pierre).
Taillé dans le très ancien gneiss de Lewis, le principal mégalithe de Calanais forme un cercle de 13 mètres de diamètre, avec un monolithe de 4,80 mètres de haut et des alignements courant sur plus de 83 mètres.
Une méthode d’édification bien rodée
On pénètre au milieu de ce monument imposant et l’on se sent tout petit. En imaginant les moyens dont disposaient, en 3000 avant J.-C., les habitants de ces îles, comment ont-ils pu transporter, tailler et élever des roches pesant des centaines de kilos ?
Mike Parker Pearson, du London Institute of Archeology, fournit un élément de réponse : « Des excavations ont révélé la preuve de l’extraction de piliers en pierre, surtout dans les trois derniers siècles de 3000 avant J.-C. », soit 300 ans avant la construction des premières pyramides égyptiennes.
Cette extraction s’effectuait notamment par l’élargissement de fissures déjà existantes au creux des roches, sur des affleurements, à l’aide de percuteurs en silex, par exemple. « Des installations, sorte de carrières artificielles, servaient ensuite à les faire atterrir sur des traîneaux composés de rondins de bois, pour les transporter », explique l’archéologue.
Quant à l’érection, il est probable que des trous aient été creusés à des endroits précis afin de recevoir les pierres, glissées à l’intérieur à l’aide de cordes, avec un effet de levier.
À quoi servaient ces mégalithes ?
Sur la colline de Calanais I, le principal mégalithe du village, le résultat coupe le souffle. La démesure de ce chantier interroge sur l’importance et le sens qu’accordaient les habitants à ces mégalithes. Plusieurs hypothèses viennent combler des vides.
Pour Alison Sheridan « cela dépend des époques et des phases de construction, mais au départ, ces mégalithes ont peut-être été construits pour que les gens puissent se réunir à des moments précis pour effectuer des rituels religieux, pour marquer des moments spéciaux jugés propices ou bien vitaux pour le bien-être de la communauté ».
La fonction de ces pierres levées reste un mystère. (Photo : Benjamin Chabert)
Mike Parker Pearson s’appuie sur son expérience à Stonehenge pour arguer que ces constructions « ont pu être associées à un désir de lien avec les ancêtres, comme le suggère la découverte de plusieurs tombes, explique-t-il. À Calanais, une chambre funéraire a été construite plus tard au milieu des pierres. » Une addition datant de 2400 avant J.-C., qui témoigne d’un changement d’utilisation à travers les époques.
Un mystérieux couloir
C’est aussi à ce moment de l’histoire qu’une « voie » traversante vient se rajouter. Un couloir qui intrigue les chercheurs.
« Il donne une orientation astronomique précise au monument, car il se dirige vers la Lune au solstice d’été, côté sud (tous les 18,4 ans). À ce moment-là, si vous marchez en direction du nord, le long du couloir vers le cercle, la Lune semble danser le long des collines, à l’horizon, puis « plonge » et réapparaît dans une entaille avant de remplir le cercle. Il n’y a aucun doute là-dessus », affirme Alison Sheridan, nuançant immédiatement : « Mais ce dont nous ne sommes pas sûrs, c’est que le mégalithe d’origine ait eu une orientation astronomique spécifique. Nous savons toutefois que les peuples, à cette époque, en Grande-Bretagne et en Irlande, entretenaient une fascination toute particulière pour le solstice d’hiver… »
Quoi qu’il en soit, l’alignement astronomique a pu être utilisé plus tard lors de la construction de la chambre funéraire pour un membre important de la communauté. Selon Alison Sheridan, il s’agissait de s’approprier « un monument ancien et sacré pour souligner son statut spécial (et se réapproprier le pouvoir cosmologique du monument) ».
« Dans les cinquante dernières années, historiens, spécialistes de l’antiquité, archéologues tout un tas d’enthousiastes ont proposé un grand nombre d’interprétations sur ces monuments curieux – un temple du soleil druidique, un observatoire astronomique, un calendrier, un centre de soin, un cénotaphe pour commémorer un massacre horrible, et même un vaisseau extraterrestre », ironise Mike Parker Pearson.
Ces hypothèses, émises durant les neuf derniers siècles, désignent la limite de la science face à un phénomène encore difficilement compréhensible « synonyme de mystère préhistorique », conclut Mike Parker Pearson, estimant que « cette unique et iconique cercle de pierre sert de rappel tangible d’un ancien monde résistant à la science et exhalant le mystère ».
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