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L'incendie du Parlement de Bretagne

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L'incendie du Parlement de Bretagne  Empty L'incendie du Parlement de Bretagne

Message par Admin Ven 15 Sep - 17:57

15 sept. 2017
Par alain Dussort
Blog : Le blog de alain Dussort

Vous voulez des nouvelles ? La forme de la nouvelle n'est pas assez utilisée en "politique". Elle permet de bonnes synthèses, en voici j'espère un exemple. La restauration du Parlement de Bretagne a coûté officiellement 52 millions d'euros aux contribuables.

« Puis-je, monsieur, vous proposer mes services, sans risquer d'être importun ? »

Ainsi commence La chute d'Albert Camus.

Je vais donc relater ici quelques services que j'ai rendus. A qui ? Cela sera à vous de le déduire. Ma démarche s'apparente à un mouvement fractal pour garder une forme d'unité. Qui suis-je vraiment ? Vous le saurez à la fin, mais vous apprendrez à me connaître un peu au cours de ce court récit. Ah les gens aiment bien tout savoir. C'est du moins ce que l'on croit. Savoir oui, mais jusqu'à un certain point et c'est là où j'excelle. C'est sur ce point que tout se joue.

Il y a le feu ? J'organise des contre-feux. Des rumeurs circulent ? Je les enfle pour mieux mettre la réalité dans un coin. Je complique les faits, je les mélange dans le temps. Je diabolise un témoin gênant. Je propulse un témoin hasardeux, émotionnel. Je mets en scène des situations compliquées dans la vraie vie. Et non, je ne suis pas un littérateur, plutôt un scénariste de la réalité.

Ça ne marche pas toujours aussi bien que prévu, car chacun a parfois des réactions imprévisibles. Je manipule aussi bien le simple quidam que les plus hautes autorités.

La plupart des concitoyens s'ennuient sans le savoir.

Au sein de cet ennui, je rencontre deux sortes de personnes. Celles qui savent garder un secret qui leur donne de l'importance à leurs propres yeux, et si en plus elles ont quelque chose à perdre, c'est plus facile. Et puis il y a celles qui racontent toujours tout ce qu'elles font, tout ce qu'elles ont vu : cette maladie du témoignage. Ces personnes qui veulent rendre justice et n'ont pas grand chose à perdre, voire rien à perdre. Détestable mais ô combien excitant. Excitant de leurs faire douter de la réalité, de les ficeler, les embrouiller.



Si par hasard cela ne marche pas, j'ai d'autres méthodes, que je n'aime pas en réalité. C'est une forme d'échec pour moi et cela crée des complications inintéressantes la plupart du temps, car je suis surtout psychologue. Il y a bien sûr les perturbateurs endoctrinants, ce n’est pas un problème. Le jeu de la démocratie. Les plus gênants sont ceux qui mêlent les questions sociales et les questions écologiques, en les mettant en pratique. Ca on ne peut l’accepter : ils peuvent être suivis par une masse de gens et c’est dangereux pour le système.



Ah ! Je sens que je commence à vous importuner, aussi vais-je vous donner l'exemple de l'incendie du Parlement de Bretagne le quatre février de l'an 1994 à Rennes.

Le premier Ministre Balladur, quel nom celui-là, avec cinq de ces ministres, dont le grand Charles Pasqua, Ministre de l'intérieur, arrivait en grand aréopage. J'emploie ce terme à dessin, en référence à Arès, le Dieu de la guerre. Ah l'intérieur ! J'aime ça l'intérieur. La plupart des gens n'y lisent que police et frontières, mais l'intérieur c'est justement ce point dont je parlais précédemment, un point qui est à la fois un curseur de rapports de forces, de bêtises, de lâchetés et d'hypocrisies. Les autorités venaient signer un contrat avec la Région dont elles n'avaient que faire. La région a donné à cette haute délégation de L’État français, une tapisserie représentant … le Parlement de Bretagne ! Quel affront !

La ville de Rennes accueillait également, à son corps défendant, vingt-trois manifestations qui voulaient se faire entendre. Les naïfs.

Balladur d'oreilles étaient néanmoins de mauvaise humeur ce jour-là, comme souvent. Les principaux corps de métier étaient donc représentés si l'on peut dire.

Le plus important cortège était constitué de pêcheurs bretons. Rudes gaillards. Ils ne pouvaient pas rester sur leurs rafiots à pêcher la morue ? Non ! Sous prétexte de prix, de quotas de pêche et autres fariboles, certains voulaient se la jouer insurrection. Bien. J'allais leur donner satisfaction. J'ai fait alléger le dispositif policier à certains endroits, exciter les CRS à d'autres et le tour était joué. Le Parlement de Bretagne abritait le palais de Justice. Dans ce palais de justice se trouvait le bureau du juge Van Ruymbeke, un puriste de la loi qui n'aime pas l'argent et qui ne comprend pas la relativité des textes. Il avait en tête de contrecarrer, c'est le cas de le dire, les beaux projets immobiliers qui allaient projeter cette vieille ville vers le futur. Le petit juge avait un nombre certain de dossiers sur la corruption de politiciens par des promoteurs. Il instruisait et il avait du biscuit : des témoignages, des copies de contrats, tout un écheveau de preuves avec sa manie de couper les cheveux en quatre. Cela allait retarder considérablement l'avenir de cette ville.

Les grands politiciens ont toutes sortes d'avantage que vous connaissez. Mais il n'y a pas que l'argent, il y a la vraie renommée. Durant leur carrière, ils veulent du pharaonique, regardez Mitterrand avec sa pyramide du Louvre. Ça c'est du solide, c'est l'Histoire. Rennes était une ville, et est toujours d'ailleurs, réputée pour ses risques incendies. Quand on a peur de quelque chose cela finit toujours par arriver et les gens aiment la mise en spectacle de leurs peurs. Ça les fascine. Ils sentent qu'ils prennent une autre dimension.

J'ai répondu à leurs attentes.

Les pêcheurs utilisaient des feux de détresse, se croyant toujours en mer. C'est joli.

C'est eux qui mettront le feu au Parlement, ou du moins c'est ce que l'on dira. Déjà la télévision avait montré leur rage à se battre contre des CRS qui les avaient provoqués. Le curseur à l'intérieur des téléspectateurs avaient d'abord compati, puis avait remonté vers la condamnation de la violence contre un système qui est ce qu'il est.

J'avais fait tester des fusées de détresse dans le grenier de la préfecture du Morbihan, à peu près identique à celui du Parlement de Bretagne, un mois auparavant. Mais ces idiots étaient partis trop tôt et un huissier avait prévenu le Chef de Garde qui en a témoigné à sa hiérarchie, malgré l'injonction au secret. Pas grave, j'allais utiliser une méthode plus scientifique.



J'avais fait poser une grosse baraque de chantier devant les fenêtres du bureau de Van Ruy pour que personne ne puisse intervenir quand les accélérateurs d'incendie se déclareraient. Mais là, j'avais pris mes précautions : huit hommes des services spéciaux veillaient au grain. Ah ah ah ! Le grain ! Les pêcheurs étaient partis depuis longtemps, ainsi que les agriculteurs.

A minuit dix bingo. Ça a flambé par en haut, par en bas. Grandiose !

Les pompiers ont été formidables. Grâce à moi, ils ont circoncis le plus bel incendie de leur carrière en réussissant à ce que les autres immeubles ne prennent pas feu eux aussi. Pas de collatéral. Les trois quarts du bâtiment ont été sauvés, délavés certes. Les dossiers du juge ? Nettoyés ! Je lui en fournirais des copies caviardées. Champagne !

Les habitants sont venus par centaines pour voir leurs peurs se concrétiser. Que d'émotions !

Pas de victimes, pas de coupables, même le concierge Monsieur Hirel, mis en examen et procès, n'a pas été poursuivi parce qu'il avait stoppé l'alarme incendie « car trop sensible ». Le pauvre irréel, il n'y est pour rien.

Le procureur de la République, vous la connaissez la raie publique ? Donc Jean-Yves Trémoureux, procureur de son état, ayant requis le non-lieu déclara : « Cette catastrophe se termine par une impasse, c'est frustrant, mais c'est une bonne chose qu'en dépit des pressions, personne n'ait fabriqué de coupable ».

Bein non ! Cette fois c'était inutile. Tout s'est bien terminé.

Le parlement a été reconstruit, la presse que je manipule a propagandé sur la fusée de détresse pendant des années, il y a bien sûr quelques témoignants du contraire comme ce Gérard Gautier, ancien Conseiller régional au moment des faits, qui fait feu de tout bois avec ses livres comme « Parlement de Bretagne, Feu mal éteint » … mais bon c'était une jolie affaire.

La ville de Rennes s'est transformée, ce sera bientôt une très belle mégalopole. Les nouveaux habitants n'ont vraiment pas l'impression de s'y ennuyer. De temps à autres, une vieille bâtisse brûle : ça chasse les squatteurs. Ça avance, ça avance. Au fait, j'allai oublier de tenir ma promesse du début, mais je sais que vous le savez déjà.

Je suis … la raison d'état. En minuscule, en minuscule, je reste modeste moi !

Et c'est bien la première fois que je discoure, car je ne suis que méthode.

D'ailleurs, pour en revenir au bouquin de Camus, qui situe sa chute au Pays-Bas, il y mentionne que la maison de Descartes - dont le père était membre du Parlement de Bretagne - est devenue un asile d'aliénés ...



sources : http://www.blanccestexprime.fr/?p=450
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