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Le 22 septembre 1792, premier jour de la République française

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Message par Admin Ven 23 Sep - 18:12

Le 22 septembre 1792, premier jour de la République française Sans_168

Tableau d'Horace Vernet


Alors que la date de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, devient Fête nationale, celle de la proclamation de la République reste peu présente dans la mémoire populaire. Une éclosion constituée
d’une succession d’événements politiques.

Hervé Leuwers Professeur à l’université Lille-III, directeur des Annales historiques de la Révolution française. Dernier livre paru : Robespierre, Fa yard, Paris, 2014.



Le 22 septembre 1792, deux jours après Valmy, la France devient une première fois république. Dans un pays qui craint l’invasion, dans Paris qui vient de connaître les massacres de septembre, l’incertitude est forte ; à la Convention, les députés savent que, pour l’emporter, il leur faut gagner la guerre contre la Prusse et l’Autriche, imposer le régime nouveau à l’Europe et, surtout, transformer les citoyens en républicains. L’entrée en république n’est pas l’oeuvre d’un jour !

Pendant longtemps, nombre de patriotes sont restés méfiants envers ce régime. En hommes du XVIIIe siècle, ils ont soutenu que les citoyens peuvent être libres sous un roi, à condition que la souveraineté soit reconnue au peuple. Plus qu’au souvenir des républiques de Rome et d’Athènes, plus qu’à l’exemple américain, c’est par la dénonciation croissante de la duplicité royale que l’idée de république a fait son chemin. Rares sont ceux, tel Desmoulins, qui se sont montrés séduits avant l’été 1791 et la fuite manquée du roi. Après Varennes, d’ailleurs, beaucoup pensent remplacer Louis XVI par une régence en faveur du dauphin, ou un changement de dynastie qui profiterait aux Orléans. La république n’est que l’un des possibles. Un an plus tard, elle s’impose avec l’entrée en guerre, les défaites militaires, les choix politiques du monarque, puis la prise des Tuileries (10 août) et ses suites.C’est ainsi, par la rupture avec le roi, que commence l’entrée en république. Élue au suffrage universel masculin, la Convention l’a affirmé avant même le 22 septembre et sa décision de dater les actes publics « de l’an premier de la République française ».


De quelle république s’agit-il ?
La veille, plus de la moitié des conventionnels sont à Paris. Ils veulent ouvrir leurs travaux par des décisions symboliques. Les échanges sont denses, mais n’évoquent pas directement la république… Danton parle de la future Constitution, et obtient que l’Assemblée s’engage à la faire sanctionner par le peuple. Un peu plus tard, à la suite d’une proposition de Manuel, relancée par Collot d’Herbois, la Convention prononce l’abolition de la « royauté ». Le pas majeur est franchi, et personne ne s’y trompe ; le soir même, le ministre de l’Intérieur Roland invite les administrateurs du pays à proclamer la République. Mais de quelle république s’agit-il ? Dès octobre, Robespierre appelle à la vigilance : « Aujourd’hui que l’ennemi commun est terrassé, vous verrez ceux que l’on confondait sous le nom de patriotes se diviser nécessairement en deux classes. Les uns voudront constituer la république pour eux-mêmes, et les autres pour le peuple, suivant la nature des motifs qui avait jusque-là excité leur zèle révolutionnaire. » L’Incorruptible veut une vraie démocratie, une république faite pour le peuple, rien que pour lui. Avec la Montagne, il l’emporte et dote la France de la Constitution la plus démocratique de son histoire, précédée d’une déclaration qui reconnaît le droit à l’instruction, à l’assistance et à la résistance à l’oppression (juin 1793).


Mais cela ne suffit pas. Les conventionnels travaillent encore à l’adoption d’un grand plan d’éducation et d’un code civil, jugés essentiels pour peupler la France de républicains. La guerre intérieure et extérieure, puis l’entrée dans le gouvernement révolutionnaire ne leur permettent cependant pas d’achever leur oeuvre. Même l’application de la Constitution est reportée au retour de la paix. Pour autant, malgré la terrible guerre civile et la justice révolutionnaire, l’organisation de fêtes, la publication de catéchismes républicains et la mise en recueil des « actions héroïques et civiques » des Français rappellent que la construction de l’esprit républicain n’est pas oubliée.

Dans les années suivantes, la fondation de la République est fêtée chaque année, au même titre que le 14-Juillet. Étrangement, la célébration survit pendant l’ensemble de « la Première République » qui, malgré son nom, est pourtant une succession d’expériences profondément différentes les unes des autres. Après les tensions de l’an II, la date du 22 septembre n’est pas reniée par la refondation républicaine de 1795, dont la Constitution est pourtant précédée d’une Déclaration des droits et des devoirs, qui dit sa méfiance envers le peuple ; elle n’est pas davantage reniée par la république consulaire naissante, si favorable à l’exécutif. La préservation de la fête dit la fidélité affichée à un régime que les hommes de 1793, de 1795 et de 1799 ne conçoivent cependant pas de la même manière ; si le 22 septembre (1er vendémiaire) continue d’être symbole d’entrée en république, il a peu à peu cessé d’être une promesse d’esprit républicain. Bientôt, l’idée même de république s’efface… pour mieux renaître en 1848, en 1870, en 1944.


Lettre du ministre de l’Intérieur Roland, 21 septembre 1792

« Vous allez, messieurs, proclamer la République ; proclamez donc la fraternité ; ce n’est qu’une même chose. Hâtez-vous de publier le décret qui l’établit, faites-le parvenir dans toutes les municipalités de votre département ; annoncez le règne équitable, mais sévère de la loi. Nous étions accoutumés à admirer la vertu comme belle ; il faut que nous la pratiquions comme nécessaire ; notre condition devenant plus élevée, nos obligations sont aussi plus grandes et plus rigoureuses. Nous obtenons le bonheur, si nous sommes sages ; nous ne parviendrons à le goûter qu’à force d’épreuves et d’adversité, si nous ne savons le mériter. II n’est plus possible de le fixer parmi nous, je le répète, que par l’héroïsme du courage, de la justice et de la bonté ; c’est à ce prix que le met la République. »



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