Suède: le "travailler moins pour gagner pareil" est-il viable?
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Suède: le "travailler moins pour gagner pareil" est-il viable?
26/07/2016 à 11h16
article bfm
En Suède, les expériences sur le temps de travail se sont multipliées. Avec à la clé, une augmentation de la motivation des salariés et de leur bien-être, et des embauches. Mais le coût de ces réformes est un frein à leur généralisation.
Depuis une vingtaine d'années, les expériences de réduction du temps de travail (RTT) se multiplient en Suède, public et privé confondus, permettant aux bénéficiaires de travailler 30 heures tout en étant payés 40. Mais le bilan, en termes de productivité, de motivation, d'embauches, est difficile à dresser puisque ces expériences sont menées dans des contextes particuliers et selon des modes d'application taillés sur mesure.
Pour les auteurs d'un audit commandé par la maison de retraite de Svartedalen, à Göteborg (sud-ouest), les bienfaits de l'allègement de l'activité sur la santé des personnels et leur ardeur à la tâche sont parfaitement quantifiables. Au bout d'un an, le sentiment de bien-être des aides-soignantes est de 20% supérieur à celui de leurs collègues d'un autre établissement resté aux 40 heures, elles consacrent 60% de temps libre en plus à l'exercice physique, leur tension artérielle a diminué, leur masse musculaire augmenté. L'employeur - la commune - y gagne aussi: l'absentéisme a chuté, deux fois moindre désormais que dans les autres services municipaux.
Des recrutements en plus
À Stockholm, infirmiers et aides-soignants des urgences de l'hôpital Karolinska-Huddinge peuvent depuis la mi-janvier travailler 32 heures par semaine au lieu de 38, sans perte de salaire. "Cela fait une différence énorme", explique dans un grand sourire Kia Andersson, aide-soignante. "Je suis beaucoup, beaucoup plus heureuse au travail, j'ai beaucoup plus d'énergie, et c'est pareil à la maison!"
Avant, les urgences étaient "dans une situation très difficile", justifie Caroline Kevin, cadre de santé. "Une charge de travail élevée et beaucoup de changements de personnel car le rythme était intenable". La réorganisation du service a permis de recruter vingt infirmières.
Des commerciaux plus performants
La RTT, ça marche aussi dans le privé, témoigne Susanne Ahtila-Fahlberg, directrice des ressources humaines de Qall, une entreprise de téléphonie passée à la journée de six heures en février.
Certes il a fallu un peu resserrer les boulons au début, et le temps de travail est aujourd'hui plus proche des 6,5/7 heures par jour, mais "les commerciaux n'avaient pas été aussi performants depuis longtemps", témoigne Mme Ahtila-Fahlberg.
À Mölndal, près de Göteborg, le grand garage Toyota s'est converti en 2002. À l'époque, le personnel qualifié manquait, les temps d'attente étaient interminables, les clients mécontents.
En raccourcissant la journée de travail, Toyota a pu mettre en place deux équipes, lesquelles embauchent plus tôt et débauchent plus tard. Le constructeur nippon sert davantage de clients et dope son chiffre d'affaires.
Une mise en place coûteuse
Mais cette réduction du temps de travail est lourde à supporter financièrement. Aux urgences de Karolinska, on a monnayé la RTT contre un week-end travaillé sur deux pour assurer l'équilibre financier. Quant à la maison de retraite de Svartedalen, les 17 postes équivalent temps plein créés pour compenser les heures de travail perdues ont coûté 6,6 millions de couronnes (700.000 euros).
Il faut retrancher de cet investissement au moins la moitié au titre de la baisse de l'absentéisme, des gains de productivité et des indemnités-chômage qui ne sont plus versées, mais le coût est net.
Alors, la semaine de 30 heures a-t-elle un avenir national en Suède? "Le débat sur la réduction du temps de travail a existé mais il a été plus ou moins éclipsé après la crise financière" de 2008, rappelle l'économiste Klas Eklund.
"Il n'y a pas d'argent pour financer une telle réforme. L'exemple des 35 heures en France montre qu'il est difficile de travailler moins en restant compétitif dans la mondialisation", affirme-t-il
D'autant que, selon Eurostat, les Suédois sont déjà, après les Français et les Finlandais, ceux qui travaillent le moins en Europe pour un coût horaire de la main d'œuvre parmi les plus élevés
Ni le patronat ni les syndicats - qui ne croient pas au partage du travail par la RTT - ne poussent à la roue. Or ce sont eux qui font la pluie et le beau temps dans le champ social depuis les années 1930.
Par C.C. avec AFP
article bfm
En Suède, les expériences sur le temps de travail se sont multipliées. Avec à la clé, une augmentation de la motivation des salariés et de leur bien-être, et des embauches. Mais le coût de ces réformes est un frein à leur généralisation.
Depuis une vingtaine d'années, les expériences de réduction du temps de travail (RTT) se multiplient en Suède, public et privé confondus, permettant aux bénéficiaires de travailler 30 heures tout en étant payés 40. Mais le bilan, en termes de productivité, de motivation, d'embauches, est difficile à dresser puisque ces expériences sont menées dans des contextes particuliers et selon des modes d'application taillés sur mesure.
Pour les auteurs d'un audit commandé par la maison de retraite de Svartedalen, à Göteborg (sud-ouest), les bienfaits de l'allègement de l'activité sur la santé des personnels et leur ardeur à la tâche sont parfaitement quantifiables. Au bout d'un an, le sentiment de bien-être des aides-soignantes est de 20% supérieur à celui de leurs collègues d'un autre établissement resté aux 40 heures, elles consacrent 60% de temps libre en plus à l'exercice physique, leur tension artérielle a diminué, leur masse musculaire augmenté. L'employeur - la commune - y gagne aussi: l'absentéisme a chuté, deux fois moindre désormais que dans les autres services municipaux.
Des recrutements en plus
À Stockholm, infirmiers et aides-soignants des urgences de l'hôpital Karolinska-Huddinge peuvent depuis la mi-janvier travailler 32 heures par semaine au lieu de 38, sans perte de salaire. "Cela fait une différence énorme", explique dans un grand sourire Kia Andersson, aide-soignante. "Je suis beaucoup, beaucoup plus heureuse au travail, j'ai beaucoup plus d'énergie, et c'est pareil à la maison!"
Avant, les urgences étaient "dans une situation très difficile", justifie Caroline Kevin, cadre de santé. "Une charge de travail élevée et beaucoup de changements de personnel car le rythme était intenable". La réorganisation du service a permis de recruter vingt infirmières.
Des commerciaux plus performants
La RTT, ça marche aussi dans le privé, témoigne Susanne Ahtila-Fahlberg, directrice des ressources humaines de Qall, une entreprise de téléphonie passée à la journée de six heures en février.
Certes il a fallu un peu resserrer les boulons au début, et le temps de travail est aujourd'hui plus proche des 6,5/7 heures par jour, mais "les commerciaux n'avaient pas été aussi performants depuis longtemps", témoigne Mme Ahtila-Fahlberg.
À Mölndal, près de Göteborg, le grand garage Toyota s'est converti en 2002. À l'époque, le personnel qualifié manquait, les temps d'attente étaient interminables, les clients mécontents.
En raccourcissant la journée de travail, Toyota a pu mettre en place deux équipes, lesquelles embauchent plus tôt et débauchent plus tard. Le constructeur nippon sert davantage de clients et dope son chiffre d'affaires.
Une mise en place coûteuse
Mais cette réduction du temps de travail est lourde à supporter financièrement. Aux urgences de Karolinska, on a monnayé la RTT contre un week-end travaillé sur deux pour assurer l'équilibre financier. Quant à la maison de retraite de Svartedalen, les 17 postes équivalent temps plein créés pour compenser les heures de travail perdues ont coûté 6,6 millions de couronnes (700.000 euros).
Il faut retrancher de cet investissement au moins la moitié au titre de la baisse de l'absentéisme, des gains de productivité et des indemnités-chômage qui ne sont plus versées, mais le coût est net.
Alors, la semaine de 30 heures a-t-elle un avenir national en Suède? "Le débat sur la réduction du temps de travail a existé mais il a été plus ou moins éclipsé après la crise financière" de 2008, rappelle l'économiste Klas Eklund.
"Il n'y a pas d'argent pour financer une telle réforme. L'exemple des 35 heures en France montre qu'il est difficile de travailler moins en restant compétitif dans la mondialisation", affirme-t-il
D'autant que, selon Eurostat, les Suédois sont déjà, après les Français et les Finlandais, ceux qui travaillent le moins en Europe pour un coût horaire de la main d'œuvre parmi les plus élevés
Ni le patronat ni les syndicats - qui ne croient pas au partage du travail par la RTT - ne poussent à la roue. Or ce sont eux qui font la pluie et le beau temps dans le champ social depuis les années 1930.
Par C.C. avec AFP
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