Seconde Guerre mondiale : les héroïnes oubliées de la Résistance
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Seconde Guerre mondiale : les héroïnes oubliées de la Résistance
Simone Segouin, une résistante, près de Chartres, en août 1944. Wikimedia Commons
Elles ne sont que 6 parmi les 1 038 compagnons de la Libération. Les femmes ont portant joué un rôle majeur dans la lutte contre l’occupant.
C’est au début de l’été 1940, quelques semaines après la signature de l’armistice, https://www.caminteresse.fr/histoire/le-jour-ou-la-france-a-signe-larmistice-avec-lallemagne-nazie-11142050/ que Blanche Paugam commence à couper des câbles téléphoniques autour de Boulogne-sur-Mer. La région est administrée par l’armée allemande, et la bataille d’Angleterre a débuté. Munie d’une simple pince, cette femme de 42 ans se lance dans une série de sabotages. Repérée, elle est immédiatement arrêtée et devient la première Française condamnée à mort pour faits de résistance, le 17 septembre 1940. Mais les autorités allemandes n’osent pas l’exécuter. Déplacée de camp en camp, https://www.caminteresse.fr/histoire/temoignage-jai-grandi-dans-des-camps-de-concentration-11122760/ elle mourra d’épuisement à Bergen-Belsen https://www.caminteresse.fr/histoire/70-ans-apres-que-sait-on-de-la-shoah-1177612/ en 1945.
Les Françaises : des citoyennes de seconde zone
Trois décennies plus tôt, durant le premier conflit mondial, https://www.caminteresse.fr/histoire/la-grande-guerre-racontee-par-un-soldat-de-19-ans-11107397/ les femmes avaient participé à l’effort de guerre, sans combattre en première ligne. Cette fois-ci, la défaite de 1940 puis l’occupation allemande https://www.caminteresse.fr/histoire/que-mangeait-on-en-france-sous-loccupation-1183081/ transforment tout le pays en ligne de front, et les femmes prennent leur part dans cette lutte.
A l’époque, les Françaises sont des citoyennes de seconde zone : privées du droit de vote, https://www.caminteresse.fr/economie-societe/de-quand-date-le-droit-de-vote-des-femmes-1183256/ elles ne peuvent travailler sans l’accord de leur époux ni posséder un compte en banque. Cette situation s’aggrave sous le régime de Vichy, https://www.caminteresse.fr/histoire/roms-ce-que-le-regime-de-vichy-a-fait-aux-tsiganes-11116603/ qui souhaite les réduire au rôle d’épouse et de mère au foyer. https://www.caminteresse.fr/economie-societe/quel-devrait-etre-le-salaire-dune-mere-au-foyer-1175056/ Ces attaques contre leurs libertés sont une source de motivation pour certaines d’entre elles, mais pas uniquement.
Des manifs de ménagères contre le rationnement
Comme leurs homologues masculins, les résistantes viennent de tous les horizons et rejoignent la Résistance pour des raisons variées : Marie-Madeleine Fourcade, qui dirigera le réseau Alliance après l’arrestation de son chef, vient comme lui de l’extrême-droite https://www.caminteresse.fr/economie-societe/faut-il-avoir-peur-du-populisme-11120031/ anticommuniste et antisémite ; Danielle Casanova, militante communiste https://www.caminteresse.fr/histoire/dou-vient-le-communisme-1188890/
avant la guerre, entre dans la clandestinité en même temps que le PCF lorsque ce dernier est interdit, en 1939, puis dans la Résistance en organisant notamment des manifestations de ménagères contre le rationnement. Elle sera arrêtée en 1942 et mourra du typhus à Auschwitz https://www.caminteresse.fr/histoire/qui-etait-marceline-loridan-ivens-la-jumelle-de-simone-veil-11106005/ en mai 1943.
Aux motivations politiques s’ajoutent parfois des éléments déclencheurs : Agnès Humbert, membre du réseau du musée de l’Homme, créé dès juin 1940 par Yvonne Oddon, Boris Vildé et Anatole Lewitsky, rapporte que la vue d’une affiche https://www.caminteresse.fr/histoire/la-politique-de-vichy-ou-de-petain-resumee-en-une-affiche-11108092/
indiquant que l’entrée du musée était gratuite pour les soldats allemands fut à l’origine de son engagement en août 1940.
Beaucoup de femmes très jeunes, parfois encore adolescentes
Au sein de ce réseau opèrent de nombreuses femmes dont Germaine Tillion, grande ethnologue, qui va se retrouver à la tête du réseau après les arrestations successives de ses chefs, mais aussi Eveline Lot-Falck, anthropologue, Christiane Desroches Noblecourt, égyptologue, Colette Vivier, auteure de livres jeunesse, ou Geneviève de Gaulle, nièce du général, jeune étudiante.
Leur engagement est compliqué par la restriction de leurs droits, qui a également pour effet de les priver des réseaux dont disposent les hommes, mieux intégrés dans la société et le monde du travail.https://www.caminteresse.fr/economie-societe/ces-adolescents-qui-veulent-changer-le-monde-11141912/
La résistance à l’occupant est un acte illégal, qui peut être puni de mort et avoir de graves conséquences sur leurs proches. Voilà pourquoi on retrouve beaucoup de femmes très jeunes, parfois encore adolescentes, comme Madeleine Riffaud, qui n’a que 16 ans en 1940 quand elle entre en Résistance. Mais d’autres, comme Lucie Aubrac, https://www.caminteresse.fr/economie-societe/qui-etait-raymond-aubrac-1135199/
sont mariées et parfois mères.
Missions de repérage et de transport d’armes
Des femmes, on en trouve à tous les niveaux, et souvent dans des rôles dangereux, comme celui d’agent de liaison ou pour accomplir des missions de repérage et de transport d’armes, les Allemands et les policiers français se montrant – au départ – moins soupçonneux à l’égard de la gent féminine.
Certaines participent à des attentats aux côtés des hommes ou seules, comme Madeleine Riffaud, qui abat un officier allemand en juillet 1944 sur le pont de Solferino, à Paris, en plein jour. Elle est interpellée quelques minutes plus tard et remise à la Gestapo.https://www.caminteresse.fr/histoire/le-jour-ou-hitler-aurait-du-mourir-11143988/
Elle parviendra à s’évader et jouera un rôle actif dans la libération de Paris.
D’autres Françaises travaillent enfin pour des services de renseignement étrangers, comme Anise Postel-Vinay qui, à partir de 1941, travaille pour le SIS (Secret Intelligence Service) britannique et transmet des rapports sur les mouvements de troupes allemandes. En 1942, elle est arrêtée puis déportée, en même temps que Germaine Tillion. Toutes deux en reviendront.
Essentielle, la résistance du quotidien
Mais il est aussi une autre dimensionde l’activisme des femmes, difficilement quantifiable, moins spectaculaire et pourtant essentielle : celle de la résistance du quotidien. Défilés contre la vie chère ou pour le retour des prisonniers, manifestations contre les rationnements, comme celle de la rue de Buci, le 31 mai 1942, où des militantes communistes prennent d’assaut des magasins d’alimentation et effectuent des distributions sauvages avant l’intervention de la police. $
Il y a aussi celles qui, au péril de leur vie et sans nécessairement appartenir à un mouvement, ont caché des personnes recherchées par la police française ou allemande. Ce fut le cas de Nathalie Sarraute, qui abrita l’écrivain irlandais Samuel Beckett quand ce dernier traduisait pour le SIS les renseignements collectés par Anise Postel-Vinay.
La résistance ne se limite pas à sa seule composante intérieure. Dès la fin du mois de juin 1940, des Français et des Françaises se rallient à la France libre ou refusent tout simplement le pouvoir vichyste. En novembre 1940, le Corps des volontaires françaises est créé à Londres sous l’impulsion de Simonne Mathieu, championne de tennis (elle remporta la finale dame de Roland-Garros en 1938 et en 1939).
Josephine Baker joua un rôle actif dans la Résistance
Le CVF va compter plusieurs centaines de membres, essentiellement affectées à des tâches administratives, mais pas seulement : certaines vont se retrouver au feu, en première ligne. Jeanne Bohec intègre ainsi le BCRA, les services de renseignement français. Elle est parachutée en France pour y mener des actions de sabotage et former des combattants. Son surnom de « plastiqueuse à bicyclette » en dit plus que toutes les biographies ! La grande Josephine Baker, https://www.caminteresse.fr/histoire/colonies-francaises-les-stereotypes-racistes-de-la-chanson-coloniale-11133875/
qui joua un rôle actif dans la Résistance, fut formée par ce CVF.
D’autres femmes vont enfin servir au sein d’unités de la France Libre, et notamment la soixantaine d’infirmières https://www.caminteresse.fr/histoire/jetais-infirmiere-pendant-la-rafle-du-vel-dhiv-11120785/
du groupe Rochambeau, intégré à la 2e DB du général Leclerc. Elles participent à toute la campagne de France et d’Allemagne en 1944 et 1945, et finissent même par atteindre le « Nid d’aigle » d’Hitler, en Bavière. Ces « Rochambelles » travaillent aux côtés des « Marinettes », infirmières des FNFL (Forces navales françaises libres), elles aussi intégrées à la 2e DB, mais pas dans les mêmes unités – la marine et l’armée de terre veillant jalousement à leurs prérogatives !
La guerre est une affaire d’hommes depuis toujours…
Comment expliquer que ces femmes qui furent des milliers et sans qui, du propre aveu du colonel Rol- Tanguy, « la moitié du travail aurait été impossible », aient été ainsi oubliées à la Libération ? Il y a bien sûr eu le poids du patriarcat, que l’octroi du droit de vote aux femmes, en 1944, n’a pas fait disparaître. La guerre est une affaire d’hommes depuis toujours…
Il y a eu également le choix, pour nombre de ces héroïnes, de garder l’anonymat, car elles considéraient n’avoir accompli que leur devoir. Ainsi, Germaine Tillion compose-t-elle, en déportation, une étonnante opérette, tragicomique, sur son histoire (Le Verfügbar aux enfers). Il faudra attendre 2007 et l’autorisation de son autrice pour qu’elle soit enfin mise en scène au Théâtre du Châtelet.
Madeleine Riffaud n’accepte de parler de son rôle dans la Résistance qu’en 1994, à la demande de Raymond Aubrac, qui a su trouver les mots en lui disant qu’il le fallait pour que la mémoire des résistantes et résistants ne tombe pas dans l’oubli.
Certaines ont des noms de rues https://www.caminteresse.fr/histoire/depuis-quand-les-rues-ont-elles-des-noms-en-france-1194146/ ou des plaques à leur nom. Certaines sont entrées récemment au Panthéon.https://www.caminteresse.fr/culture/des-intrus-inhumes-au-pantheon-11112292/
D’autres conservent, quatre-vingts ans plus tard, leur anonymat. Toutes ont joué un rôle dans la libération de la France. Il est plus que temps de leur rendre justice.
Antoine Bourguilleau
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