Accidents médicaux. Plaintes en hausse
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Accidents médicaux. Plaintes en hausse
Chaque jour, se produisent dans les établissements de soins des centaines « d'événements indésirables graves ». En clair, des accidents médicaux. Depuis la loi Kouchner de 2002, les victimes sont de plus en plus nombreuses à demander réparation même si c'est encore un parcours qui peut s'avérer très long et incertain.
Le CHU de Brest condamné à verser près d'un million d'euros à une patiente devenue lourdement handicapée, suite à un accouchement ; l'hôpital de Saint-Brieuc reconnu responsable d'un accident lors de la naissance d'une petite Léa ; les hôpitaux de Quimper et de Brest poursuivis par un couple après la mort de sa fille prématurée... Ce sont là quelques exemples récents de procès engagés devant la juridiction administrative contre des hôpitaux bretons pour des accidents médicaux.
4.479 dossiers en 2014
Cette série traduit-elle une augmentation du nombre des procédures judiciaires à l'encontre des hôpitaux ? « Il n'y a pas de statistiques qui permettent de l'affirmer », répond Rodolphe Halama, le délégué général du Lien, une association de défense des victimes d'accidents médicaux. En revanche, ce que l'on connaît, c'est le nombre de demandes d'indemnisation par voie amiable reçues par les Commissions régionales d'indemnisation et de conciliation (CRIC), créées en 2002. Selon l'Observatoire des risques médicaux, 4.479 dossiers ont été déposés en 2014 dans l'ensemble des CRIC. La Commission de l'Ouest a, pour sa part, reçu 584 demandes. Le nombre de dossiers traités par les CRIC ne cesse de croître. En 2003, il y en avait quasiment quatre fois moins qu'aujourd'hui. « Avant, on cachait tout, et les gens n'avaient pas forcément envie d'aller en procédure quand il arrivait un malheur. Aujourd'hui, la culture de la réparation s'impose progressivement », observe Rodolphe Halama. La loi Kouchner de 2002, qui a créé cette procédure d'indemnisation par voie amiable, a évidemment beaucoup contribué à cette évolution. « Elle est loin d'être parfaite, mais elle a le mérite d'exister », souligne, sur son site, l'Association d'aide aux victimes d'accidents corporels (AAVAC).
Un tiers des accidents liés à des actes fautifs
Toutes les demandes adressées aux CRIC n'aboutissent évidemment pas. Loin de là. Après expertise seulement, une partie des dossiers est transmise à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), l'organisme chargé de l'indemnisation. Toujours selon l'Observatoire des risques médicaux, 718 dossiers venant des CRIC ont été reçus en 2014 par l'Oniam. Dans 98 % des cas, ce dernier suit l'avis des commissions et 97 % des victimes acceptent l'offre qui leur est faite. Globalement, 29 % des accidents médicaux correspondent à des actes non fautifs - ce qu'on appelle l'aléa thérapeutique - et 30 % sont liés à des actes fautifs, lesquels sont normalement pris en charge par les assureurs. Sans surprise, ce sont les disciplines chirurgicales (61,8 %) qui sont à l'origine du plus grand nombre de demandes d'indemnisation. Et elles représentent, à elles seules, 65 % des indemnités versées.
Dédommagement moyen : 118.000 euros
Le dédommagement moyen s'élève à 118.000 euros. Il est nettement supérieur au dédommagement médian, qui se situe entre 25.000 et 60.000 euros, en raison de la présence de dossiers avec des montants importants, supérieurs à un million d'euros, en particulier pour l'obstétrique. De 2008 à 2013, le montant global des indemnisations a représenté une charge de plus d'un milliard d'euros. À noter que les infections nosocomiales représentent 18 % des dossiers indemnisés.
En complément
« Le but premier est de comprendre »
Présidente de l'Aviam Bretagne, association d'aide aux victimes d'accidents médicaux, Yolande Le Menec dit recevoir trois à quatre appels par jour de personnes victimes d'un accident médical. Ou qui, pour le moins, éprouvent le besoin d'exposer leur cas, faute souvent d'avoir pu trouver un interlocuteur à l'hôpital. Pas vraiment étonnant si l'on sait qu'entre 275.000 et 395.000 « événements indésirables graves » (EIG) se produisent chaque année dans les établissements hospitaliers, selon une enquête de 2010 du ministère de la Santé. C'est beaucoup, sachant qu'une bonne partie de ces événements est considérée comme évitable.
« Assez violent »
Tous les patients victimes d'un EIG, loin de là, ne saisiront pas la Commission de conciliation et d'indemnisation. Seulement une petite minorité franchira le pas, même s'ils sont de plus en plus nombreux à le faire. Gratuite, la démarche n'est pas forcément facile. « C'est même assez violent. On est considéré comme un aléa thérapeutique », observe une Lorientaise, victime, il y a trois ans, d'un très grave accident médical ayant nécessité une transplantation cardiaque. Et même si initialement les CRIC ont été créées pour simplifier les démarches et éviter d'avoir à aller devant un tribunal, la procédure reste quand même relativement longue. Si 25 % des dossiers sont traités en moins de deux ans, il faut plus de cinq ans pour 35 % d'entre eux. La présidente de l'Aviam Bretagne constate aussi une réticence liée au qu'en-dira-t-on : « Les gens craignent d'être accusés de faire ça pour l'argent ». Alors que, pour Yolande Le Menec, « la motivation première de ceux qui vont devant la Commission est en général de comprendre ce qui s'est passé, de savoir si c'est une faute ou un simple aléa thérapeutique ».
Être accompagné
Dans tous les cas, Yolande Le Menec déconseille aux patients d'aller seuls devant la Commission. « Mieux vaut être accompagné par un avocat ou au moins par un médecin. » Car le noeud du problème, c'est l'expertise. D'elle dépend la recevabilité de la demande. Pour être dédommagé, l'accident doit, entre autres, avoir causé une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieure à 24 %. Un taux qui exclut beaucoup de victimes d'une indemnisation. Ne reste plus alors au patient que la possibilité d'aller devant un tribunal.
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