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En France, on préfère travailler moins pour gagner moins

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Message par Admin Mer 4 Nov - 15:58

Jean-Marc Vittori / Editorialiste | Le 03/11 à 07:00, mis à jour à 09:11

Si la croissance a été si faible en France depuis plus de deux décennies, c'est parce que nous avons collectivement choisi de réduire les heures de travail. En étant une fois encore victimes de la mythologie du partage.

de Jean-Marc Vittori



Nos ancêtres les Gaulois craignaient que le ciel leur tombe sur la tête. Nous les Français regardons moins loin. Nous redoutons surtout que nos propres constructions ne s’écroulent sur nous. Un Etat perclus de dettes, une école devenue une machine à renforcer les inégalités, un corpus de réglementations en forme de maquis inextricable. Et surtout un modèle social, hier ciment, aujourd’hui mur lézardé. Le chômage balaie les promesses, la pauvreté s’incruste, les assurances sont perpétuellement en déficit. Dans le pays champion du monde des cotisations sociales ! Le gouvernement, lui, tente d’étayer les murs avec des allumettes. Pas étonnant que la France rime avec défiance.

A première vue, ce délabrement vient d’une concurrence mondiale trop forte, d’entreprises trop faibles, de pays voisins qui trichent avec les règles, du numérique qui change le jeu. Bref, il viendrait des autres. Mais s’il venait de nous-mêmes ? C’est l’idée que défend l’économiste Jean-Olivier Hairault, professseur à Paris-I et à la Paris School of Economics dans un livre paru en mars (« Ce modèle social que le monde ne nous envie plus », Albin Michel), idée qu’il a ramassée de manière percutante lors des Journées de l’économie à Lyon, mi-octobre , avec un double renversement plutôt réjouissant

en ces temps de conformisme intellectuel. Il part du poids du social dans l’économie. En France, les dépenses sociales publiques culminent à plus de 30 % du PIB. Record planétaire ! La moyenne des pays avancés, ceux de l’OCDE, est de 22 % – un quart de moins. Hairault fait ici son premier renversement. Ce n’est pas la dépense sociale qui serait trop élevée… c’est le PIB qui est trop bas !

Le chercheur justifie son affirmation par deux arguments. D’abord, la France n’a pas une dépense sociale extravagante. Par tête, elle est un peu inférieure à 12.000 euros par an. La Belgique, l’Autriche, les pays nordiques dépassent la France (chiffres 2011, convertis aux taux de change assurant la parité de pouvoir d’achat). La Finlande et l’Allemagne sont en deçà, un peu au-dessus de 10.000 euros. Les pays anglo-saxons en font nettement moins, ce qui n’est guère surprenant. Ensuite, la France a un vrai problème de croissance. Elle a décroché. Sur le dernier quart de siècle, elle fait partie des trois pays où la progression du PIB par tête a été la plus faible des pays de l’OCDE. Résultat, «  nous n’avons pas les moyens de financer la protection sociale que nous voulons avoir ». Ce manque de croissance ne vient pas d’une faiblesse de la productivité,

mais de la chute du temps passé à travailler. En quarante ans, le nombre d’heures travaillées par habitant a chuté de 20 % !

D’où vient cet autre « déficit », pour reprendre le mot employé par Hairault ? On pense évidemment au chômage. Mais le nombre d’heures travaillées dépend aussi de deux autres leviers : le temps de travail (dans l’année) et le taux d’activité (la proportion des adultes sur le marché du travail). C’est ici que l’économiste procède à son second renversement : le premier problème de la France, ce n’est pas son chômage trop fort, mais son activité trop faible. Le temps de travail a baissé avec le passage aux 39 heures puis aux 35 heures, et la cinquième semaine de congés payés. Le taux d’activité, lui, a reculé avec la retraite à 60 ans, la multiplication des formes de préretraite et, à l’autre bout de la vie active, l’allongement de la durée des études. Chez les moins de 25 ans comme chez les plus de 55 ans, la France compte sensiblement moins d’actifs que ses voisins européens. L’économiste parle d’une «  stratégie de l’inactivité universelle pour tous » et prône une politique de l’offre… de travail. Ce qui ne manque pas de sel pour celui qui fut conseiller de Pierre Moscovici lorsque ce dernier était un peu actif ministre socialiste de l’Economie et des Finances.

Bien sûr, la donne change. Le recul de l’âge de la retraite, ou plus précisément le recul de l’âge auquel un salarié peut bénéficier d’une retraite à taux plein, exerce ses effets. En dix ans, le nombre d’actifs de plus de 55 ans a augmenté de plus de 1,5 million (+ 66 % !). Bien sûr, les Français pourraient aussi avoir une préférence pour le loisir plus grande que les habitants des autres pays – le leur serait plus agréable à vivre, plus passionnant à visiter, plus riche de manifestations culturelles offertes par les intermittents du spectacle. Mais deux chercheurs italiens, Simone Moriconi de l’université catholique de Milan et Giovanni Peri de l’université de Californie à Davis, ont montré dans un article récent que la France était plutôt dans la moyenne européenne dans sa préférence pour le loisir. Et que cette préférence, en Europe, joue un rôle moins important dans les choix des individus que les institutions du marché du travail (assurance-chômage, syndicalisation, taxation, etc.).

Dans ce choix du travail ou plutôt du non-travail se retrouve en fait la mythologie française du partage. On rêve d’une école qui partagerait les connaissances, mais l’école emploie ces connaissances comme outil de sélection. On rêve de l’égalité des revenus, mais l’inégalité avant redistribution est plus forte que dans beaucoup d’autres pays. On rêve du partage du travail, mais le travail est moins partagé en France que dans des pays aussi différents que la Suède, le Royaume-Uni ou l’Allemagne (avec, entre autres, un temps partiel sous-développé). Du coup, le travail est davantage mis à contribution pour financer l’Etat-providence. Il coûte donc plus cher. Ce qui entretient le cercle vicieux du chômage et la peur de voir le ciel nous tomber sur la tête. Au risque de tuer l’idée même de partage, sans laquelle il n’y a pas d’avenir.
Jean-Marc Vittori

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