L’histoire méconnue de ces Allemands qui ont reconstruit la France en 1945
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L’histoire méconnue de ces Allemands qui ont reconstruit la France en 1945
Correspondance, Nicolas MONTARD
En 1945, la Seconde Guerre Mondiale avait beau être terminée, il restait des Allemands sur le territoire français. 740 000 hommes parfois affectés à des tâches particulièrement dangereuses, quand d’autres travaillaient dans nos campagnes. Retour sur cette histoire méconnue.
18 septembre 1945. Werner Schneider, ancien soldat de la Lutwaffe, alors âgé de 22 ans, arrive en France. La guerre est peut-être finie pour les autres, mais pas tout à fait pour ce jeune homme. Prisonnier de guerre, il est affecté à une mission dangereuse. Déterrer les mines disséminées sur le territoire français.
« On passait presque une journée entière pour déterrer une seule bombe, confiait-il en 2019, lors de son passage au Mémorial de Falaise (Calvados). https://www.ouest-france.fr/d-day/75e-anniversaire-du-debarquement-l-histoire-n-est-pas-seulement-celle-des-vainqueurs-6431952
Ce n’était pas grave si on mourait, on était l’ennemi… »
On l’ignore encore souvent, mais à peine l’occupant chassé de France, nos autorités ont fait appel à la main-d’œuvre allemande. Il faut dire que le pays était exsangue, avec des quartiers, voire des villes entières détruites, des infrastructures au plus mal, un réseau ferroviaire en piteux état, le rationnement toujours d’actualité, et ce, alors que prisonniers de guerre français et déportés commençaient à rentrer d’Allemagne.
Pour faire repartir la machine, la France va ainsi profiter des vaincus, ces soldats allemands capturés par les Alliés. À l’origine, dans les négociations entre vainqueurs, nos aïeux avaient demandé 2 millions d’hommes ! Au final, la France en obtiendra 740 000.
Parmi ces soldats d’outre-Rhin, nombre d’entre eux ne connaissaient pas la France, n’y ayant jamais mis les pieds, affectés à d’autres théâtres de guerre pendant le conflit.
Déminage et mines de charbon
Comme Werner Schneider, environ 34 000 hommes sont employés au déminage et désobusage. « La plupart n’avaient aucune expérience, rappelle l’historien Fabien Théofilakis, qui a consacré un ouvrage au sujet (Les prisonniers de guerre allemands, éditions Fayard). C’était un travail extrêmement dur, dangereux, on déminait à la baguette au début. »
Officiellement, la France traitait bien ses prisonniers pour montrer son humanité. En réalité, on en faisait peu de cas quand l’un d’eux était blessé, en le renvoyant dans son pays sans aucune compensation.
Selon les estimations de l’auteur, 4 930 prisonniers ont été victimes d’accidents de déminage, de désobusage et de débombage, dont 1 780 mortels, « mais les chiffres sont sans doute sous-évalués ».
50 000 autres prisonniers sont affectés aux mines du Nord, afin de remettre en état l’appareil productif et extraire le charbon. Là aussi, les conditions sont difficiles : la main-d’œuvre est envoyée dans les veines les moins modernes du réseau. « Les prisonniers ont permis de retarder la modernisation des mines », estime Fabien Théofilakis.
Pour les mineurs comme les démineurs la vie se résume au travail, qu’ils rejoignent depuis leurs camps, sous bonne escorte. Et pour certains, une forme de double peine. Pour motiver les démineurs, certains superviseurs locaux avaient promis aux Allemands la possibilité d’être libérés plus tôt. Sauf que le pouvoir central n’avait pas validé cette libération anticipée. Au lieu de rentrer chez eux, les malheureux descendaient ensuite dans les mines de charbon…
Illustration extraite d’une brochure éditée par le ministère du travail (France), destinée aux municipalités et intitulée « Faites travailler les prisonniers ennemis » (1945). (Source : archives départementales de la Nièvre / Wikimédia / CC BY-SA 4.0)
Dans l’agriculture, toujours une différence de traitement
En comparaison, la situation de la majorité des prisonniers employés à l’agriculture est plus enviable. Impossible de mettre un garde derrière chaque prisonnier, le pouvoir civil prend le pas sur le pouvoir militaire.
L’employeur emploie, nourrit et surveille. Et dans le monde de la terre, la plupart comprennent que bien traiter le prisonnier est bénéfique pour la productivité. Ainsi, il participe aux temps forts de la vie agricole, comme la fête des moissons, la distillation de l’alcool, etc. Mais ce n’est pas pour autant la dolce vita. « Cette proximité n’efface pas la germanophobie, mais complexifie le rapport à l’Allemand qui n’est pas qu’un ennemi. Néanmoins, il ne reste accepté que comme travailleur. L’Allemand ne va pas au café, on ne veut pas qu’il sorte avec une Française, etc. »
On rappelle bien aux Allemands leur position dans l’échiquier des vainqueurs et des vaincus. Parmi les prisonniers, certains étaient d’ailleurs des médecins, dentistes, ingénieurs qui auraient pu aider dans une France en reconstruction. On se garde bien de leur proposer de tels postes. Car ils auraient commandé des Français…
1947 sonne la fin du statut des prisonniers de guerre. Mais la France, qui a cruellement besoin de main-d’œuvre, propose aux Allemands de rester ou de venir d’outre-Rhin en tant que travailleurs libres. Ils seront 137 000 à opter pour ce statut dans un premier temps, pour environ 40 000 Allemands restés en France dans les années 1950.
« Leur impact sur l’économie d’après-guerre reste difficile à quantifier, mais il est important, reprend Fabien Théofilakis. Rappelons qu’il nous manquait de la main-d’œuvre à l’époque… Ils ont aussi travaillé à la reconstruction des villes, des ponts. »
Cette histoire disparaîtra de la mémoire nationale. Mais pas locale. « Dans les villages, quand vous interrogez les anciens, beaucoup disent se souvenir de l’Allemand qui travaillait ici. »
ouest france
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